Bien qu’il soit techniquement légal, le logiciel Smartflix, qui permet de regarder des films et séries de Netflix en dehors des barrières géographiques fixées pour chaque pays, se situe dans une « zone grise » qui est susceptible de poser des problèmes en terme de financement de contenus et d’expérience utilisateur.
Quel est le point commun entre la série australienne Wentworth, Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain et les trois premières saisons de House of Cards ? Ils sont tous absents du catalogue de Netflix France, alors que l’on peut les regarder sur la plateforme de streaming depuis d’autres pays comme le Canada ou les Etats-Unis. C’est cette limite que souhaite palier le logiciel Smarflix, lancé début janvier 2016 par un internaute « cinéphile », interviewé par le Monde.fr, qui préfère rester anonyme.
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Lorsque l’on effectue une recherche classique sur Netflix France, pour trouver par exemple la série animée Bob’s Burgers, il est impossible de tomber sur la fiche du programme. Il n’est pas disponible sur notre territoire. Un utilisateur américain peut en revanche regarder les quatre premières saisons sur Netflix US. Si la plateforme américaine de vidéo à la demande par abonnement a récemment annoncé qu’elle serait disponible dans 190 pays dans le monde, son catalogue varie beaucoup en fonction du territoire depuis lequel les internautes l’utilisent.
Les plus débrouillards s’en sortaient déjà en utilisant un VPN (Virtual Private Network), qui change l’adresse IP d’un ordinateur pour faire croire à un site que l’on se trouve sur un autre territoire. Mais Smartflix va plus loin, en agrégeant tous les catalogues de Netflix, tout pays confondu. En une recherche, on trouve ainsi la série animée Bob’s Burgers, inédite en France, accompagné de la mention « Regardez sur Netflix US« . Mais on peut aussi regarder Lego star wars: Droid Tales sur Netflix Danemark, Transporter II sur Netflix Australie ou le film français LOL sur Netflix Allemagne.
(Capture d’écran d’une recherche Star Wars dans Smartflix)
Pour donner l’accès à tous ces films, le créateur de Smartflix a créé un moteur de recherche qui agrège les contenus de tous les catalogues de Netflix, et connecte automatiquement l’utilisateur de Smartflix à un proxy en fonction du film ou de la série qu’il souhaite regarder. Seul défaut : certaines langues (audio et sous-titres) ne sont pas disponibles via ce logiciel. On peut ainsi tomber sur des films japonais mais sans doublage ni sous-titre (voir ci-dessous).
(Capture d’écran des paramètres de langue d’un film de Netflix Japon)
Si l’utilisation d’un VPN, qui peut masquer une adresse IP, est légale, le logiciel qui permet de contourner les « blocages » géographiques de Netflix soulève plusieurs questions.
Les problèmes de financement des contenus et de contournement de l’algorithme
Financièrement d’abord, le contournement de ces barrières peut poser problème. Si House of Cards (saisons 1, 2 et 3) n’est pas disponible sur Netflix France, c’est parce que Canal+ en a acheté les droits de diffusion avant que Netflix n’arrive en France. La firme aurait ainsi dû racheter les droits de sa propre série pour pouvoir la proposer à ses abonnés. Aussi, le fait que les utilisateurs de Smartflix puissent visionner la série sur Netflix peut poser des soucis au groupe Canal, qui a, lui, dépensé beaucoup d’argent pour pouvoir la diffuser sur le territoire français (sur Canal+ et Canal+ à la demande) .
Interrogé, Netflix ne communique pas sur les logiciels qui permettent de contourner le blocage géographique de ses catalogues. Il y a pourtant un autre volet à la « question » Smartflix qui pourrait plus déranger la multinationale. Contrairement à la page d’accueil de Netflix, le logiciel ne propose pas des contenus en fonction de ce que l’utilisateur a déjà regardé, ou de ce qu’il aime. Cet « algorithme », dont Netflix est très fier, permet à la plateforme de connaître précisément les habitudes de ses abonnés et l’aide même à créer des séries originales, comme l’avait souligné Todd Yellin, directeur de l’innovation de Netflix, dans les colonnes de l’Obs en octobre dernier:
« La technologie nous permet de choisir parmi plusieurs bonnes histoires laquelle a le plus de potentiel. Après, il y a toujours de la créativité humaine. ».
Abandonner ces précieuses données serait, sur le long terme, un gros manque à gagner. De même, et bien que l’on touche à un détail de « l’expérience utilisateur » chère à Netflix, Smartflix ne prévient pas, à la fin d’un épisode, que le prochain épisode « se lancera automatiquement dans 15 secondes ». Exit, les boutons « retour à la navigation » ou « plus d’épisodes », ainsi que le résumé du prochain épisode. Sur Smartflix, l’épisode suivant se lance automatiquement, sans avertissement. Nous avons fait la comparaison entre la fin du même épisode de la série Modern Family (ABC) sur Smartflix et sur Netflix.
(Capture d’écran de la fin de Modern Family S01E02 sur Smartflix)
(Capture d’écran de la fin de Modern Family S01E02 sur Netflix)
De quoi agacer la multinationale, qui mise beaucoup sur la qualité et la clarté de ses applications, qu’elles soient utilisées sur ordinateur, smartphones ou tablettes.
Confier ses identifiants à une application tierce
En dernier lieu, il n’est jamais conseillé d’insérer ses identifiants et mots de passer sur une application tierce, au risque qu’elle soit piratée et que les données fuitent.
« Mon modèle économique est une application payante, a rétorqué le créateur de Smartflix au Monde.fr. Mon intérêt, c’est de faire un bon produit, sécurisé, et de le vendre. »
A ce jour sur son site, il annonce que tant que son logiciel restera en version « bêta », il ne sera pas payant. Ensuite, il pourrait être vendu 7,99€ (pour une utilisation à vie, et non un abonnement).
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