Aussi audacieux qu’entêtant, le dernier volet de la saga, plus connue chez nous pour son spin-off “Persona”, nous entraîne dans un Japon post-apocalyptique peuplé de démons.
Attention, danger. Avec Shin Megami Tensei V, le risque est grand de se laisser emporter, de perdre ses repères, de ne plus savoir où on en est. De souffrir, aussi, et d’avoir un peu envie de hurler quand un affrontement mal mené contre un monstre surpuissant nous renvoie brusquement vers l’écran du game over.
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Seule solution : charger la dernière sauvegarde. Ah, c’était il y a une heure et demie, le temps écoulé depuis s’est évanoui. Et pourtant, Shin Megami Tensei V fait du bien.
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Bienvenue dans le monde d’après
Entre suites, spin-off et épisodes hors-série ou crossovers, il y a de quoi se perdre dans la galaxie Megami Tensei, née au Japon en 1987 et surtout connue en Occident pour sa branche Persona. Il vaut mieux en oublier tout de suite le foisonnement narratif et l’inscription dans le quotidien d’un Japon très contemporain, car rien de cela ne figure dans le très radical Shin Megami Tensei V, qui marque un retour au canal historique de la saga. Plus précisément, c’est ce dont le jeu s’empresse de se débarrasser après une brève introduction. Voilà, c’est fini pour l’humanité. Bienvenue dans le monde d’après.
Si quelques repères permettent de deviner à quoi elle a succédé (Tour de Tokyo, Parlement, immeubles ou ponts détruits, distributeurs automatiques qui, étrangement, fonctionnent toujours), cette réalité future ou parallèle ensablée, où l’on glisse comme dans Journey, en se demandant quel embranchement à la Haruki Murakami notre alter ego a pris, est avant tout un espace de combats contre des démons aux origines géographiques variées : un ange, une fée, un oni, un Jack-o’-lantern, un chat botté…
Ces créatures, d’ailleurs, ne sont pas que nos ennemies. Certaines se montrent avenantes, d’autres se laissent convaincre de rejoindre notre équipe. On les fait alors évoluer ou fusionner, on gère leurs capacités, comme dans Pokémon ; mais l’influence n’est celle que l’on croit, car Megami Tensei était là en premier.
Littéral et frontal
Jouer à Shin Megami Tensei V, c’est d’abord bien se préparer dans ses menus riches et scintillants qui constituent presque un jeu en eux-mêmes. Car ses environnements (globalement) ouverts ne sont pas de ceux qui se prêtent à la dérive rêveuse ou distraite : un accident (un game over) est si vite arrivé…
Alors on dose ses avancées, on revient en arrière. C’est une affaire personnelle, ce qui va plutôt bien à un jeu qui, plutôt que de la société (comme Persona), nous parle de nous. Sa grande affaire, qui s’appuie sur l’une des forces du médium vidéoludique : rendre littéral et frontal ce qui est habituellement métaphorique et enfoui. Nous invitant à “crever des abcès” (qui rendent une zone hostile et incertaine) ou à nous “éveiller à des miracles” (des connaissances, des savoir-faire), le jeu d’Atlus est notre nouveau psy préféré – un signe : en cours de combat, il propose toujours de “parler”.
Shin Megami Tensei V se révèle cette chose superbement paradoxale : une épure foisonnante, un essai abstrait qui prend aux tripes, un piège consolateur, un enlisement qui fait voyager. Un monstre sensible et brutal dont on ne voudrait plus se passer.
Shin Megami Tensei V (Atlus), sur Switch, environ 60 €.
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