Vous voulez savoir si vous êtes une sexmachine ? Grâce à des applications, c’est possible. Fréquence, durée, vitesse ou encore intensité des rapports : nos données les plus personnelles sont ainsi transformées en chiffres, courbes et statistiques. Utile ou flippant ?
« Le sexe est le plus illogique des besoins », déclarait Björk, la chanteuse islandaise. Les développeurs d’une dizaine d’applications mobiles ne voient pas la chose du même œil. Avec l’onglet « Santé reproductive » de l’appli santé sur iPhone, Apple vous propose de renseigner manuellement les jours lors desquels vous avez eu un rapport sexuel. Précisez ensuite – dans la mesure du possible – la mention « protection utilisée » ou « non utilisée ».
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Pour les plus assidus, ces données permettent de dresser une courbe de votre activité sexuelle journalière, hebdomadaire ou mensuelle. L’application propose aussi de suivre les menstruations féminines et d’estimer la période la plus favorable pour procréer. « Avec ma copine, on essaye d’avoir un enfant », explique Edouard, 31 ans. « On a testé l’appli, mais ça ne nous a pas vraiment aidé ».
Dans un autre style, Sexulator permet de tenir à jour vos « comptes sexuels » dans un agenda virtuel. L’appli offre la possibilité de préciser la nature des actes sous forme d’icônes. Un cœur pour une pénétration, un O pour le sexe oral, un M si vous êtes plus de deux, ou encore des lèvres pour les baisers et les attouchements.
Dans une logique de « rentabilité sexuelle », l’appli prétend permettre « de garder une trace de votre activité sexuelle, et d’obtenir des informations statistiques ». Vous pouvez aussi attribuer une note à votre partenaire, partager vos expériences et « comparer votre vie sexuelle avec vos amis ». Le tout « à des fins de divertissement ».
Mais au fait, est-ce que ça marche ?
« Je trouve ces applis dédiées au sexe assez fun », témoigne Antoine, commercial de 27 ans. « Il n’y a rien de mal à savoir combien de fois on a fait l’amour ce mois-ci. Dans plein de domaines, on s’amuse à regarder son score, son palmarès. Pourquoi pas lorsqu’il s’agit de sexe ? » Un autre tweete au sujet de l’application Spreadsheets, qui propose notamment d’enregistrer par captation audio l’intensité de vos ébats. « Je ne suis pas sûr de savoir si c’est génial ou super méga effrayant ».
Romain, journaliste, a testé l’appli. Il estime que l’utiliser « n’est pas plus bizarre que de raconter qu’on a mangé une pizza sur Twitter ! » Des applis qui relèvent plutôt du gadget, mais qui peuvent aussi apporter des informations. « Un nouveau territoire s’ouvre avec l’Apple Watch. Comme elle est directement reliée à notre corps, on pourra obtenir des données physiques beaucoup plus fines, comme par exemple suivre notre rythme cardiaque ou analyser un orgasme », poursuit Romain.
« Seul le résultat compte »
Cette poignée d’applis ne manque pas de faire réagir le corps médical. Pour Jean-Roger Dintrans, psychiatre et sexologue, c’est tout simplement « terrifiant ». « Il faut cesser d’associer sexualité et performance ! », s’exclame-t-il. « La sexualité, c’est un jeu qui doit être spontané ». Pour les plus téméraires, les applis SexTrack et Speadsheets proposent carrément d’installer le smartphone dans le lit. Par captation audio, elles enregistrent la durée, la vitesse et l’intensité de vos ébats. « Depuis quelques années, on se rend compte qu’on est de plus en plus dans un rapport narcissique que dans un rapport à l’autre » ajoute Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste.
la quête de la performance suprême continue! #sextrack
Six applis pour suivre son «activité» sexuelle https://t.co/EFRPwtyA9K via @libe— Docteur Jambon (@DocteurJambon) 26 avril 2016
On s’intéresse à notre forme physique, à notre alimentation et maintenant à notre « santé sexuelle », qui rentre dans le cadre global des indicateurs de bonne santé. Cette sexualité médicalisée et mathématisée pousse au culte de la performance. On cherche à être le meilleur, le plus séduisant, le plus envié. « Comme dans une discipline sportive, seul le résultat compte. Sauf qu’une sexualité parfaitement accomplie, ça n’existe pas » assure Serge Hefez. Pour Chloé, étudiante en droit de 25 ans, ces applis font flipper. « Je trouve ça assez glauque et sans intérêt. Un gadget de plus », confie-t-elle. « Et puis ce sont des infos très personnelles ! »
Quid de ces données ?
Chez Apple, l’appli Santé est installée par défaut sur le téléphone, dès lors qu’il tourne sous iOS 9. Sur son site, l’entreprise américaine assure qu’il est possible de « protéger » les informations enregistrées dans l’appli Santé. Sauf que lorsqu’on sauvegarde son téléphone sur iTunes, les données sont forcément enregistrées sur un serveur, quelque part dans le monde. Rien n’a été dit sur le fait qu’Apple pouvait avoir, ou non, accès à ces données.
Il est difficile d’évaluer de manière exacte le nombre d’utilisateurs actifs de ces applis. Pour les utilisateurs d’Android, sur Google Play, l’appli I Just Made Love (qui propose notamment de géolocaliser les endroits où vous avez fait l’amour) revendique entre 100 000 et 500 000 téléchargements. Gratifiée de plus de 500 avis, l’appli affiche un score de 3 étoiles sur 5, jugée « Géant[e] », « Marrant[e] » ou juste « Sans intérêt ».
#ijustmadelove Yes. #positions #fun #goodtimes
Une photo publiée par mink hoke (emily hoke) (@minkx0x0) le 13 Déc. 2015 à 20h10 PST
Dans l’utilisation, ces applications destinées à suivre notre activité sexuelle sont encore relayées au rang de gadget amusant. Mais elles pourraient avoir, dans un futur proche, une place de choix sur nos appareils, toujours plus connectés. Après tout, il existe déjà des applis comme Vibrodroid, qui transforment votre téléphone en vibromasseur de poche. On n’arrête pas le progrès.
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