Qu’on soit acteur occasionnel ou star du X, le virage de l’après-porno n’est pas aisé. Envie de ciné « tradi », études à la fac, vie de famille, le dilemme persiste entre retourner à l’anonymat ou rester dans la lumière.
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Enfants = silence
Marilyn Jess fut l’égérie ultime du X d’alors. Sorte d’anti-Brigitte Lahaie, elle n’a jamais voulu répondre aux sollicitations des médias, ni pendant sa carrière, ni après. Si elle a arrêté en 1986, “déjà à cause du sida” et aussi parce qu’en sept ans, elle avait fait le tour de la question, Marilyn a conservé nombre de fans d’une époque où il y avait un côté héroïque à braver les conventions pour faire du X. Patinette, comme on l’appelle, ne se souvient pas de tous ses films, “d’autant que les prods ne se gênaient pas pour récupérer des chutes d’un tournage pour les greffer sur un autre film quand il manquait une scène”.
Mais elle est d’autant plus culte que son époque voyait défiler moins d’actrices et que sa disparition en fit l’égale d’une J. D. Salinger du porno.
“Si j’ai fait du X, ce n’était pas pour courir les plateaux télé et en parler à la terre entière. Les films se suffisaient à eux-mêmes. Moi, je voulais être peinarde et puis je suis devenue mère.”
En 1983, la Versaillaise apparaît bien par amitié dans le clip d’Idées noires, mégatube de Bernard Lavilliers et Nicoletta. “C’était très bref, je jouais la blonde décapitée dans sa décapotable”, furtif clin d’oeil à Jayne Mansfield.
“Michel m’avait présentée Bernard six mois avant. On se voyait régulièrement le soir au Sunset, au New Morning ou au Dejazet, on dînait ensemble parfois. Ensuite on s’est un peu perdus de vue, mais lui aussi s’est marié et a aussi accéleré son côté voyageur.”
Reste que le côté culte et ce choix du silence absolu peut donner de mauvaises idées à certains. Patinette subit depuis des années les assauts téléphoniques d’un prétendu fan.
“On a changé de numéro plusieurs fois, déposé plainte au commissariat, rien n’y fait. La police nous a dit que si ça se trouve, c’est quelqu’un de notre entourage.”
Il y a cinq ans, ses filles ayant alors 11 et 13 ans, elle décide, un peu contrainte, de leur révéler son passé dans le X avant que le pseudo fan ne le fasse lui-même au bout du fil.
“C’est marrant, avec moi, il ne disait rien ou raccrochait, mais il était bien plus bavard avec elles, il demandait mon mail en se faisant passer pour une ancienne relation ou menaçait de balancer des photos hard sur leurs mails.”
Côté boulot, après dix ans à travailler pour une galerie d’art rue Quincampoix, elle se met elle-même à la photo. Sa fixette du moment : des séries de bouchons de bouteilles de vin. “Mes natures ivres mortes, comme je les appelle pour rire”. Elle a monté son site où elle expose ses tirages et fait quatre petites expos à Paris.
Redescente non climatisée
L’ambiance familiale du X pourtant, Nina Roberts y a mordu goulûment durant son bref passage au sommet. Puis Nina a voulu s’ouvrir, diversifier l’offre de la maison Roberts. Retraitée du X à 25 ans, prête à tout pour changer de vie, elle a mis tous les atouts de son côté : passé des diplômes, écrit deux livres aux éditions Scali (J’assume en 2004, et Grosse vache en 2007), chanté au sein du groupe Pravda, joué la maquilleuse… Mais à chaque fois, le manque d’argent finit par se faire sentir. Or, elle explique :
“La redescente du porno, c’est comme pour la drogue, tu te rends compte que tu n’en gardes rien si ce n’est le pire. L’argent tu l’as flambé, tu n’as jamais pensé à l’après, et passer à autre chose sans s’être reconstruite est extrêmement difficile. Je m’en doutais un peu sans imaginer que l’aspect psy jouait à ce point.”
En donnant en ce moment un coup de main à la presse pour Marie Laurence chez Dorcel, Nina voit bien pourquoi son ex-collègue Dolly Golden vient d’arrêter.
“Toute la journée, tu revois ton ancienne vie mais en retrait. Tu n’es plus la princesse mise en avant, traitée avec déférence, mais la vieille qui a fini son tour. Et ça te met des coups de blues.”
Car, bis repetita, Nina ne regrette aucunement ses trois années dans le X. Lancée dans le milieu à la vitesse d’un TGV, elle tourne avec les plus grands et, après ses déboires amoureux et sa boulimie adolescente, se passe du baume à l’âme avec la reconnaissance unanime des pros comme des fans. Avec cinq couvertures de l’institution Hot Vidéo en moins d’un an, sa popularité atteint son zénith en 2004. Mais c’est justement là que le bât blesse.
“Tout le monde te reconnaît. C’est un cercle vicieux. Aujourd’hui, j’essaie de dire aux filles : “Economisez, refusez la surexposition”, mais elles sont comme je l’étais à 22 ans, n’écoutent rien et filent s’acheter ce qu’elles n’ont jamais pu avoir.”
Les usages du X veulent aussi que les actrices paient elles-mêmes lingerie (à renouveler à chaque film), maquillage et les 116 euros du test HIV toutes les trois semaines.
“Alors quand tu sais que ta “reconnaissance” par le métier fait forcément monter les tarifs de tes scènes, tu n’hésites pas à en donner le plus possible. C’est bien après que tu t’en mords les doigts.”
L’après correspond au statut bâtard où l’on tourne encore quelques scènes lesbiennes pour manger. Car ce milieu agit comme un puissant effet ventouse quand ce qu’on avait imaginé comme reconversion ne suffit pas pour maintenir son train de vie et qu’il faut changer de quartier pour continuer à payer le loyer…
“J’étais déjà fragile car, quoi que disent les actrices X, on n’arrive pas là par hasard. Et je me suis retrouvée très seule, sans famille pour m’appuyer à part ma mère que je devais moi-même coacher… Alors j’ai fait ma Loana, avec de gros soucis de drogue dure pendant cinq ans. Coke, acides, même l’héro pour finir, alors que je ne prenais rien quand je tournais. J’ai un trou dans la cloison nasale, j’ai perdu huit dents. J’ai mis un coup de frein brutal en arrêtant le X sans avoir anticipé la suite : j’avais été ultramédiatisée, je devenais ultracramée.”
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