Installé depuis 1995 à Bordeaux, Alain Juppé est donné gagnant dès le premier tour des municipales. Mais s’il est confiant dans son fief, l’ex-Premier ministre reste plus flou sur ses intentions à l’échelle nationale et la direction à donner à l’UMP, se posant en arbitre.
Vous êtes crédité de près de 59 % des intentions de vote dès le premier tour. Mais lors des derniers scrutins, Bordeaux a voté à gauche. Comment expliquez-vous ce paradoxe?
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Alain juppé – C’est tout simple : les Bordelais sont contents de leur maire. Les habitants s’accordent pour reconnaître que la ville s’est transformée depuis 1995. Le taux d’opinion positive des Bordelais sur le maire est de 90 %. Une partie de l’électorat qui vote à gauche aux élections nationales estime que quand on a un bon maire, on le garde. Mais je ne me laisse pas griser : si je suis toujours parti plutôt gagnant aux municipales, je ne fais pas cocorico prématurément.
De quoi êtes vous le plus fier ?
Tout a commencé avec l’aménagement des quais, qui a transformé la ville. Voir les Bordelais tomber en amour, comme on dit au Québec, avec le nouveau pont Chaban-Delmas est une grande satisfaction. En 2008, j’ai dessiné l’arc de développement de Bordeaux, une suite de grands terrains sur lesquels nous allons construire de nouveaux quartiers. Des Berges du lac avec la ligne de tramway prolongée jusqu’à Ginko, puis le Bassin à flots – le territoire le plus magique de Bordeaux avec la base sous-marine. On a déjà délivré des permis de construire pour 4 000 logements, dont 35 % de logements sociaux.
Rive droite, l’arc se prolonge dans les secteurs Brazza, puis les nouveaux quartiers de la gare qui vont accompagner l’arrivée des lignes à grande vitesse. C’est ça le projet Bordeaux 2030, c’est ce qui va faire monter Bordeaux dans la catégorie supérieure.
Ces projets ont-ils pesé sur les finances de la ville ?
On a diminué notre endettement, même si là on replonge un peu après avoir financé de gros investissements. Notre capacité de désendettement est de 4 ans. A Marseille, elle est de 12 ou 13 ans. En revanche, on a de hauts niveaux de fiscalité, je ne l’ai jamais caché. Mais nous sommes une des grandes villes qui a le moins augmenté les impôts.
Les finances ne sont-elles pas saines aussi parce que de grands projets comme le Stade ont été financés en partenariat public-privé (PPP) ?
Nous n’avons fait que deux PPP depuis quinze ans : celui du stade et celui de la cité municipale. Tout le reste, ça a été fait en maîtrise d’ouvrage géré par la ville ou l’agglomération. Il faut relativiser le poids de ces investissements. Sur les 185 millions d’euros du Stade, l’Etat prend 28 millions, la région et la communauté urbaine mettent chacune 15 millions. La ville met 17 millions. C’est à peine plus qu’une cité scolaire et qu’une crèche. Par ailleurs, le club s’est engagé à rembourser la moitié des investissements. C’est parfaitement compatible avec les moyens de la ville.
Le prochain défi de Bordeaux va être son rayonnement international. Qu’est ce que la ville peut faire pour atteindre la notoriété de Lyon ou Lille ?
J’ai été ministre des Affaires étrangères deux fois, et dans tous mes voyages j’ai constaté que Bordeaux était bien plus connue que Lille à l’étranger. C’est dû à la célébrité de son vignoble mais aussi à l’image de la ville que j’ai beaucoup modifiée depuis quinze ans : Bordeaux est extrêmement attractive. Les Echos la classent en tête des villes les plus dynamiques de France, puis Toulouse et Paris. On ne nous associe pas toujours à un tissu industriel particulier. Le pôle aéronautique de l’agglomération bordelaise n’est pas aussi connu que celui de Toulouse – nous n’avons pas airbus – mais nous avons Dassault, Thalès, Safran…
Mais côté culture, la biennale Evento (2009, 2011) a plutôt été un échec puisqu’elle n’a pas été suivie d’une édition en 2013…
Je ne suis pas d’accord. Bordeaux n’a rien à envier à d’autres métropoles même s’il n’y a pas d’événement de la même nature que la fête des Lumières à Lyon. L’Opéra, les théâtres, le musée d’Aquitaine… rayonnent tous autant dans la région. La vie culturelle passe aussi par la culture dans les quartiers : les bibliothèques municipales, la Rock School Barbey, les retransmissions de concert… Nous avons triplé le fonds de soutien à la création qui culmine à 500 000 euros à un moment où l’Etat coupe les budgets. Les nouveaux Bordelais me demandent un Pariscope pour Bordeaux pour suivre tout ce qu’il se passe ici !
