Bimbo ironique, elle a rénové l’archétype de la belle blonde de son humour ravageur. Garçon chétif et sensible, il s’est réinventé en musclor pour devenir le fantasme n°1 de la communauté gay mondiale. Louise Bourgoin, François Sagat: rencontre entre deux sex-symboles atypiques.
L’homosexualité féminine est souvent utilisée dans les films hétéro. Est-ce que l’homosexualité masculine, tu trouves ça sexy ?
Louise Bourgoin – Ah, bonne question ! Beaucoup plus que l’homosexualité féminine dans les films X hétéro en tout cas. Parce que la position qui est donnée aux femmes n’est pas intéressante. Dans Bound des frères Wachowski, je trouve ça très érotique, par exemple, ce qu’il se passe entre les deux actrices.
Mais je me suis posé cette question lorsque vous m’avez proposé de faire des photos avec François Sagat. Je me suis demandé pour qui ça allait être érotique de nous voir ensemble… Est-ce que les gays trouveront ça érotique de te voir avec une femme, François…
François Sagat – Je crois que l’hétérosexualité peut être un truc très érotique pour les gays. Beaucoup d’homos peuvent fantasmer sur un homme et une femme faisant l’amour.
Louise Bourgoin – Je pose souvent à mes copines la question de savoir sur qui elles se projettent dans une scène de sexe. L’homme ? La femme ? Pour toutes mes copines, c’est la femme. Moi, c’est plutôt sur l’homme.
Le féminisme, c’est quelque chose qui compte pour toi ?
Louise Bourgoin – Oui, c’est une vraie préoccupation. J’en ai beaucoup parlé avec mes colocataires, deux amis gays assez militants, très queer studies. J’ai lu beaucoup de livres, d’Elisabeth Badinter à Françoise Héritier.
Hier encore, je lisais Entre hommes de Guillemette Racine. C’est un recueil de textes anciens extrêmement misogynes. A un moment donné dans ma vie, entre 17 ans et 20 ans, j’ai vraiment voulu ressembler à un homme. Je m’habillais en treillis, je ne me maquillais pas. Je condamnais les femmes trop féminines, parce qu’elles me paraissaient trop soumises, trop prêtes à assouvir le désir masculin.
Plus tard, grâce à des discussions avec des copines, j’ai davantage joué avec les codes de la féminité. Ces amies m’ont expliqué que ça pouvait rendre forte d’utiliser sa féminité, que c’était tres jouissif. Je me pose encore la question, en fait.
Tournée de Mathieu Amalric est pour moi un manifeste féministe. On y voit des femmes, se réapropriant tous les apparats de la féminité tout en dominant les hommes, en ne se laissant pas faire, voulant gérer toutes seules leurs affaires. Elles utilisent l’ultraféminité comme une arme de destruction massive.
C’est quoi ton type de mec ?
Louise Bourgoin – Mon désir pour les hommes va plutôt vers les mecs androgynes, les hommes jeunes. J’aime beaucoup le travail de cinéastes comme Gregg Araki ou Larry Clark. J’adore Gus Van Sant, plutôt Last Days qu’Elephant d’ailleurs. J’adore les acteurs de ces films… Comme Michael Pitt, par exemple. Les héros de Gus Van Sant sont le genre de garçons que j’aime dessiner.
François Sagat – Tu dessines bien ?
Louise Bourgoin – Non, plus maintenant. Parce que je n’ai plus le temps et que ça se perd très vite. Mais j’ai bien dessiné, oui. Ça me rend terriblement mélancolique de penser à ça. Mais bon, demain je suis en vacances… Je vais me remettre au dessin !
Toi, tu dessines aussi ?
François Sagat – Oui, quand j’étais petit, je dessinais beaucoup de filles, des sirènes. Je ne sais pas si c’est des filles que je désirais ou que je désirais être. Je dessine toujours beaucoup. Je fais des dessins d’animaux. Des animaux de la forêt, de la jungle, des poissons aussi… Mais avec un fil conducteur.
Lequel ?
François Sagat – Tous les animaux portent mon tatouage. Un lapin avec mon tatouage, un iguane avec mon tatouage, un doberman. Je les dessine de façon très réaliste, naturaliste même, comme si c’était pour une encyclopédie. De profil et de face. L’idée c’est peut-être d’en faire des T-shirts, un site internet.
La pornographie, ça t’intéresse, Louise ?
Louise Bourgoin – Aux Beaux-Arts, j’ai travaillé sur des images porno. Je prenais des images de consommation sur internet, destinées à exciter, et je les retravaillais pour en faire un truc très doux, très gracieux. Par exemple, j’ai pris une image d’une quinzaine de mecs en train de se faire une fellation autour d’une piscine ronde…
François Sagat – Ah ouais, je la connais…
Louise Bourgoin – Eh bien, j’ai peint ça avec des couleurs très pastel, en fragmentant un peu l’action, pour qu’on ne comprenne pas tout de suite et que ça ressemble à une sorte de danse. A l’inverse, j’ai détourné des canevas de grand-mère en rebrodant point par point des choses un peu graveleuses qui n’avaient rien à faire là.
Et tu aimes bien les artistes performeuses, comme Marina Abramovic ?
Louise Bourgoin – Je l’ai vue cet hiver au MoMA à New York. J’avais envie de m’asseoir face à elle, comme le faisaient certains visiteurs, mais je n’ai pas osé, parce que c’était filmé.
C’est assez fascinant, elle est assise sur des coussins pour éviter les escarres, elle est dans une longue robe rouge et les spectateurs viennent s’asseoir face à elle comme pour la défier. Elle les fixe et les gens sont face à un miroir d’eux-mêmes, craquent, se mettent à pleurer… Ça m’étonne pas, moi, si on me demande de fixer quelqu’un, je fonds en larmes (rires).
Mes références en matière d’artistes femmes, c’est Pipilotti Rist, Gadah Amer, Niki de Saint-Phalle, Sophie Calle… Et Louise Bourgeois évidemment…
Sa disparition t’a touchée ?
Louise Bourgoin – Elle avait presque 100 ans, donc ça ne m’a pas vraiment peinée…
Mais, c’était un jour particulier pour moi, parce qu’une radio a annoncé la mort de Louise Bourgoin ! Après ils ont démenti, mais j’ai reçu plein de coups de fil inquiets (rires). Donc paradoxalement, c’était un jour drôle pour moi.