Le zentai, combinaison intégrale qui fait du corps une immense zone érogène, entre peu à peu dans les moeurs au Japon. En France, il demeure un objet érotique plutôt rare.
Ombres chinoises ou mannequins anonymes ? Il est impossible de mettre un visage sur les adeptes du zentai, cette combinaison intégrale en Lycra apparue au Japon dans les années 1970. Introduits par les Super Sentais – les séries de science-fiction japonaises qui ont nourri notre enfance et dans lesquelles les Bioman et les Power Rangers gesticulaient dans des combinaisons fluorescentes – puis popularisés par le photographe Marcy Anarchy, les zenshin taitsu (collants recouvrant tout le corps) se sont très vite imposés comme une mode au Japon. Si bien qu’aujourd’hui, il n’est pas rare de croiser des silhouettes en Nylon déambuler dans les rues de Tokyo.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
En France, en revanche, elles demeurent quasi invisibles. « Ici, il est rare d’en trouver, confirme Alex, j’en achète sur des sites allemands, la qualité est meilleure que sur les sites asiatiques. » Ce cadre libéral de 40 ans arbore des combinaisons en Lycra depuis cinq ans et a connu le mouvement essentiellement grâce à l’internet. « Dans les soirées, il n’y en a pas beaucoup. Mais quand j’en porte un, je suis beaucoup plus extraverti. J’ai l’impression d’être un exhibitionniste. »
« C’est une tenue à usage majoritairement érotique. Mais attention, pas sexuel, insiste le vendeur de Dèmonia, une boutique parisienne spécialisée dans les accessoires fétichistes, la fermeture cousue derrière témoigne de l’utilisation que l’on fait du zentai. » Avec le zentai, toute pénétration devient impossible une fois la combinaison revêtue. Seuls les attouchements provoquent du plaisir sur ces corps inconnus, et presque asexués. « C’est ce qui génère l’excitation. »
Un objet de porno soft, le zentai ? Une pratique ambiguë en tout cas, qui hésite entre le fantasme du corps prépubère, du corps lisse, sans poil et non transpirant, pas si éloigné de ce qu’on pourrait appeler le safe sex, et, au contraire, l’idée d’un corps libéré par l’anonymat. Ainsi, à l’instar du fandom furry, « école animalière » du fétichisme née dans les années 1980, les zentais permettraient aux individus qui les portent de connaître une véritable libération sexuelle et d’incarner d’autres personnages.
« Moi, c’est pour ma meuf, à la base. Normalement, je suis plutôt combi résille, explique un client de la boutique Dèmonia. Là, c’est comme si je lui achetais un gode, ou un truc comme ça. Mais la pénétration, c’est zéro avec le zentai. » Il paiera 59 euros pour une combi blanche dans laquelle les formes de sa « meuf », débarrassées de leurs sous-vêtements, seront légèrement visibles mais ultramoulées.
Les prix peuvent varier de 30 à 500 euros selon les matières. Et le Lycra est chaudement recommandé, au détriment du cuir ou du velours ( » Sinon, on ne respire pas ! »). Cependant la boutique ne compte pas sur le zentai pour voir décoller ses ventes. Avec un produit vendu par jour en moyenne, et une vente qui ne représente que 5 % de son activité, le vendeur affirme qu’il est impossible d’ouvrir une boutique spécialisée, mais reste optimiste : « On a une clientèle très masculine, réduite, mais fidèle. Et ils sont quand même de plus en plus nombreux. »
Récemment, le zentai a fait son apparition dans un coffret de films porno féministes suédois. L’une des vidéos, intitulée Skin, montre un corps à corps entre deux combinaisons couleur chair sur lesquelles apparaissent, au fur et à mesure que l’excitation monte, de larges taches de sueur. A la fin, les deux zentais finissent par déchirer leurs secondes peaux pour s’adonner à des pénétrations partielles et saccadées.
Comme l’explique la critique d’art Emilie Renard dans la revue d’art féministe Pétunia, « le film Skin, parce qu’il maintient un homme et une femme, par le simple artifice d’un costume, dans un anonymat initial, dans un genre indéterminé, met en place une scène de sexe égalitaire. Skin fait une sorte de grand écart entre une posture critique – dissociée à la fois de la pornographie bisexuelle et de sa parodie queer – et les images filmées d’une relation sexuelle manifestement amateur ».
{"type":"Banniere-Basse"}