De Marilyn Monroe à Mathieu Valbuena en passant par Paris Hilton ou Pamela Anderson, ces vidéos amateur dévoilant les ébats intimes de célébrités ont fait ou défait des carrières, endommagé des réputations ou amplifié des notoriétés, et même créé des légendes.
1948. Un film en 16mm. Marilyn Monroe. Un canapé. Un monsieur moustachu. Crac-crac. La première sextape de l’histoire ? Non. D’abord et surtout parce que l’on n’est toujours pas sûr que ce soit bien la vraie Marilyn qui fait toutes ces choses dans la vidéo (mais le débat est toujours chaud – le très sérieux Hollywood Erotic Museum, aujourd’hui fermé, a acheté au début des années 2000 l’unique copie du film officiellement disponible). Authentique ou pas, l’intérêt suscité par cette vidéo est dans tous les cas symptomatique d’un fantasme moderne. Voir une étoile faire l’amour. Mater l’intimité d’une célébrité, volée, exposée aux yeux de tous.
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Naissance de la sextape
Une sextape en bonne et due forme doit fleurer l’artisanal, sentir le fait-maison. Et pour ça, il faut attendre la fin des années 70, la commercialisation des caméscopes et l’avènement de la vidéo amateur. Il existe des films érotiques ou pornographiques mettant en scène des stars à venir, comme l’Etalon italien (titre original : Party at Kitty and Stud’s) dévoilant le kiki d’un Stallone pré-Rocky. Mais c’est un film « professionnel », retrouvé sur le tard – rien à voir donc avec une sextape qui se respecte. Une des premières « vidéo intime » de l’histoire met en scène un couple d’acteurs américains peu connu en France : l’ancienne miss Ohio Jayne Kennedy et son compagnon Leon Isaac. Le mystère demeure sur l’origine de la fuite. Officiellement, la vidéo aurait été chapardée lors d’un cambriolage, dupliquée par le coquin voleur, avant que les copies ne s’échangent par l’intermédiaire de petites annonces, et passent de main en main dans des boutiques spécialisées. Une autre version, plus sordide, évoque une diffusion volontaire du mari pour se venger de sa compagne qui voulait divorcer – peut-être donc un des premiers cas de revenge porn de l’histoire. En tout cas, la vidéo a marqué les esprits. Peut-être parce qu’elle contient une scène de fist.
Scandale et fascination
En 1988, l’acteur Rob Lowe, alors 22 ans, cartonne le box-office. Mais pas que. Une vidéo circule sous le manteau. On le voit en pleine action avec deux jeunes filles, dont l’une a 16 ans. Scandale. L’acteur est condamné à des travaux d’intérêt général. Rob Lowe prouvera qu’il ne connaissait pas l’âge de sa partenaire, mais sa carrière prend l’eau. Une autre séquence tirée de la même cassette – on y voit Rob et un ami partouzer avec un mannequin américain dans une chambre d’hôtel parisienne – sera diffusée commercialement. La sextape bankable est née, à la fois objet de fascination et potentielle arme de destruction. L’arrivée d’Internet n’arrange rien : une fois dévoilées, les vidéos privées deviennent virales, exposées aux yeux de tous ceux qui veulent voir (et l’histoire a prouvé qu’ils sont nombreux). En 1994, la patineuse Tonya Harding et son mari en font les frais. Ils décident alors de prendre les devants. Ils vendent officiellement leur sextape au magazine Penthouse. Une opé juteuse : 200.000 dollars, sans compter les royalties.
