Le quotidien l’Equipe publie aujourd’hui une hallucinante interview de l’uns des maîtres-chanteurs présumés de la sordide affaire de la sextape, où sont impliqués Mathieu Valbuena et Karim Benzema
On pensait passer une semaine de transition, tranquille, entre la fin de l’Euro, du tour de France et avant les Jeux Olympiques et la reprise de la saison de football. Oui mais ça, c’était avant de lire l’hallucinante interview de Mustapha Zouaoui aka Sata, l’un des maîtres-chanteurs présumés dans la sordide affaire dite de la sextape qui empoisonne le foot français depuis le 13 octobre 2015.
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Sata est mis en examen dans cette affaire pour « chantage et participation à une association de malfaiteurs ». Il a été incarcéré le 9 octobre 2015 avant d’être relâché courant février. Au journaliste de l’Equipe, qu’il rencontre le vendredi 24 juin, Sata déballe (presque) tout : sa version des événements, le fameux déjeuner de Madrid où il a rencontré Karim Benzema (mis en examen pour « complicité de tentative de chantage ») et, en fil rouge, l’ambiance délétère qui semble régner aux alentours des vestiaires du foot français.
Djibril Cissé mis en cause
On apprend donc que, selon Sata, c’est par l’intermédiaire du joueur français Djibril Cissé, que Mathieu Valbuena apprend l’existence de la vidéo, en mai 2015 :
« Je reviens du Mexique, je suis sur Londres et [Djibril Cissé] me harcèle. (…) Je lui dis : « Djibril, tu es en colère, je vais t’envoyer un truc, tu vas rigoler », et je lui envoie une partie de la vidéo. »
A partir de là débute un discours parfois décousu et résolument arachnéen. Entre dans la danse un certain Younes Houass, qui entrera en contact avec Mathieu Valbuena :
J’en ai parlé à ce mec de Paris, qui fréquentait Jacques Faty. Quand Faty est venu à Marseille (2007-2009), il faisait son chauffeur. Il ne s’occupait que de Jacques. Moi, à l’époque, je fréquentais Jacques, et je l’ai connu. Younes est sans emploi, il a déjà traîné avec nous, il a vu qu’il y avait de l’argent à gagner dans le milieu du foot. Il s’est incrusté sur l’histoire de la vidéo. Avec Axel, on lui a dit plusieurs fois : « On va dans les fêtes, on voit les joueurs se filmer, mais ça s’arrête là. » On n’appelle pas les joueurs pour les faire chanter. Sinon, on se grille. C’est un petit cercle. Djibril n’a pas menacé Mathieu. Younes, c’est différent.
La rencontre entre le surnommé Sata et Karim Benzema intervient elle en septembre 2015 :
« J’ai un rendez-vous avec Benzema, à Madrid, je vais le voir pour de la customisation de luxe. Les coussins Louis Vuitton, mais pas seulement. Benzema a les clients. Et nous, on a la marchandise. On va voir ce qu’on peut faire. C’est à ce moment que je rencontre son ami Karim Zenati. J’ai eu le rendez-vous par Ahmed Yahiaoui (ami de Sata et de Benzema, dont il fut le coéquipier en équipe de France jeunes). On va le voir, on mange ensemble, on rigole, ça se passe bien. Un mec respectueux, sympa, vraiment, pas le footeux de d’habitude. Au bout de trois heures au restaurant, il nous raconte son séjour aux États-Unis, comment il a rencontré Rihanna, etc. Un délire. Et de là, je sors ma blague : « J’ai une histoire beaucoup plus costaude que ça, et là tu vas rigoler. »
« Si tu veux, je t’envoie un bout »
Mais apparemment, toujours selon Sata, ni Benzema ni les personnes à table ce soir ne rigolent, « à ma grande surprise », osera préciser le Marseillais de 42 ans. Là, on se demande pourquoi l’attaquant du Real Madrid continue-t-il de s’embarquer dans cette histoire de plus en plus sombre. Sata peine à s’expliquer :
« On avait perdu Karim Benzema à ce moment-là. Zenati me dit : « Je pense que c’est mort, on a fâché Karim avec l’histoire de la vidéo, il l’a mal pris. » Je dis à Zenati : « Dis-lui de ne pas s’inquiéter, il n’y aura rien ». Benzema ne m’a jamais demandé tu vas en faire quoi, l’air intéressé. Non, il avait une peur, qu’elle sorte sur les réseaux sociaux, sur Internet. Moi, honnêtement, je pensais que Karim n’aimait pas Valbuena. La plupart des joueurs, quand tu leur racontais la sextape, voulait au moins la voir. Karim Benzema ne voulait même pas la voir. Je lui ai dit : « Si tu veux, je t’envoie un bout. » Il m’a répondu : « Je n’en veux même pas de ton bout ».
Le journaliste de l’Equipe repose la même question :
« Moi, je poussais Zenati pour qu’il dise à Karim : « S’il te plaît, laisse tomber, reviens sur la customisation de luxe… » Zenati, c’est sur les écoutes, m’avait dit que Karim avait déjà parlé des coussins Louis Vuitton à Griezmann, à des joueurs du Real Madrid… et cette histoire de Valbuena allait tout niquer. J’ai dit à Zenati : « S’il veut, qu’il aille voir Mathieu, et lui dise voilà, il y a une histoire de sextape qui circule, ne prends pas ça à la rigolade. » Zenati a poussé Benzema, qui ne voulait pas le faire, à aller en parler à Valbuena. Pourquoi ? Parce que moi, je mettais la pression à Zenati, je le manipule un peu. On l’entend dans les écoutes. À un moment, on peut lire sur le PV : « Voilà, je ne t’ai pas dit toute la vérité, il y a un mec sur Paris qui met la pression à Valbuena. Indirectement. » Zenati me dit : « Écoute, nous, on ne rigole pas avec ça. Si tu veux qu’on avance dans nos projets, cette histoire doit s’arrêter. » Je dis à Zenati : « Préviens Benzema que cette histoire n’ira pas plus loin. » Benzema a pris l’initiative de contacter Valbuena en direct, et lui dire : « Ne la prends pas à la légère. »
Sata agit-il de sa propre volonté ou répond-il à une demande de Karim Benzema ? Difficile de faire la lumière sur les propos de l’homme. Difficile car plus le temps passe, plus les histoires (et la fumée) se multiplient chez Sata. Où l’on apprend pêle-mêle une histoire de trafic de montres venant d’une musée suisse, pour lequel Sata va être arrêté par la police.
Il est aussi question de montres, confiées par Djibril Cissé, mais Sata les perd. Il doit alors 25 000 euros à l’ex-joueur de Saint-Etienne, Nicolas Marin, qui a confié cet argent à un agent, Anthony Feudon, ami de l’autre maître-chanteur de ce dossier, Axel Angot, pour les racheter. A-t-il alors été tenté de vendre la vidéo de Mathieu Valbuena pour rembourser ?
« La juge le sait ; jamais je ne l’aurais fait. On bosse, j’aurais trouvé moyen de rembourser. Mais vendre la vidéo ? Cela nous aurait flingués… Pour 25 000 euros ? Tu me dis deux, trois, quatre millions d’euros, là, je vais la vendre, n’importe qui va la vendre. »
Et Mathieu Valbuena dans tout ça ? Sata n’oublie pas d’évoquer le cas du désormais ex international français : « Valbuena, c’est un crevard, il ne paie même pas un café. »
Le parquet de Versailles doit se prononcer prochainement sur une requête en nullité de la procédure, jugée « déloyale », déposée par les conseils de Karim Benzema, Mes Éric Dupond-Moretti et Sylvain Cormier.
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