Combat de femmes pour la mairie de Paris : si l’héritière Anne Hidalgo est donnée gagnante face à Nathalie Kosciusko-Morizet, empêtrée dans une mauvaise campagne, l’abstention de l’électorat de gauche pourrait bien redistribuer les cartes.
1. Anne Hidalgo, l’héritière tranquille… si l’abstention ne frappe pas
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Donnée gagnante avec 38 % des intentions de vote au premier tour puis 53 % au second, Anne Hidalgo a mené campagne tambour battant. Après avoir déclaré sa candidature le 4 septembre 2012, l’éternelle première adjointe, discrète mais tenace, n’a rien laissé au hasard, mettant au pas les caciques de la gauche parisienne dès l’été 2013, et allant même jusqu’à récupérer le vice-président du groupe UMP, Thierry Coudert. Décontractée et radieuse, l’Andalouse n’a pas hésité à railler les “moments de grâce” et autres bons mots de Nathalie Kosciusko-Morizet lors de son meeting de fin de campagne au Cirque d’hiver. “Être maire de Paris, c’est aimer les concierges et les stars”, a t-elle lâché dans un large sourire faisant allusion au quolibet dont l’affligeait l’équipe NKM au début de la campagne. Assumant le (très bon) bilan de Delanoë, Hidalgo a tenu à saluer la longévité de son “cher Bertrand” : “Je ne connais aucune histoire comme la nôtre en politique.” Mais attention : l’abstention des électeurs de gauche, moins mobilisés, pourrait avoir raison d’Hidalgo. Selon une enquête Ifop-Fiducial, 64 % des électeurs parisiens de droite déclarent vouloir aller voter, contre seulement 59% d’électeurs de gauche.
2. La campagne de NKM, plus impitoyable que Dallas
Sortie gagnante des primaires ouvertes de l’UMP avec 58,16 % des voix, l’ex-porte-parole de Nicolas Sarkozy est pourtant loin d’avoir fait l’unanimité – y compris aujourd’hui où Bernadette Chirac préfère encenser l’habileté d’Hidalgo plutôt que NKM. Il y aura d’abord eu les attaques de “parachutage en mode barbouze” lorsqu’elle a annoncé sa candidature dans le XIVe, et les nombreuses dissidences UMP entre barons et jeunes ambitieux, comme Charles Beigbeder candidat de la liste Paris libéré.
Il y a aussi eu l’avalanche de propositions irréalisables faute de moyens (le centre d’affaires de la gare du Nord) et surtout faute de compétences (transports, horaires, sécurité dont les modifications ne dépendent pas de la mairie de Paris). Mais surtout, il y aura eu les erreurs de communication : “les moments de grâce” dans le métro parisien, les photos clope au bec avec les clochards du XIVe, les cheveux lâchés et le jean pat d’eph dans les bars de Montmartre, la permanence de campagne dans une ancienne agence de pompes funèbres pour celle qui se définit comme une tueuse, une websérie qui a à peine eu le temps de voir le jour… Et même une attaque directe à l’encontre d’une journaliste du Monde accusée de mal relayer la campagne de l’ancienne ministre. La campagne de NKM aura au moins eu le mérite de sortir Nicolas “candidat-pas-candidat” Sarkozy de sa retraite.
3. Les alliances à gauche redessinées
Les écologistes ont décidé de faire campagne à part, nommant le très discret Christophe Najdovski comme candidat-maire. Même si Delanoë a lourdement rappelé que “Najdo” faisait partie de l’équipe sortante, la candidature des écolos n’a pas particulièrement inquiété le PS. Et pour cause : Hidalgo a réussi à rallier le PCF, s’adjoignant le porte-parolat du jeune et talentueux Ian Brossat, président du groupe PCF/PG au Conseil de Paris. Une alliance qui n’a évidemment pas plu à l’autre partenaire du Front de gauche, le Parti de gauche.
Chaleureuse et gouailleuse, la candidate PG Danielle Simonnet a préféré s’écarter de la polémique interne – contrairement à Jean-Luc Mélenchon – pour multiplier happenings et autres criées dans le métro. Une campagne innovante qui pour l’instant n’a pas convaincu les Parisiens : les sondages la donnent en 5e position au premier tour, derrière EE-LV et le FN.
4. Le FN veut retrouver son score de 1983
Entre soutien des frères Bogdanoff et saillies sur les camps de concentration pour les Roms – une “lèpre” qui porte atteinte à “l’ordre esthétique” du VIe arrondissement, le Front national aura peu existé dans la campagne. Il faut dire que Wallerand de Saint-Just aura eu du mal à se faire entendre alors que le FN est crédité, de façon exceptionnelle à Paris, de scores proches de 10 %. Réussira-t-il à s’imposer dans le XVe arrondissement où se présente Hidalgo et où la droite compte déjà deux listes?
Le Front garde en tout cas un œil sur le XXe, peuplé et populaire, qui avait élu Jean-Marie Le Pen en 1983 au Conseil de Paris. Cette fois, c’est un CRS, Jean-Louis Chabaillé (Didier de son vrai prénom) qui porte les couleurs du FN-Rassemblement Bleu Marine.
