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Avec le défilé Raf Simons pour Dior, c’était le plus attendu le fashion week : pour son premier défilé Saint Laurent, Hedi Slimane a fait souffler un vent de nouveauté en proposant un vestiaire crépusculaire, très influencé par l’Amérique, le rock et les années 70.
A quoi ressemblerait la femme Saint Laurent vue par Hedi Slimane ? La question brulait les lèvres des fashionistas et commentateurs depuis la nomination de l’ex-DA star de Dior Homme à la tête de la prestigieuse maison française, renommée comme à ses débuts « Saint Laurent Paris ». Ces dernières semaines, la campagne pub Saint Laurent – une série de photo orchestrée par Hedi himself et égrenée une à une – avait encore fait monter d’un cran le désir.
La première d’entre elles montrait un jeune éphèbe tatoué à la chevelure blonde, torse nu et de dos, offert sur un coussin. La femme Saint Laurent, icône grunge et androgyne ? Un trompe l’oeil vite déjoué par la suite de la campagne, où l’on découvrit le talon, assassin et martial, puis la silhouette d’une femme brune et vénéneuse, qui dominait le jeune éphèbe.
On fut envahi de ce même (agréable) sentiment d’avoir été trompé hier soir, en arrivant aux abords du Grand palais, lorsque les imposant escaliers de marbre cédèrent place à une pièce rectangulaire à la froideur et à la précision toute slimanienne : rectangulaire, noire, éclairée au Néon. On comprit vite, en observant, ébloui par les stroboscopes, pivoter au rythme d’une musique électronique répétitive les immenses panneaux noirs mats qui faisaient office de plafond, que Slimane ne se contenterait pourtant pas de répéter à l’envi cette scène primitive, tout droit échappée des années Dior Homme. Ce premier défilé Saint Laurent serait une projection dans un autre espace, temporel et stylistique. Alors que le front row retenait son souffle (Pierre Bergé, Betty Catroux, Valérie Trierweiler , Anna Wintour, Kate Moss, Jamie Hince, Vivienne Westwood et François Pinault), les premiers accords lourds et poussiéreux de I Gotta Try You Girl, blues de Junior Kimbrough donnèrent le ton : direction les États-Unis, son Deep South et sa côte californienne, où Slimane vit depuis cinq ans désormais.
Précision démoniaque et culture rock
Larges chapeaux de feutre mou façon western, costumes près du corps à l’influence très rock et Dior Homme : les premières silhouettes, tout en déplaçant l’inspiration du Londres et du Berlin des années 80 vers le Sunset Strip et les grandes plaines crépusculaires, confirmèrent que Slimane était toujours Slimane : d’une précision démoniaque dans les coupes (pantalons cigarettes ou slim, perfecto), influencé plus que tout autre par la culture rock dans ce qu’elle peut avoir de tranchant, de subversif, de dérangeant. Il y avait du Joplin, du Bowie émacié époque Hunky Dory, quelque chose d’Anita Pallenberg et autres groupies conquérantes de la fin des années 60-70, dans l’arrogance décadente des silhouettes longilignes et très dark qui se succédaient sur le catwalk. Mais aussi une touche beaucoup plus romantique, emmenée par les jabots, larges nœuds de cravate.
Avec maestria, Slimane a prouvé qu’il pouvait également être Yves, sans toutefois le copier. Les classiques maison furent ainsi réinterprétés (la saharienne en peau camel, les longues mousselines, les burnous transformés en longues capes de soie) et projetés du désert saharien au glamour hollywoodien. Mais c’est finalement lorsqu’il s’éloigna le plus de son vocabulaire masculin/féminin et près du corps habituel que Slimane remporta son pari : on le découvrit alors incroyablement à l’aise dans le flou et l’expression d’une féminité conquérante et sophistiquée. Robes ultra longues de soie liquide et taille largement ceinturée de cuir dessinaient une silhouette à la fois fluide et structurée.
Difficile dès lors de ne pas imiter Pierre Bergé qui tirait la langue de bonheur et d’envie au premier rang : le futur de Saint Laurent semble désormais assuré.
Géraldine Sarratia
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