Rencontre avec le collectif Mosaert, composé du chanteur, de la styliste Coralie Barbier et du directeur artistique Luc Junior Tam, qui lance sa cinquième collection avec un défilé-takeover, le 6 avril au Bon Marché, où sera dévoilé son processus de création.
Vous en êtes à la cinquième collection de votre ligne de vêtements Mosaert. Au début, ce n’était que des vêtements à destination des live de Stromae ?
Coralie Barbier — Au tout début, Paul (Stromae – ndlr) m’a contactée parce qu’il voulait customiser ses tenues de scène. Puis on s’est dit autant faire un visuel par chanson, ce qu’on a fait pour Racine carrée. Ces visuels se sont retrouvés dans les live, dans les clips, sur toutes les tenues de Paul.
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De là est venue la question du merchandising : on était un peu mal à l’aise car on travaille avec des fabricants et artisans européens – à 90 % belges – et on avait noué des relations humaines, avec un vrai attachement à leur travail. On s’est dit que si on devait faire des vêtements en plus grande quantité pour les proposer au public, on allait garder cette éthique-là.
Nos polos ont un certain coût car ils sont faits en Belgique tout simplement. Ça n’avait pas de sens de les vendre après un concert où les gens ont déjà dépensé de l’argent, donc on a voulu créer un vrai univers. On avait tellement travaillé sur ces motifs qu’on trouvait ça cool de les partager avec ceux qui ont envie de les porter.
Luc Junior Tam — Quel que soit le médium sur lequel on évolue, on veut toujours proposer quelque chose de singulier. Faire des T-shirts simples avec la tête de Paul ça ne nous excitait pas du tout, c’est trop facile.
Paul, tu t’étais déjà exprimé sur les codes du vestiaire masculin : tu trouvais ça dommage qu’ils soient encore si figés. Mosaert, c’est un peu ta réponse à ça ?
Paul Van Haver (Stromae) — La base de la marque reste les motifs. On s’est d’abord inspirés de la wax africaine, puis on est allés voir un peu au Japon avant de nous rendre compte que chaque culture avait ses propres motifs et c’est là que c’est devenu hyper intéressant. Pour cette collection, Coralie s’est beaucoup inspirée de l’Art nouveau.
Personnellement, c’est vrai que maintenant je me dirige plus vers des basiques, mais en même temps j’ai mis beaucoup les vêtements très colorés qu’on avait faits pour les premières collections. Toutes les promos, je les faisais avec les vêtements, j’étais la première égérie de la marque…
J’ai un peu abusé en fait. J’ai eu une overdose. En ce moment, je suis dans une espèce de phase un peu post-mise en avant, mais je pense que j’y reviendrai. Il y a des pièces de la collection numéro 5 que je mets, par exemple.
Coralie Barbier — C’était aussi une réflexion par rapport au client : on voulait que ça lui appartienne, et ne plus trop l’associer au “personnage” Stromae.
Votre événement au Bon Marché est articulé autour de l’usine de production. Sur le site de Mosaert, vous dévoilez également les coûts de production de chaque pièce. C’était important pour vous de dévoiler votre processus créatif ?
Coralie Barbier — La façon de présenter le plus globalement possible l’univers de Mosaert était de raconter une histoire. On trouvait ça chouette d’installer une usine au sein même d’un magasin, comme à l’époque où les ateliers de production étaient au-dessus de la boutique des grandes maisons de couture, et, ensuite, de lui donner un petit côté ludique. J’espère aussi que les jeunes verront que ce sont des métiers qui existent. Les métiers manuels ne sont pas toujours valorisés, et je trouve ça un peu triste.
Luc Junior Tam — On avait besoin d’une idée artistique qui allait fédérer l’ensemble des médiums sur lesquels on évolue, et cette idée s’est transformée en cette usine fantastique, à la manière de Charlie et la chocolaterie, qui dévoilerait la totalité de notre univers : même si le principal, c’était la sortie de la collection capsule numéro 5, il y a aussi la chanson écrite pour le défilé – qui sera ensuite diffusée en tant que single – et la captation vidéo de ce premier défilé qui deviendra le clip de cette chanson.
Parlons de ce nouveau titre : c’est une musique pour défilé de dix minutes. C’était un challenge ?
Paul Van Haver (Stromae) — C’était plutôt facile dans le sens où ça changeait complètement des codes habituels. Il n’y avait pas la pression de se dire qu’il faut que ça fasse trois minutes, que ce soit joué en radio, que ça plaise… toutes les espèces de carcans habituels. Là, je m’en foutais complètement.
Coralie m’a donné toute une série de mots et d’expressions liés à la mode et à la couture, et j’ai écrit un morceau d’une dizaine de minutes avec quatre mouvements sur un tempo qui va avec la marche, qui peut être doublé, divisé par deux, mais qui garde toujours un rythme assez entraînant. C’était l’occasion de collaborer avec Luc, mon frère, car on n’avait jamais travaillé ensemble. On se complète bien au niveau des fréquences – je ne prête pas du tout attention aux basses par exemple – donc sans doute que son oreille est plus développée.
Luc Junior Tam — J’ai toujours été à la place du relou qui faisait des remarques. Avec Paul, on était les deux derniers de la maison, j’étais tout le temps dans sa chambre à parler de musique, c’est comme ça qu’on a commencé. Puis de la chambre, on est passés au studio. P
Pour ce morceau, le truc sur lequel on a beaucoup bossé, ce sont les transitions entre les quatre mouvements : essayer de faire voyager la personne qui l’écoute sans forcément qu’elle sente de manière trop abrupte le moment où on change d’ambiance.
Ce morceau annonce-t-il de nouveaux projets musicaux à venir ?
Paul Van Haver (Stromae) — Honnêtement, le fait de faire le clip avec Aurélien (La Pluie, avec Orelsan – ndlr) et de le voir en tournée, j’avoue que ça m’a redonné envie. Je les jalousais un peu… Même si c’est quand même la galère – tu descends du bus de tournée, tu vas sur le tournage, tu remontes sur scène…
Mais Skread, Ablaye et Aurélien s’entendent hyper bien, c’est une team hyper soudée, avec cet esprit de groupe comme une colonie de vacances… De les voir comme ça a ravivé de bons souvenirs. Donc, ouais, petit à petit j’y reviens. C’est vrai que c’est impossible de s’en passer complètement.
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