Les stars de la sextape
On ne peut pas parler de sextape sans évoquer Pamela Anderson, qui a pour particularité d’en avoir deux au compteur. La plus connue, une vidéo de sa lune de miel avec Tommy Lee, le batteur de Mötley Crue, est volée en 1995 et se retrouve très vite sur un site internet. Le couple attaque en justice. Après un arrangement à l’amiable, la vidéo devient de nouveau officiellement disponible. C’est l’esquisse d’une nouvelle stratégie pour les vedettes : assumer. Impossible d’arrêter la course d’une vidéo chaude lâchée dans la nature – alors tant qu’à faire, autant ne pas en laisser les bénéfices aux autres. L’image de la sextape va bientôt se transformer. Tout le monde l’a compris : cet objet si convoité peut rapporter gros, et même devenir un amplificateur de notoriété. L’idée d’une sextape diffusée intentionnellement devient envisageable. La « fuite » d’une sextape peut servir de publicité, d’outil marketing, permettant de raviver une notoriété sur le déclin ou même de lancer une carrière. Certaines vedettes commencent alors à jouer un double-jeu – officiellement outrées, prêtes à engager un procès – officieusement heureuses du buzz, dealant des contrats avec les sociétés de diffusion, ramassant pépètes et une forme de gloire post-moderne, dont Paris Hilton deviendra l’égérie. En 2003 sort un drôle de clip filmé en vision de nuit : on y voit la jeune héritière et un joueur de poker dévoiler leurs cartes et varier les combinaisons. Peu après sort la première saison de la télé-réalité « The simple life ». Paris Hilton attaquera par la suite son lover de l’époque, pour avoir diffusé la vidéo sans son consentement. Elle gagnera le procès, 400.000 dollars, et la célébrité. Si sa carrière a décollé grâce à sa sextape, ce n’était donc pas un calcul de sa part. Certains se permettent malgré tout d’en douter. En 2005, Fred Durst, le chanteur de Limp Bizkit, se fait voler par un dépanneur trop fouineur qu’il avait payé pour réparer son computer, une vidéo contenant notamment sodomie et fellation par une groupie. Il déclare alors à MTV : « Quand ce genre de choses arrive à des people, des sociétés vous approchent. Lorsque vous voyez le nom d’une grosse société accolé à une sextape, vous pouvez être sûr que la célébrité a monnayé sa permission de la diffuser ». Le chanteur Kid Rock a lui aussi été victime d’une diffusion involontaire de sextape – on l’y voit faire des choses pas très catholiques, accompagné par un ami (chanteur dans un groupe de rock catholique), et quatre femmes. Il poursuit alors la société qui a diffusé la vidéo. Et déclare à la presse : « Le timing est parfait. J’ai un album qui arrive ». Et puis il y a Kim Kardashian. Une sextape émerge en 2007 alors que la télé-réalité l’a déjà rendu célèbre. Elle lance un procès pour faire sa diffusion. Finalement, elle décide de laisser courir la vidéo. En échange de cinq millions de dollars.
Atout glamour, arme dangereuse
La technologie, on le sait, a démocratisé la pornographie. Internet a rendu son accès immédiat et facile et aujourd’hui, n’importe quel couple peut documenter ses performances en dégainant son téléphone portable. Dans les années 2000, Paris Hilton et Kim Kardashian ont transformé, contre leur gré peut-être, la sextape en objet de mode. Il n’y a qu’à s’aventurer sur le blog de Jeremstar la légende pour en faire la constatation amusée ou désolée : en France comme ailleurs, pour beaucoup d’apprenti(e)s vedettes de télé-réalité, la sextape est un must-have. Ça leake, ça fuite, ça se vole et se laisse voler – vidéos cheaps, souvent tournées en boîte de nuit, dernier recours pour exister médiatiquement. Mais si les sextapes font le buzz, elles n’en restent pas moins dangereuses. Pour les politiques, c’est catastrophique. En 2008, le ministre de la santé malaisien démissionne après la fuite anonyme d’une vidéo tournée avec une maîtresse. La diffusion non-intentionnelle d’une sextape constitue clairement une atteinte à la vie privée et à la pudeur. Un viol de l’intimité, exposée à un public indéterminé mais aussi aux proches : amis, famille, conjoint. Comme on l’observe actuellement dans l’affaire Valbuena, ces vidéos peuvent servir d’objet de chantage. Une sextape peut être explosive et détruire des vies. Mais certains aiment jouer avec le feu.
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