Pourquoi avoir mis un membre de la Manif pour tous (Edouard du Parc) sur votre liste ?
Il y a aussi des personnes pro-LGBT sur ma liste, pourquoi vous ne m’en parlez pas ? Je considère qu’à condition d’exclure les fanatiques, les pro-GPA et les homophobes, on peut rassembler tous les Bordelais autour d’une table. Je ne suis pas quelqu’un qui exclut, je suis quelqu’un qui essaie de rassembler.
Quel est votre regard sur la stratégie plutôt modeste de l’UMP pour les municipales ?
Je ne sais pas si c’est modeste. Tous les candidats sont au boulot, et c’est ça qui compte. Les élections municipales sont avant tout des élections municipales, pardon de cette tautologie. C’est vrai qu’il y a un arrière-fond politique mais les gens se prononceront d’abord pour les enjeux locaux. C’est pour ça que je n’ai mis ni UMP ni Modem ni UDI sur mon programme, j’ai mis l’équipe d’Alain Juppé.
Sur le terrain, les militants UMP semblent désarçonnés par l’absence de ligne directrice. Pas facile de défendre son camp quand on n’a plus de chef…
L’UMP n’occupe pas tout l’espace que lui laisse le fiasco du gouvernement, c’est vrai. Les bagarres désastreuses de l’année dernière pour la présidence de l’UMP, et le point d’interrogation sur le retour de Nicolas Sarkozy expliquent le trouble des militants et des électeurs. Il faut leur répondre sur deux points : sur le plan des personnes, puis sur celui des idées.
C’est-à-dire ?
Je crois que Sarkozy meurt d’envie de retourner à la vie politique. Si c’est lui qui devient le champion de l’UMP, il faudra qu’il renouvelle son stock d’idées. On n’est plus en 2007, la France a changé, le monde a changé. Il y aura eu le gouvernement socialiste entre les deux, il faut aussi qu’on revoit notre message. On a publié un plan d’urgence qui mérite bien son nom, mais je pense qu’on doit aller plus au fond des choses en matière de politique fiscale, de réduction des dépenses publiques, de discours européen… On a encore un lourd investissement à faire. Ceci dit, la marque UMP tient encore. Les Français voient bien que face au PS il faut une grande formation de la droite et du centre. Je ne sens pas du tout les gens désespérés ou prêts à partir.
On murmure que vous auriez fait une alliance avec Xavier Bertrand et Bruno Lemaire pour imposer des primaires pour 2017…
Je pense que les primaires correspondent à la culture des militants, qui ont envie de donner leur avis sur le choix de leur champion et sur la ligne politique du parti. Ils étaient 80 % à voter oui à la nouvelle réforme des statuts qui mentionnent les primaires. Et maintenant on devrait leur dire non ? Ce n’est dirigé contre personne. Si on devait organiser des primaires – mêmes ouvertes – aujourd’hui, Sarko l’emporterait. Les primaires permettent de régler les choses et de tous se mettre en rang derrière le candidat. Cette procédure a profité au PS. Ça ne leur a pas peut-être pas permis de choisir le meilleur, mais ça leur a permis de gagner.
Vous seriez candidat ?
Pour l’instant, c’est Bordeaux, Bordeaux, Bordeaux. Le reste c’est du domaine de l’interprétation.
Il y a des signes pourtant. Vous soutenez François Bayrou à Pau, et le dissident UMP Pierre-Mathieu Duhamel à Boulogne-Billancourt…
Il n’y a aucun sens politique, ce ne sont que des gestes d’amitié. Je connais Pierre-Mathieu Duhamel depuis 1986. Il a été mon directeur de cabinet et c’est un homme que j’apprécie beaucoup. Ça compte aussi les relations personnelles en politique. Et je préfère Bayrou qu’un maire socialiste à Pau, sans aucune hésitation. De toute façon, on a encore le temps. 2017, ce n’est pas demain.
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