Chaque week-end, une série d’émissions thématiques présentée par Iggy Pop et intitulée Summer of Scandals montrera comment la pop culture prolifère depuis toujours sur les écarts avec les normes culturelles.
“C’est un scandale.” Il aura fallu qu’à la fin des années 1970 le leader du Parti communiste français George Marchais s’énerve à grands cris contre ses ennemis pour que le “scandale” devienne le mot fétiche de tous les indignés de la terre. Si beaucoup riaient alors de la posture d’indignation un peu stéréotypée de l’homme politique, le terme n’a cessé de proliférer depuis dans l’imaginaire social.
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Aujourd’hui, le scandale sature l’ensemble des discours publics ; tout se prête à son cadre dès lors que l’opinion publique s’estime choquée par ce qu’elle affronte, de l’essentiel au plus futile. Les parfums du scandale flottent partout.
Des gestes, des histoires, des figures
Ce sont ces parfums plus ou moins capiteux et capitaux qui flottent dans la dixième édition des “Summer of” d’Arte. Tous les samedis et dimanches, du 16 juillet au 21 août, chacun aura droit à sa dose de scandale, telle que l’histoire de la pop culture s’en fait le réceptacle, sinon l’acteur de premier rang.
Du cinéma à la musique, du clip à la mode, ce “Summer of Scandals”, présenté par Iggy Pop (un maître incontesté en la matière, même s’il a mis beaucoup d’eau dans son vin depuis le temps de ses premières facéties), explore plusieurs champs créatifs traversés par des gestes, des histoires et des figures ayant suscité l’indignation générale pour X et parfois Y raisons.
De Madonna à Beyoncé, de Michael Jackson à Lady Gaga, des clips trop explicites
Les motifs de ces scandales semblent pourtant minimes, comme l’atteste le documentaire Explicit ! (samedi 16 juillet à 23 h 15), qui revient sur l’histoire des clips qui, de Madonna à Beyoncé, de Michael Jackson à Lady Gaga, ont choqué les esprits puritains parce que le sexe, la violence ou la drogue y étaient trop explicitement représentés.
Et si la plupart des films de cinéma programmés durant l’été – La Grande Bouffe de Marco Ferreri, Borat de Larry Charles, L’Empire des sens de Nagisa Oshima, Lolita et Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick, La Horde sauvage de Sam Peckinpah, La Vie de Brian de Terry Jones, Basic Instinct de Paul Verhoeven – ont suscité des remous à leur sortie, leur subversion initiale s’est largement émoussée avec le temps.
Le scandale, matrice du système de la mode
Plutôt que de se pencher sur des figures foncièrement scandaleuses de l’histoire culturelle – du marquis de Sade à Pier Paolo Pasolini, de Joseph Beuys à Andres Serrano, de Maurizio Cattelan à Wim Delvoye… –, ce “Summer of” aborde le scandale d’une manière légère et amusée. La série documentaire de Loïc Prigent (6 × 10 min.), Scandales de la mode (tous les dimanches vers 0 h 30), revisite fraîchement l’histoire de la mode à la lumière de ses scandales récurrents, secrète matrice de son système.
En s’attardant sur quelques événements marquants – le cynisme de créateurs qui s’inspirent des vêtements de clochards, l’apparition du Bikini, le porno chic imposé par Tom Ford, au grand dam d’Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, l’interview de Coco Chanel dans Dim Dam Dom pleine d’aigreur pour les couturiers concurrents, les diverses embrouilles répétées du milieu… –, Loïc Prigent (qui sortira en septembre un livre sur les “pépiements de la mode” chez Grasset) met à nu un folklore outrancier entièrement fondé sur sa capacité à “faire événement”.
Or, outre le génie (rare), la mode n’a rien trouvé de mieux que le scandale pour nourrir la bête de l’événement et du business qui l’encadre. Entre purs scandales esthétiques et scandales à la petite semaine, démonétisés par la trop visible intention affichée de ses créateurs, le feuilleton de la mode se déploie au rythme de ce cynisme de pacotille.
Archéologie de la presse de caniveau
Une autre façon de mesurer la présence insistante du scandale au quotidien tient à l’impact délirant de la presse à sensation dans le champ médiatique. Enquête bien documentée de Jean-Baptiste Péretié, Tabloïds – Splendeur et décadence de la presse à scandale (dimanche 24 juillet, 22 h 10) évoque la longue histoire de cette presse de caniveau.
A travers de nombreux entretiens avec des plumes affûtées et futiles, assumant ouvertement l’infamie de leur geste (le journaliste anglais du Sun Kelvin MacKenzie est impressionnant de vulgarité), Péretié opère l’archéologie d’une presse populaire dont les règles ritualisées – des histoires de célébrités, de sexe, de drogues, de tromperie, de meurtre… – ont aussi permis à des journalistes d’écrire des histoires improbables, proches de récits surréalistes, voire du journalisme narratif à l’anglo-saxonne.
Un homme vivant avec un alligator, entouré de crottes
Comme ce journaliste américain du National Enquirer qui rédigea un long papier sur un homme vivant avec un alligator, entouré de crottes, dans une maison qu’une voisine venait nettoyer une fois par semaine, en couchant au passage avec le propriétaire halluciné.
De l’affaire O. J. Simpson au feuilleton Lady Di, tous les journaux à scandale ont proliféré sur des histoires en béton de personnalités brisées, sans que la recette ne puisse se reproduire aujourd’hui : la concurrence d’internet et des chaînes comme TMZ a fragilisé le règne souverain d’une presse à scandale, comme si elle était débordée de toutes parts par un jeu poussif qu’elle avait elle-même inventé.
Des artistes agités
Le scandale renvoie aussi à l’imposture. Une usurpation qui dans le domaine de la musique se paie très cher, comme l’illustre l’histoire de l’une des infimes escroqueries de la pop : le succès tronqué à la fin des années 1980 du duo Milli Vanilli, avec le tube Girl You Know It’s True (Milli Vanilli : du hit à la honte, samedi 23 juillet, 23 h 30).
A côté de ces imposteurs, Arte diffuse des concerts de vrais artistes, simplement plus agités que la norme : The Libertines (samedi 16 juillet, 1 h 15), Iggy Pop (samedi 23 juillet, 0 h 35), Peaches (samedi 6 août, 0 h 20)… Des scandales scéniques aux allures de bénédiction divine. Comme quoi les scandaleux ne sont pas toujours damnés. Jean-Marie Durand
Summer of scandals du 16 juillet au 21 août, Arte
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