Peut-on copier un chef-d’œuvre ? Oui, si on ne vise pas soi-même le chef-d’œuvre. La preuve avec le remake (photo) de la grande série des années 60.
Il existe peu de véritables mythes dans l’arsenal sexagénaire des séries télé. Le Prisonnier en fait partie, par ses ambitions esthétiques et son impact culturel. On rappellera que la phrase “Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre !” a été prononcée dans cette série de 17 épisodes diffusée sur la chaîne anglaise ITV en 1967 et 1968. Créée par l’acteur Patrick McGoohan (avec George Markstein), on y trouvait un commentaire social vif, tout aussi politique que le cinéma qui se faisait alors. En pleine contre-culture naissante, Le Prisonnier sonnait l’alarme : il était possible de se révolter sur le petit écran. Qui l’eût cru ?
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Quarante ans plus tard, la chaîne US qui monte, AMC (Mad Men, Breaking Bad), a imaginé une minisérie en six épisodes, où l’on retrouve les aventures de N° 2 (Jim Caviezel) tentant de s’échapper du Village, ce lieu où vivent des hommes et des femmes observés et soumis, dont le moindre désir d’évasion est réprimé. L’odieux N° 6 (Ian McKellen) dirige toujours de sa main de fer cette communauté qui n’en est pas une. Première évidence : les thèmes orwelliens du Prisonnier, c’est-à-dire le contrôle social et l’affirmation de la liberté, n’ont pas vieilli. Ils vont comme un gant au monde de 2009.
Le Village et ses allées impersonnelles, son bonheur en boîte, avaient été pensés comme une critique de la vie pavillonnaire née dans les années 40-50 ; aujourd’hui, cela saute aux yeux, on se croirait dans un centre commercial géant, ces “lieux de vie” truffés de caméras de surveillance florissant un peu partout, aux Etats-Unis et ailleurs. Sans parler des “communautés fermées” où se parquent les plus riches pour échapper au réel. Le problème, quand on se retrouve avec un matériau de science-fiction ayant subitement l’allure du documentaire, c’est qu’il faut savoir se mettre à la hauteur angoissante de l’hypothèse.
Ecrit par l’Anglais Bill Gallagher, ce Prisonnier version 2009 ne réussit pas vraiment le pari, trop occupé à étaler son savoir-faire scénaristique. On le sait, dans les séries contemporaines, la vraie prison, c’est le récit. Ici, la force des thèmes ne survit pas toujours à la sophistication forcée de la narration. Un peu de simplicité glaçante, ou de série B auraient pu rendre la vie volée de N° 2 émouvante. Les résultats d’audience ont d’ailleurs été plutôt faibles par rapport au buzz. Faut-il pour autant que la télévision contemporaine, en pleine hystérie des remakes (V, Beverly Hills, Melrose Place, bientôt Absolutely Fabulous), abandonne le filon ? Après tout, si les idées originales manquent, autant puiser dans le passé. C’est aussi le signe d’une industrie adulte, même si elle est un tout petit peu moins inspirée qu’avant.
Le prisonnier Sur AMC, et sur Canal+ en 2010
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