Changement de cap pour l’une des voix emblématiques de France Inter : Rebecca Manzoni a délaissé les conversations secrètes pour devenir chroniqueuse musicale dans la matinale.
Dominicale durant dix ans, la voix de Rebecca Manzoni est devenue quotidienne depuis septembre. Du lundi au vendredi, elle se déploie en quatre minutes chrono, de 7 h 24 à 7 h 28, dans le studio de France Inter, de manière à la fois familière et déplacée. Familière, car le timbre et la tonalité de la voix n’ont pas bougé d’un iota en dépit des contraintes du petit matin ; déplacée, car une vibration inédite se joue dans sa chronique lancée aux aurores.
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Dans l’émission qu’elle anima le week-end durant dix ans, Eclectik, Rebecca Manzoni construisait un récit radiophonique à partir de deux promesses entremêlées : la variété foisonnante des personnalités rencontrées, issues de la musique, de la littérature, du cinéma ou d’autres arts, et la longue durée d’une conversation, développée dans le temps et dans l’espace d’un lieu de vie hors du studio (une maison, un café, une rue…). Les rencontres au long cours et au souffle long ont désormais laissé place à des minirécits, très denses, pris dans le cadre ultraminuté et précis de la matinale animée par l’anchorman infatigable Patrick Cohen.
Avec deux types de chroniques – Pop & Co, du lundi au jeudi, et Tubes & Co le vendredi –, Rebecca Manzoni change ainsi de registre autant que de case horaire. « J’avais vraiment envie d’un autre mode d’écriture et d’une autre ambiance », explique-t-elle. Ce n’est plus l’échange, l’écoute, l’art de faire parler les autres qui la mobilisent, mais plutôt l’art de parler pour elle-même, en son nom, depuis le cœur vital de sa subjectivité.
Livrer ses impressions personnelles sur l’actualité culturelle (un film, un disque, un livre…) ne l’écarte pourtant pas du souci journalistique qui l’anime depuis ses débuts dans le métier radiophonique (Le Mouv’ puis France Inter dès la fin des années 90) et télévisuel (Métropolis sur Arte, une chronique déjà matinale sur Canal+…) : partager une émotion avec l’auditeur, cette figure aux mille visages et aux goûts disparates.
“Je pense autant à mon cousin de 20 ans qu’à mon père dès que j’écris une chronique”, confie-t-elle. Si elle dit vouloir éviter « le didactisme », elle cherche en revanche à faire vibrer la corde de la curiosité empathique de son auditeur, à stimuler son désir de connaissance disséminé dans les circuits multiples de la carte artistique. « J’aime le vagabondage », insiste-t-elle.
Hommage à la culture populaire
Ce vagabondage s’exprime autant dans la variété des domaines qu’elle explore que dans les types d’œuvres choisies, contemporaines ou ultrakitsch, du présent actif et du passé frelaté. Pointue dans ses choix, comme en témoigne une récente chronique sur une bande dessinée racontant la vie du bluesman Robert Johnson, elle s’amuse aussi à troubler l’ordre trop parfait du paysage culturel filtré par un regard exigeant : elle aime dans Tubes & Co jouer avec les souvenirs brumeux d’objets de la culture populaire dont certains ont conservé une relative dignité dans le patrimoine.
Décomplexée et pleine d’une fantaisie qu’autorise l’évocation nostalgique de son enfance, elle réactive en chaque auditeur les humeurs liées à des tubes comme Bouge de là de MC Solaar, Message in a Bottle de The Police, Beat It de Michael Jackson… « Du plaisir qu’on a tous à écouter un tube », elle tire des fils au cœur de sa mémoire sensible. Avant tout, elle assume simplement le geste de « rendre hommage à la culture populaire ».
Très écrite, sa chronique est aussi très soignée dans sa composition sonore. « Il faut jouer avec les sons en direct. Je cherche la fluidité, à ce que le son fasse partie de l’écriture elle-même. » Alors qu’avec Eclectik elle aimait délier les langues, étirer le temps, purger les esprits, Rebecca Manzoni relie dans sa nouvelle chronique les souvenirs de tous, densifie les humeurs du moment, oriente les voies de la curiosité. Moins passeuse de plats que passeuse d’éclats du paysage culturel, elle fait de son nouveau rang un moment clé de la matinale de Patrick Cohen.
Pop & co du lundi au jeudi
Tubes & co le vendredi à 7 h 24 dans Le 7/9, France Inter
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