Après l’incroyable Nanette, l’humoriste était attendue au tournant. Dans son nouveau spectacle, Douglas, diffusé sur Netflix, l’Australienne revient à un stand-up plus classique, mais sans jamais délaisser le fond.
Hannah Gadsby le sait : Douglas, son nouveau spectacle est, pour elle, “le difficile deuxième album”. En 2018, alors qu’elle est une totale inconnue hors des frontières de son pays, l’Australienne fait sensation avec son premier deal Netflix. Avec Nanette, elle réalise un braquage de la plus belle manière : un one woman show qui commence comme une comédie, pour basculer, en un battement de cil, dans l’évocation de traumas qui nouent la gorge.
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Hannah Gadsby y livre une analyse redoutable (et inconfortable) des mécanismes du stand-up – et de la frontière, un peu trop fine à son goût quand on fait partie d’une minorité, entre l’autodérision et l’humiliation.
Arrivé sans tambour ni trompette dans le catalogue de la plateforme de streaming, le spectacle avait vite profité d’un bouche-à-oreille enthousiaste et suscité une énorme conversation médiatique outre-Atlantique, au point d’être adoubé “phénomène culturel” par le New York Times. Alors, comment revenir après ça ?
“Si vous attendez plus de traumas, je n’en ai plus”
Pour ce deuxième show diffusé sur Netflix (en réalité, le dixième de sa carrière), Hannah Gadsby décide de mettre les pieds dans le plat. “Vous attendez quoi de ce spectacle ? Si vous attendez plus de traumas, je n’en ai plus”, s’amuse-t-elle au début de Douglas, regrettant de ne pas les avoir mieux rationnés, pour en faire “au moins une trilogie”.
L’humoriste commence donc par un prélude étonnant : expliquer à ses spectatrices et spectateurs ce qu’ils et elles s’apprêtent à voir. “J’ai décidé de vous dire ce qui vous attend. Je vais ainsi répondre à vos attentes… en les ajustant pour vous”, commente-t-elle, habile. Une manière de reconnaître l’enjeu pour mieux s’en délester.
Le spectacle se révèle, en réalité, tout à fait à la hauteur, même s’il est assez différent de son prédécesseur – mais comment pouvait-il en être autrement ? Nanette était, en bien des points, une réflexion sur les traumas, déguisée en comédie. Une sorte de piège, pour nous rendre attentif·ves. Avec Douglas, enregistré au Theatre at Ace Hotel de Los Angeles, Hannah Gadsby revient à une forme plus habituelle de stand-up – là où Nanette avait besoin d’une pause, sans éclat de rire, pour dérouler ce qu’il y avait à dire.
“Etre autiste, c’est être la seule personne sobre de la pièce”
La grande force de Douglas réside, d’ailleurs, probablement dans cette capacité à évoquer le fond, sans jamais avoir besoin de cesser de nous faire rire. Hannah Gadsby réalise, comme promis dans son introduction, “une gentille mise en boîte du patriarcat”, clashe férocement les anti-vaccins et évoque en détail son autisme. “Etre autiste, décrit-elle, c’est comme être la seule personne sobre dans une pièce pleine d’ivrognes.”
Lesbienne au look butch, la quadragénaire a grandi dans une région particulièrement bigote de la Tasmanie. Jeune adulte, touchée par la dépression, elle enchaîne les petits boulots et finit par se retrouver sans domicile, incapable de remplir les formulaires administratifs nécessaires pour obtenir de l’aide. Une difficulté que la comédienne, aussi vue dans l’excellente série Please Like Me, qui parlait déjà de santé mentale, comprend mieux depuis que son autisme a été diagnostiqué, il y a quatre ans. Est-ce parce qu’elle a ce parcours qu’Hannah Gadsby a aujourd’hui tant de choses à dire ?
Avalanche de piques irrésistibles
Dans ce qui est probablement le passage le plus savoureux de son nouveau spectacle, elle répond à ses haters, à ceux qui lui avaient reproché de transformer l’humour en Ted Talk sermonneur, en se mettant en scène donnant une conférence, une vraie, slides à l’appui. Elle utilise ses connaissances en histoire de l’art, acquises sur les bancs de la fac de Canberra, pour mettre en boîte ces hommes qui ont “écrit les règles” et “décidé du nom des choses”. La séquence se termine en feu d’artifice, dans une avalanche de piques irrésistibles.
A ses détracteur·trices, elle répond, pas impressionnée : “J’ai trouvé un moyen de partager ma façon de penser. Vous pouvez appeler ça comme vous voulez. Un monologue. Une conférence.” Hannah Gadsby a décidé d’utiliser la scène pour nous faire réfléchir, en plus de nous faire rire. On peut aussi appeler ça une vraie réussite.
Douglas d’Hannah Gadsby. Sur Netflix
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