L’arrivée sur téléphones mobiles de Spotify, plateforme d’écoute musicale légale et en ligne, est une révolution de plus pour l’industrie et ses consommateurs. Le monde n’est plus une discothèque géante mais un jukebox universel : tout, partout, tout le temps, à volonté, et une forme particulière de licence globale.
L’arrivée des plateformes d’écoute en ligne, Deezer, Wormee ou Spotify notamment, avait déjà profondément redonné espoir à ceux qui pensaient que le modèle illégal du P2P allait définitivement plomber les ailes déjà rongées d’une industrie du disque moribonde. Malgré un modèle économique et de rétribution des artistes encore parfois flou et incertain, cette réinvention d’une radio 2.0 était, déjà, la promesse certes un peu béate du bonheur pour tous : sans pénétrer les territoires honnis de la piraterie, les utilisateurs ont ainsi accès depuis leur ordinateur à des catalogues souvent gargantuesques et, de leur côté, les majors et labels récupèrent quelques deniers dont ils n’auraient jamais vu le brillant en cas de téléchargement sauvage. Première petite révolution.
En publiant une application dédiée aux smartphones, sur la plateforme de Google Androïd comme sur l’AppStore de l’iPhone, avant d’autres versions dédiées aux autres marques d’appareils portables, Spotify a cette semaine fait beaucoup de bruit –le fracas d’une potentielle seconde révolution, suite logique de la première mais dont le potentiel de bouleversement est sans doute plus marqué encore.
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La première interrogation est d’abord venue de l’attitude d’Apple : certes payante (il faut être abonné à Spotify, une dizaine d’euros par mois, pour accéder à son catalogue via l’application), cette nouvelle offre vient, sur l’iPhone, concurrencer de manière frontale l’accès direct à l’iTunes Store et à ses achats payants à l’unité. Apple, peut-être pressé par les majors étroitement liées à Spotify, a pourtant laissé passer l’application. Et ouvert par là même une boîte de pandore dont il est encore difficile d’évaluer le contenu.
En accédant à la mobilité, donc à une forme de permanence et d’universalité, les plateformes de streaming légal ouvrent ainsi l’ère du tout, partout, tout le temps, à volonté, créent l’équivalent culturel d’un buffet chinois all-you-can-eat, un outil parfait pour ceux qui associent légalisme et boulimie culturelle. Elles prolongent également le passage déjà entamé d’une consommation d’accumulation, de disques « réels » ou de fichiers sur disques durs, à celle d’une consommation à la demande –d’une discothèque ponctuel à un jukebox permanent.
Enfin, d’une certaine manière, Spotify et ses concurrents inventent une forme de licence globale privée mais incomplète : la transition -potentiellement problématique en termes de mémoire et d’Histoire notamment- de l’ère de la propriété et de la possession inaliénables, fut-ce de fichiers illégalement téléchargés, à celui de la location vaporeuse et temporaire.
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