Le Trombinoscope récompense chaque année « sept personnalités politiques dont l’action a été particulièrement remarquée » après les délibérations. Pour la première fois, un élu FN – Steeve Briois – a été consacré.
En 23 ans d’existence et 140 personnalités récompensées, jamais un prix n’avait été attribué à un élu FN par le jury du Trombinoscope. C’est désormais chose faite. Steeve Briois, maire d’Hénin-Beaumont, a été consacré “élu local de l’année” par cette institution qui réunit chaque année des journalistes politiques chargés de distinguer les personnalités politiques qui ont marqué l’année. Dans un premier temps, une centaine de journalistes représentatifs de la presse écrite et audiovisuelle réalisent une présélection de quatre noms par catégorie (personnalité politique de l’année, ministre de l’année, révélation politique de l’année, député de l’année, sénateur de l’année, élu local de l’année, européen de l’année), puis sept journalistes politiques délibèrent au cours d’un débat qui a lieu à la mi-décembre. Christophe Barbier (L’Express), Gilles Leclerc (Public-Sénat), Laurent Joffrin (Libération), Bruno Dive (Sud-Ouest) ou encore Paul-Henri du Limbert (Figaro) y ont participé cette année sous la présidence d’Arlette Chabot (France 2).
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Dans l’article consacré à “l’élu local de l’année” dans le numéro de janvier du trombinoscope, Gilles Leclerc justifie ce choix par les résultats électoraux remarquables du FN en 2014 : “Le jury du Trombinoscope a […] choisi de souligner ces conquêtes en n’ignorant pas cet état de fait et en prenant acte de l’irruption de cette troisième force sur la scène politique.”
Une décision qui suscite la polémique
Devant l’émotion suscitée, la vérité oblige à dire que je n’étais pas présent lors de la délibération Briois et que j’aurais voté contre…
— Laurent Joffrin (@Laurent_Joffrin) 27 Janvier 2015
Contacté par Les Inrocks, Christophe Barbier reconnaît que cette décision a été l’objet d’un “vif désaccord” lors de la délibération finale du jury. Lui-même a préféré faire cavalier seul et voter pour Natacha Bouchart, maire UMP de Calais depuis 2008, mais se rappelle de l’argument massue qui a pesé en la faveur de l’élu FN : « La percée du FN en 2014, qui a été triple – aux municipales, aux européennes et aux sénatoriales. C’est le phénomène politique de l’année, il fallait donc trouver quelqu’un qui symbolise cette irruption, on ne pouvait pas faire l’impasse dessus. » Même son de cloche du côté de la direction du Trombinoscope. Contacté par Les Inrocks, son éditeur François-Xavier d’Aillières se souvient que “les débats ont été plus approfondis qu’à l’accoutumée”, mais répète que “les lauréats sont liés à l’année politique”, et que “la montée du FN a marqué l’année”.
Un travail d’implantation de longue haleine
Par ailleurs, traditionnellement, le jury récompense un nouvel élu lorsqu’une élection municipale a eu lieu dans l’année qui s’est écoulée : Bertrand Delanoë en 2001 (pour son élection à la mairie de Paris), Gérard Collomb en 2008 (pour son élection à la mairie de Lyon), etc.
Le choix de Steeve Briois a primé sur les autres maires FN par le travail d’implantation de longue haleine de cet enfant du pays : “Le nouveau maire, militant du FN dès l’âge de 16 ans, a franchi tous les échelons au sein de l’appareil du parti et en parallèle a poursuivi localement son travail d’implantation. Cette ascension doit faire réfléchir. Petit-fils de mineur, fils d’ouvrier, aujourd’hui vice-président de son parti, conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais, député européen, ce parcours ressemble étonnamment à celui de tous les ambitieux qui ‘estiment avoir réussi’ en politique”, écrit Gilles Leclerc.
“On a considéré que la banalisation du FN était déjà accomplie »
Mais aussi par sa gestion municipale jusqu’à présent peu sujette à débats, à la différence de Fabien Engelmann à Hayange, par exemple, condamné en décembre à un an d’inéligibilité (il a fait appel) pour manquement grave à ses comptes de campagne. Steeve Briois “n’a pas encore été pris en faute”, souligne Christophe Barbier.
Cette décision exceptionnelle ne participe-t-elle pas cependant à la dédiabolisation du FN ? “On a considéré que la banalisation du FN était déjà accomplie, se défend Christophe barbier. Le changement impulsé par Marine Le Pen a marché : électoralement parlant, le FN est considéré comme un parti comme les autres.” Et pourquoi ne pas avoir privilégié l’écologiste Eric Piolle, dont l’élection à la mairie de Grenoble a aussi été marquante ? “C’est un phénomène isolé”, justifie le journaliste, considérant cependant l’édile comme un “bon candidat pour 2016-2017”, en fonction de son bilan. D’ici là, celui du Steeve Briois pourra également être jugé avec plus de recul.
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