Dans la Russie prérévolutionnaire, les serfs veulent leur émancipation. Vincent Vanoli dresse un récit burlesque dans lequel il aborde avec subtilité des questions politiques.
“Peut-on se déclarer moderne tout en réclamant sa tranquillité ?” Héritier d’une longue lignée de propriétaires terriens, Simirniakov sent que son pays – la Russie du XIXe siècle – est en train de changer.
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Il n’a rien contre l’émancipation des paysans qui sont sous sa responsabilité, mais ce qu’il aimerait, par-dessus tout, c’est qu’on lui foute la paix, nourrissant de la mélancolie pour l’époque où il était insouciant.
Un antihéros et des foules indisciplinés
C’est autour de cet antihéros, bon vivant et rempli de doutes, que le dessinateur Vincent Vanoli a bâti une joyeuse fable politique. Car, s’il aborde des questions essentielles – comme lorsqu’il évoque la “théorie du ruissellement” –, il use du ton léger de la farce pour faire passer de manière subtile ses interrogations et leurs échos dans notre époque.
Ainsi, son récit s’inscrit dans un cadre historique précis, quelques années avant que le servage ne soit aboli en Russie (c’est arrivé en 1861), mais son approche burlesque, pas si éloignée de celle de Gustave Doré pour Histoire de la Sainte Russie, lui donne un air de fête permanente. Déjà, son trait expressionniste, qui s’épanouit dans de jolis niveaux de gris, greffe aux personnages des tronches joviales – ah, ces nez improbables ! On se laisse aussi enivrer par ces pages pleines de vie parce que les foules y sont indisciplinées, chantent, boivent, se moquent de leurs maîtres.
Une intrigue qui avance à son rythme
Absurde et bordélique dans son expression, la lutte des classes que Vanoli dépeint tient autant du graveur Jacques Callot (qu’il cite) que des Monty Python. Elle est également parasitée par des éclats de chansons des Beatles ou des Seeds (sans oublier le culte Eat Y’Self Fitter de The Fall). Certains gags, comme celui autour de la très longue barbe d’un patriarche, apportent de la légèreté à une intrigue qui avance à son rythme.
Vincent Vanoli qui a construit son style sans respect du classicisme, montre une nouvelle fois quel degré d’originalité a atteint son graphisme libéré, comme le rappellent certaines pages composées tels des chemins serpentant dans la montagne. Vincent Brunner
Simirniakov (L’Association), 64 p., 18 €
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