Le journaliste Jérôme Pierrat a infiltré les réseaux mafieux pour mettre au jour le trafic de cannabis.
Comme un poisson délicat égaré dans l’eau du grand banditisme et des petits voyous, Jérôme Pierrat constitue, de reportage en reportage, un corpus cohérent et sidérant à la fois. A sa tenace obsession de raconter les rites et pratiques des trafics illicites de toutes les familles du crime, il a ajusté un mode d’écriture facilement reconnaissable : la mise en scène tranquille, quasi débonnaire, de son infiltration au cœur des systèmes crapuleux.
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Grâce à ses réseaux accumulés et son expérience secrète de journaliste complice des voyous, il s’immisce partout, y compris, comme ici, au cœur d’une filière du trafic de shit entre le Maroc et l’Espagne. Dans le Rif marocain, à Chefchaouen, il révèle au grand jour la réalité d’une production artisanale à grande échelle du shit (la première région productrice au monde). L’enquêteur intrépide filme les ateliers où se fabriquent les plaquettes, notamment le “Spoutnik”, un “shit qui te met sur orbite”, confie un spécialiste local.
Trafic ultrasurveillé
Des champs de cannabis à perte de vue à la chaleur des ateliers clandestins où la résine est tamisée et mise dans des sachets en plastique, jusqu’à la traversée de la Méditerranée, du Maroc vers la côte espagnole, Jérôme Pierrat est présent à chaque étape d’un trafic ultrasurveillé, ultrarentable et ultradangereux : 26 millions d’Européens fument du shit et les trafiquants génèrent un chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros annuels.
A chaque étape du trafic, le reporter apporte un éclaircissement circonstanciel, sans se perdre dans des volutes de fumée. De manière parfois trop étirée, il interroge des repentis pour mieux comprendre leurs codes : un mafieux lyonnais, un ancien pilote de Crampton, sorte de Zodiac géant qui fuse sur les mers chargé de dope. Le bateau sur lequel Pierrat s’est embarqué n’a pas réussi à faire passer la marchandise, jetée à la mer sous la pression de la Guardia Civil.
Loin du train-train journalistique
Sur les 1700 tonnes de haschich qui traversent chaque année la Méditerranée, 20% sont saisies par les autorités espagnoles. Souriant, jamais inquiet à l’écran, qu’il navigue sur les eaux agitées sous surveillance, qu’il traîne dans les bars de malfrats ou des ateliers clandestins, Jérôme Pierrat se fond facilement dans cet univers. Comme s’il trouvait dans ses excès et ses égarements une forme d’excitation, loin du train-train journalistique ; lorsqu’il confie, face caméra, au terme de son voyage, qu’il doit rentrer à Paris, on entend dans sa voix l’aveu d’un regret. La vie des bandits n’est jamais monotone, à défaut d’être vertueuse.
Aux royaumes du shit documentaire de Jérôme Pierrat. Mercredi 18, 20 h 55, Canal+
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