L’affaire Woerth-Bettencourt empoisonne l’UMP. Celle des subventions de la région Paca va pourrir la vie des socialistes. Et pas qu’à Marseille.
La défense de Sylvie Andrieux paraît simple, même enfantine : « C’est pas moi, c’est les autres ». « Pas moi » parce que l’ancienne vice-présidente de la région Paca a avoué devant le magistrat n’avoir jamais eu ni « le temps, ni la possibilité, ni même la compétence » d’examiner des demandes de subventions. Elle n’en aurait même pas détenu. « A aucun moment, je n’entrais dans le détail de tels dossiers. » C’est bien simple, son « rôle équivalait à celui de la reine d’Angleterre » ! Quant aux « autres », ils sont nombreux : de ses assistants aux hauts responsables administratifs du conseil régional, jusqu’au cabinet du président de l’exécutif et jusqu’au président de la région Paca lui-même, Michel Vauzelle.
Ce dernier a été reçu jeudi dernier dans le bureau du juge Landou. Face au magistrat, sa « chère amie » Sylvie l’a chargé. Selon elle, c’est bien l’ancien garde des Sceaux de Mitterrand qui avait la haute main sur les subventions. C’est d’ailleurs lui qui signait les ordres de virement, a-t-elle plaidé. Elle ne détenait « qu’une délégation de fonction et non de signature ». Toujours selon ses déclarations devant le magistrat, Vauzelle régnait en maître. Il avait « délibérément construit un exécutif politique à sa mesure. Il a créé un authentique pouvoir présidentiel concentré dans ses seules mains avec deux leviers que sont le directeur général des services et le directeur de cabinet ». Bref, une sorte d’hyperprésident à la sauce provençale.
Roland Balalas finit par balancer
Cette stratégie de défense, dite de « la merde et du ventilateur » – l’expression est signée Chirac, un expert – a un léger inconvénient. Ceux et celles qui se font arroser n’apprécient pas toujours. Par peur d’être les seuls à sentir mauvais, ils balancent à leur tour. C’est le cas de Roland Balalas, ancien assistant de la députée puis secrétaire général du groupe socialiste qu’elle présidait à la Région. Il a longtemps servi d’intermédiaire entre l’élue et les électeurs. Lorsque des demandes de subventions arrivaient, il déblayait le terrain. Pour Andrieux, s’il y a bien un fautif, c’est lui.
Invité le 4 février 2009 par Franck Landou à expliquer le cheminement des demandes de subventions, Roland Balalas lâche pourtant :
« Madame Andrieux se fait un point d’honneur à ce qu’un maximum de dossiers qui lui sont présentés soient votés et bénéficient de subventions. J’irais même jusqu’à dire que l’on a un devoir de rendement. Celle-ci avait essentiellement des visées électoralistes. »
D’autres anciens collaborateurs et collaboratrices de l’élue confirmeront ces accusations devant le magistrat instructeur. Mais aussi Sylvie Andrieux elle-même. Ou plutôt sa main…
Le magistrat instructeur dispose en effet de longues listes de demandes de subventions, association par association. Ce document, saisi au conseil régional, se veut préparatoire à l’octroi ou non des subsides. Avant de le soumettre à ses chers collègues et notamment à Vauzelle, Sylvie Andrieux l’annotait. Ici un trait rageur signifie « refusé ». Là une croix veut dire « accordé ». Dans ce cas, l’élue ajoute parfois un commentaire, une sorte d’aide-mémoire, et fait fi de tout avis « défavorable » de l’administration. Exemples : « Notre plus fort soutien… Précisez bureau de vote » ; ou : « Très important, 80 % à ce bureau de vote ». Comme s’il fallait veiller à récompenser les clients électoraux.
Au cours de son enquête, le juge Franck Landou s’est aperçu que les mêmes associations suspectes avaient également déposé des demandes de subventions au conseil général des Bouches-du-Rhône, présidé par Jean-Noël Guérini et que certaines d’entre elles avaient obtenu une réponse positive. Mais dès les premières investigations de Tracfin, Guérini a réclamé un audit à ses services et coupé le robinet. Du coup, le parrain du PS marseillais est parti en vacances l’esprit tranquille. Pour longtemps ?