Il y a 20 ans mourrait du sida l’artiste Kim Harlow. Cette icône de la communauté trans était aussi une figure de la vie artistique et noctambule du Paris des années 1980. La photographe américaine en partie basée à Paris Sunny Suits s’est lancée à la recherche de photos de la danseuse et meneuse de […]
Il y a 20 ans mourrait du sida l’artiste Kim Harlow. Cette icône de la communauté trans était aussi une figure de la vie artistique et noctambule du Paris des années 1980. La photographe américaine en partie basée à Paris Sunny Suits s’est lancée à la recherche de photos de la danseuse et meneuse de revue. Elle a retrouvé les clichés de Mark.W Suits dont elle partage le patronyme mais avec qui elle n’a pas de liens de parenté. Aujourd’hui, Sunny Suits, qui est guest-editor de la dernière édition de Candy Magazine, se bat pour révéler ces clichés oubliés, qu’elle aimerait présenter à travers une exposition et l’édition d’un livre.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Comment es-tu tombée sur les photos de Kim Harlow ?
J’ai toujours été une grande fan des photos de Kim. Quand j’ai emménagé à Paris en 2005, j’ai commencé à chercher des photos d’elle. Je savais que quelqu’un, à part Nan Goldin et Bettina Rheims, devait l’avoir prise en photo. J’en ai vu quelques unes, la plus part étaient des photos instantanées prises dans des clubs. J’ai finalement trouvée une toute petite photo d’elle, plus posée et en noir et blanc. J’ai contacté le photographe, Mark Suits. J’ai découvert que c’était un Américain qui vivait à Paris, ayant le même nom de famille que moi, et c’est un nom de famille plutôt rare.
Qu’est-ce qui t’as intéressée dans la série ?
Kim est ce qui m’intéresse le plus, sa beauté évidente, mais j’aime aussi les photos. Comme Kim, elles viennent d’une époque qui ne connaissait pas le tout-numérique. Je crois qu’il y a beaucoup à apprendre du passé.
Comment définirais-tu le style de Kim ?
Sur les photos de Mark, je ne peux que définir son style comme explicitement sexuel. Si l’on regarde attentivement, on peut voir d’autres choses au-delà de ce qui est évident, sa trousse de toilette Louis Vuitton, son chien, ses photos dédicacées par des stars et son poster de Mistinguette sur le mur. Tout cela est plutôt glamour et français.
Kim était strip-teaseuse, quelle était sa vie ? De quel milieu venait-elle ?
Je sais seulement ce que j’ai lu d’histoires rapportées et bien sûr, de ses propres écrits publiés posthumément dans le livre de Bettina Rheims, Kim. Il semble qu’elle venait d’une famille bourgeoise de médecins. Elle s’entrainait depuis très jeune pour devenir danseuse. Elle se produisait dans des clubs à Pigalle, rue Saint Denis, et aussi à Zurich. Mais dire qu’elle était une strip-teaseuse est un peu simpliste. C’était une danseuse et elle gérait ses dépenses du mieux qu’elle pouvait, mais c’était aussi une star des cabarets de Paris, de l’Alcazar et du Carrousel. Rendez-vous compte, elle dansait avec Coccinelle ! Kim s’investissait aussi dans la vie artistique parisienne. Un de ses plus proches amis était un marchand d’art. Mark l’a rencontré à un vernissage en fait.
En quoi est-elle intéressante pour toi ?
Kim est la dernière des anciennes. Elle était fantastique. Elle est de la même veine que Coccinelle et Bambi, ces sublimes strip-teaseuses françaises. C’était un divertissement du soir à une époque d’aller au cabaret, d’aller dîner et d’assister à un strip-tease. On ne peut pas vraiment s’imaginer aller voir à l’un d’eux aujourd’hui, ça serait étrange.
Quand tu regardes les photos, quelles sensations as-tu de l’époque, de la fin des années 1980 et du début des années 1990 ?
Je pense à une époque antérieure au numérique où les personnes et non les images se rencontraient. Je pense à Mark prenant des photos avec un appareil argentique. Je pense à un Paris plus authentique. Je pense aussi à une fille qui n’est plus là, comme tant d’autres. C’était juste avant que les traitements du VIH soient accessibles pour éventuellement prolonger des vies, comme celle de Kim.
Aujourd’hui, tu essaies de monter une exposition et de sortir un livre consacré à Kim Harlow. Cette série a valeur de document pour toi ? Tu parles de la présenter à une « nouvelle génération » ?
Ces photos sont un magnifique témoignage d’un Paris rarement célébré. C’est vrai que dans certains cercles, Kim est une légende et elles représentent bien sûr un véritable trésor pour la communauté LGBT, cependant chacun peut les apprécier. Paris devrait être fière. J’ai vécu dans Alphabet city dans les années 1990 pendant presque une décennie. Dès que quelqu’un meurt, une fresque est faite en son honneur. Les gens laissent des fleurs et des bougies en signe de respect. N’est-ce pas ce que Kim était, une fille du quartier ?
G.S., avec Vera Lou Derid
{"type":"Banniere-Basse"}