De Jules César à DSK, sexe et pouvoir ont toujours fait affaire ensemble. Retour sur une histoire qui passe des orgies de Tibère au harem de Mao.
Selon les minutes de son procès, elle aurait assassiné au minimum 100 et jusqu’à 650 femmes, d’après les dires d’un témoin qui aurait vu un carnet (jamais retrouvé), où la comtesse sanglante aurait consigné l’identité de ses victimes. Elle choisissait ses proies dans les fermes de son domaine en attirant de jeunes paysannes avec des emplois lucratifs de servantes. Elle aurait poursuivi ses méfaits en s’attaquant à des filles de la petite noblesse, que leurs parents envoyaient chez la comtesse pour qu’elles se familiarisent avec l’étiquette des grandes cours d’Europe.
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En guise d’étiquette, voici un échantillon de la liste des atrocités commises : viols à répétition, expositions mortelles à la faim et au froid, passages à tabac, brûlures sur le visage et les parties génitales, mutilations des mains, etc. Même les cadavres n’échappaient pas à sa fureur. En 1610, les complices de la comtesse furent torturés et exécutés, mais celle-ci, protégée par son haut rang, fut seulement assignée à résidence dans son château où elle mourut à l’âge de 54 ans, en 1614.
Le gynécée abondant de Mao
Les liens constants à travers l’Histoire entre sexe et pouvoir induisent des embardées tenant du grand bond en avant. A cet égard, Mao mériterait à lui seul la rédaction d’un petit livre rose. Il faut en préambule lui reconnaître quelques mérites. L’égalité des droits entre hommes et femmes en Chine a été effective dès l’entrée en vigueur de la constitution de 1950, et la législation du mariage a été modifiée dans le sens d’une égalité totale entre époux. Des avancées contrebalancées par une obédience à des moeurs strictes. La femme chinoise devait être fidèle, ouvrière appliquée et opter pour le bleu de travail à l’exclusion de toute tenue « décadente ».
Mais en Chine comme ailleurs, ce qui est bon pour le peuple ne concerne pas ceux qui le gouverne. En ce sens, Mao est resté fidèle aux valeurs millénaires de l’empire du Milieu. Selon la biographie ébouriffante de Jung Chang et Jon Halliday*, Mao, comme tous les empereurs, a mis en place à son usage un gynécée abondamment pourvu de jeunes filles âgées de 18 ans à 22 ans, sélectionnées dans toutes les provinces. Lorsque ses forces venaient à défaillir, son médecin privé, qui le narre dans ses mémoires, lui injectait une décoction traditionnelle à base de bois de cerf, puis par la suite, un mélange plus performant boosté à la novocaïne.
Dans la luxueuse chambre avec vue sur Tien An Men qu’il s’était fait aménager dans le palais de l’Assemblée du Peuple, « il n’y avait jamais assez de place dans son immense lit pour accueillir tout le monde, soit parfois trois, quatre ou cinq jeunes femmes simultanément… », précise son médecin. Ses dernières années furent plus calmes : il les passa jusqu’à sa mort en 1976, à 82 ans, avec Zhang Yufeng, sa concubine de cinquante ans sa cadette.
JFK et les « vingt meilleures secondes de toute sa vie »
Et Kennedy ? C’est Dallas. Pas uniquement en raison du lieu de son assassinat, mais aussi pour ses moeurs pour le moins troubles. Sa proximité avec la Mafia est avérée, de même que sa sexualité obsessionnelle, puisqu’il considérait toute femme comme objet potentiel de ses pulsions. Marilyn Monroe était loin d’être sa seule conquête dans la catégorie « actrice ». On compte aussi Jayne Mansfield, Gene Tierney, Marlene Dietrich, Lee Remick et Norma Shearer. Angie Dickinson a eu droit à une mention particulière puisque, disait-il, « je lui dois les vingt meilleures secondes de toute ma vie », ce qui confirme sa réputation d’homme pressé.
John Fitzgerald Kennedy ne faisait pas mystère de ses performances auprès de ses pairs : « Trois jours sans faire l’amour, et c’est le mal de tête garanti. Je ne sais pas si c’est aussi votre cas, Harold », confiait-il au Premier ministre britannique Harold MacMillan, en visite officielle à Washington en 1961. Ce dernier eut bientôt d’autres soucis en tête puisque, cette année-là, commençait une liaison qui finit, pour son gouvernement, en scandale de belle envergure : une affaire d’espionnage, mettant en cause son ministre de la Guerre, John Profumo, et une callgirl, Christine Keeler, qui était également la maîtresse de l’attaché naval de l’ambassade soviétique à Londres. Mensonge à la chambre des Communes, contrition forcée, démission : l’affaire Profumo prit rapidement une dimension d’affaire d’Etat. Mais elle fit aussi voler en éclats l’accord tacite qui interdisait à la presse britannique d’évoquer dans ses colonnes la vie privée des élus.
On aura constaté que cette discrétion, qui avait jusqu’ici perduré en France, est totalement passée de mise. Tant mieux ? Tant pis ? Difficile de trancher, tant les grands déballages en cours s’emboîtent à la perfection dans un étau de contradictions. Les hommes (et femmes) politiques ont fait depuis belle lurette de la séduction et de la mise en scène de leur intimité une arme de propagande massive, et le public (vous, moi) oscille entre fascination et dégoût quant au récit de leurs romances et de leurs turpitudes.
Net et tweets aidant, les effets boomerang de ces stratégies sont devenus incontrôlables. Mais bien en phase, comme le souligne le malicieux essayiste tchèque Patrik Ourednik**, avec une époque qui a inventé l’airbag et la guerre propre, le tri sélectif et les décharges nucléaires, la banalisation de la pornographie et les injonctions moralistes, sans oublier la liberté de dire n’importe quoi dans l’espace public à condition d’y entrer sans fumer.
Alain Dreyfus
*Mao, l’histoire inconnue de Jung Chang et Jon Halliday (Folio, 2011), 1 535 pages (2 tomes), 10,50 euros le tome
**Europeana, une brève histoire du XXe siècle de Patrik Ourednik (Allia, 2004, réédité en 2010), 150 pages, 6,10 euros
sources De Gaulle, mon père, entretiens avec Michel Tauriac de Philippe de Gaulle (Plon) ; Annales de Tacite (Folio classique) ; Vies des douze Césars de Suétone (Folio classique) ; Sexe et pouvoir, les dessous de la vie des chefs de Dimitri Casali et Antoine Auger (Editions de la Martinière)
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