5. La pollution au cœur de la campagne
Invitée surprise des derniers jours de campagne, la pollution aux particules fines a permis aux candidats de réaffirmer leurs mesures écolos. Najdovski et Simmonet ont déploré les quelques jours d’immobilisme du gouvernement (avant d’appliquer la circulation alternée) et ont chacun plaidé pour une sortie du diesel. NKM a raillé la gratuité des transports en commun, “cache-misère de l’inaction de l’équipe sortante”. Hidalgo a tenu un meeting dimanche 16 mars pour rappeler au contraire comme la droite avait voulu discréditer les Vélib, les couloirs de bus, le tramway, la voiture électrique ou encore la piétonnisation des bords de Seine et de la place de République.
Pour le futur, la candidate socialiste prévoit de végétaliser les toitures sur 100 hectares dont 30 % pour produire des fruits et légumes (un projet moins ambitieux que la ferme maraîchère d’EE-LV), d’installer 700 bornes pour recharger les voitures électriques et les nouveaux Scootlib, et d’installer un revêtement antibruit sur le périphérique.
6. Paris deviendra t-elle Zurich-sur-Seine?
Une culture festive, populaire, et exigeante. C’est ce qu’on retiendra des deux mandats de Delanoë grâce à des événements comme Paris-Plages et la Nuit Blanche, les bons plans de Paris Jeunes, ou des lieux innovants comme la Gaîté lyrique, antre de la culture numérique, et le Centquatre, lieu de vie où les musiques actuelles sont mises en avant. Mais ces nouveaux lieux de culture et de fête font aussi face à une réglementation de plus en plus contraignante. Ainsi cinq bars du faubourg Saint-Denis (Xe arrondissement) ont fermé simultanément fin 2012 provoquant l’ire des noceurs, et les panneaux antibruits, les vigiles, et les Pierrots de la nuit se sont multipliés dans le quartier Oberkampf, rue de la Soif par excellence.
Si NKM a évoqué l’idée de reconvertir les 12 stations “fantômes” du métro parisien en lieux de nuit, Anne Hidalgo, elle, préfère apaiser les relations entre riverains et fêtards grâce à une “brigade verte et antibruit”, épaulée par des “correspondants de nuits chargés de veiller à la tranquillité des Parisiens”. Comme le dénonce le chroniqueur Gaspard Koenig dans Le Point, Paris ressemble de plus en plus à la tranquille ville suisse de Zurich. Un maire de la nuit, élu cet automne, aura essayé de défendre le point de vue des noceurs.
7. Logement : bilan en demi-teinte
Quelque 70 000 logements sociaux et 10 000 nouvelles places en crèche en treize ans ; l’équipe Delanoë assure s’être adaptée à la vitalité démographique de Paris. Elle a souvent répété aussi avoir mis en chantier 10 % du territoire parisien, des Halles à la ZAC Clichy-Batignolles dans le XVIIe (siège du futur Tribunal de grande instance) en passant par la reconversion des entrepôts du boulevard Macdonald (XIXe).Mais depuis dix ans, la courbe de l’immobilier ne s’est jamais inversée dans la capitale. Même en 2008 au plus fort de la crise, Paris continuait d’augmenter les prix. Hidalgo s’est engagée à créer 10 000 nouveaux logements par an, dont 6 500 HLM par an.
8. Sécurité : à droite toute
Après les révélations concernant les fausses statistiques sur la sécurité à Paris, les candidats de droite ont sans surprise manifesté plus de fermeté. Ainsi lors du débat télévisé les opposant, NKM a déclaré vouloir “organiser une police de quartier et doubler le nombre de caméras de surveillance et remettre en vigueur les arrêtés anti-mendicité”. Christophe Najdovski veut remettre “des policiers de proximité pour retisser les liens de proximité”. “Jamais une caméra ne court après le délinquant”, a remarqué le candidat EELV.
A l’inverse, Hidalgo s’est déclarée contre une police municipale : “Deux polices, on imagine bien ce que cela peut (donner) comme résultat. Ca coûterait très cher aux Parisiens”. Elle a estimé que l’on “doit continuer à travailler avec la Préfecture de police”.
9. Finances : pas touche aux impôts
NKM le répète : elle sera “le maire du 0 impôt supplémentaire”, fustigeant “la double peine” du “matraquage fiscal national et du matraquage fiscal local”. Idem pour Hidalgo, qui promet de ne pas toucher aux impôts et d’investir 8,5 milliards d’euros dans la ville. Pourtant la situation de la Paris est plutôt saine, comme le relève l’Institut Montaigne. “Plus de 75 % du programme d’investissement a été financé au travers de recettes réelles et de l’épargne de la commune, la part restante a été financée par l’emprunt à un niveau soutenable pour la ville. La ville pourrait rembourser sa dette en quatre ans.”
10. La question du Grand Paris
Qui va contrôler le Grand Paris après les élections municipales? C’est en effet au 1er janvier 2016 que Paris va devenir une métropole de 6,5 millions d’habitants, incluant les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis. Soit 15 % de la population française et 20 % de la richesse nationale. S’il n’est pas prévu que le prochain maire de Paris prenne aussi la tête de la métropole, la bataille fait déjà rage en coulisses entre Anne Hidalgo et le président de l’Assemblée et “parrain” du 9-3, Claude Bartolone. La clé du prochain scrutin est détenue par les élus communistes qui contrôlent 20 % des droits de vote dans la future métropole. Bartolone, qui a essayé de faire la peau au PCF dans le 93, pourrait se retrouver en minorité face à une Hidalgo très liée aux communistes parisiens.
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