Le nouveau jeu proposé pour la Switch repousse les limites du jeu vidéo. Une fois de plus, le héros moustachu tire parti des acquis de l’époque et ouvre de nouvelles perspectives.
Alleluia : Mario est de retour. Aux yeux de ceux qui ne suivent l’actualité du jeu vidéo que de loin, voire, ce qui est un tort, pas du tout, c’est sans doute un non-événement. Car le dernier jeu Mario, c’était il y a quoi ? Trois semaines, un mois ?
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Oui, mais non, car si l’ex-plombier Nintendo – il a été officiellement annoncé cette année que le moustachu avait changé de métier – est omniprésent dans l’actualité vidéoludique, de jeux de rôle en party games, courses de kart et autres spin-off sportifs, les “vrais” jeux Mario, les “canal historique,” ceux de plate-forme et plus particulièrement en 3D, sont, eux, beaucoup plus rares.
Le Random Access Memories du video game
Depuis Super Mario 64, il y a plus de vingt ans, les spécimens du genre sortis sur consoles de salon se comptent même sur les doigts d’une main et chacun d’eux ou presque a profondément marqué la planète jeu vidéo. Un nouveau platformer Mario en 3D, c’est un peu comme un nouvel album de Daft Punk.
A la fois un reflet éclatant de l’époque et, en même temps, une œuvre qui rebat les cartes et ouvre des perspectives pour les années à venir comme en témoigne le dernier né de cette lignée qui a pour nom Super Mario Odyssey et qui pourrait bien être son Random Access Memories. Devenir son ennemi, non seulement se mettre à sa place mais se glisser carrément dans sa peau, c’est la possibilité inédite, la grande nouveauté de ce Mario qui dote le Charlot du jeu vidéo d’un chapeau magique lui permettant de prendre le contrôle de tout un tas de créatures et d’objets.
Le concept de niveaux abandonné
Ses adversaires historiques, donc, comme les Goombas ou les Frères Marto, mais aussi des poissons, des grenouilles, un tyrannosaure, des boules de feu et même le courant électrique. Quelque part entre un traité philosophico-burlesque et vaguement antispéciste sur la fluidité des identités et une méditation bondissante – à supposer qu’une telle chose soit possible.
Mais aussi sur les fantasmes d’ubiquité de l’amateur de jeux vidéo habitué à se projeter en à peu près tout et n’importe quoi, Super Mario Odyssey repousse par là même, et en douceur, les limites traditionnelles du genre. Ce principe d’ouverture est d’ailleurs, sur à peu près tous les plans, la base même de son game design généreux.
Il est temps d’abandonner le concept de niveaux, sur lesquels s’appuyaient encore les Mario qui l’ont précédé, Super Mario 3D World et Super Mario Galaxy 1 et 2. Ici, les activités ne se suivent pas mais se fondent les unes dans les autres, profondément enracinées dans les “pays” thématiques que l’aventure nous fait visiter : pays de la mer, des sables, de la neige, ou encore pays des gratte-ciel inspiré de New York qui lâche pour la toute première fois notre homme au cœur d’un univers “réaliste” – à l’échelle de Mario. Dans chacun d’eux, le but est de collecter des (dizaines de) “lunes” plus ou moins cachées et difficiles à décrocher. Alors on explore inlassablement les lieux, tentant d’en percer les mystères, grisé par un tourbillon de créativité.
Dans la peau d’un libérateur
Car conquérir (avec les meilleures intentions du monde : notre héros est un libérateur) l’un des pays de Super Mario Odyssey avant de prendre la direction du suivant, ce n’est pas seulement surmonter des épreuves d’adresse. C’est aussi résoudre des problème architecturaux, tenir notre rôle dans des saynètes de comédie et aussi, d’une manière dont on ne sait s’il faut la qualifier de plus abstraite ou, au contraire, d’ultra-concrète, faire l’expérience des matières les plus diverses et des lumières changeantes, du glissant et du collant, de l’eau et du vent, du tout petit et du très grand, des saisons, des ciels, des couleurs. Ce n’est pas se perdre mais se retrouver, hyper-sensible et démultiplié.
Super Mario Odyssey n’est ainsi pas seulement un digne héritier de Super Mario Sunshine, l’aventure (plutôt mal aimée) jusqu’ici la plus portée sur l’exploration du plus fameux des héros de jeux vidéo. C’est, plus profondément et dans le sillage de Breath of the Wild, le dernier volet en date de la saga Zelda avec lequel il forme un ahurissant duo de chefs-d’œuvre sur l’encore toute jeune Nintendo Switch, un acte de foi et un engagement. “L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art”, affirmait l’artiste Robert Filliou. Cela vaut plus que jamais aussi pour le jeu vidéo, et pour Mario. Erwan Higuinen
Super Mario Odyssey (Nintendo), sur Switch, environ 45 €
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