A quelques jours de l’élection, une poignée d’artistes affichent en chanson leur soutien au candidat démocrate et démontrent une nouvelle fois la dimension scabreuse de l’exercice.
Bruce Springsteen se fend d’une chanson de campagne qui ne rime à rien. Le 18 octobre dernier, lors d’un meeting de soutien à Barack Obama se tenant à Parma, près de Cleveland, Ohio, Bill Clinton invitait un certain Bruce Springsteen à monter sur scène, devant les quelques 3000 sympathisants démocrates réunis dans la salle. Pour l’occasion et à la demande d’Obama, le Boss avait bricolé une chansonnette destinée à renouveler publiquement son appui au président sortant. Seul impératif, Springsteen devait inclure le mot « forward » dans son texte. Une gageure, de son propre aveu, tant le nouveau slogan de campagne d’Obama se prête mal à la versification homophonique.
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Aussi le saint patron du rock s’est-il lancé dans une étrange pantalonnade sonore, renonçant à faire rimer « forward » et choisissant plutôt d’associer « Obama » à « mamma », « pajama » ou encore « Osama », le tout entrelardé de commentaires à l’ironie corsetée. L’air de dire oui, tout ça est un peu bancal mais on peut bien rigoler un peu, non ? La suite montrera que non. Forward and Away We Go ne sera pas retenue comme chanson de campagne par le staff d’Obama.
L’étrange electro-raï de Stevie Wonder
Quelques jours plus tard, le 26 octobre, c’est au tour de Stevie Wonder de livrer sa contribution à la campagne du candidat démocrate. Son morceau s’appelle Keep Moving Forward et met l’accent sur les actions entreprises par Obama durant son manda, et sur la nécessité de lui laisser l’opportunité de les mener à leur terme. Si l’on exclut les paroles et leur prosélytisme quelque peu forcené, ne s’encombrant pas de nuances, reste une composition fantoche, réductible à son enjeu : électriser les foules. Tout ça forme un joyeux fatras où l’on croisera notamment de nombreuses sonorités orientales, sans trop parvenir à déceler le pourquoi du comment.
Herbie Hancock, Delta Rae, Natasha Bedingfield et Johnny Rzeznik sont dans un morceau
Bon, quand-même, à force de chansons mal fagotées composées par des soutiens de prestige en panne d’inspiration, on allait finir par jaser. Il était temps de sortir l’artillerie lourde, de produire de l’efficace. C’est ce que s’est attelé à faire le chanteur de R’n’B Ne-Yo, entraînant dans son sillage rien moins que Herbie Hancock, Delta Rae, Johnny Rzeznik et Natasha Bedingfield. Cédant à la tradition des grassroots songs – ces chansons partisanes composées spontanément par des militants bénévoles – le morceau, sobrement intitulé Forward, ne se refuse aucun des artifices qui forgent d’ordinaire un beau monument de vide : extraits de discours d’Obama façon pasteur baptiste géorgien, paroles universalistes, ornements vocaux distordus, choeurs omniprésents. Fat.
Produit par Fred Goldring, que l’on retrouvait déjà aux commandes de la vidéo illustrant le morceau Yes We Can interprété par will.i.am en 2008, le clip est à l’avenant. Il reprend un motif récurent dans l’imagerie américaine : celui du rassemblement spontané au beau milieu d’une rue, ou comment une cause commune va fédérer des citoyens de tous horizons dans le cadre d’une sorte de flashmob à vertu politique. Fred Goldring confie avoir voulu « connecter le slogan de campagne avec le peuple de façon viscérale » à l’aide de cette vidéo. Si l’on ne doute pas qu’il y soit parvenu, tant Forward joue sur le registre émotionnel, on est tout de même en droit de trouver les ficelles de ce mélodrame un peu outrancières. Et de se demander ce que Herbie Hancock vient foutre là dedans.
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