Bored to Death, ou l’essence de la comédie indé new-yorkaise en série pour HBO. Délicat.
Contre les commentaires alarmistes prédisant régulièrement sa mort, la comédie est devenue le genre le plus stimulant du moment sur le petit écran américain. L’affaire s’est conclue progressivement, entre la transformation des sitcoms à l’ancienne (le passage de Friends à How I Met Your Mother) et la révolution inaugurée par Curb Your Enthusiasm, la série de Larry David, pensée depuis dix ans déjà comme une réflexion sur les limites formelles et thématiques du rire. Désormais, la diversité est reine, tout paraît possible. Notamment l’existence d’un objet aussi ténu et délicat que Bored to Death.
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Diffusée sur HBO depuis le 20 septembre, cette petite chose de vingt-six minutes contredit le cliché de la série comme “art collectif”. Plus perso que Bored to Death, tu meurs – ha, ha. Son créateur, Jonathan Ames, est un écrivain et boxeur (oui, boxeur) installé à New York. Il a choisi de raconter la vie d’un dénommé Jonathan Ames, écrivain (mais pas boxeur !) largué par sa copine et qui décide, histoire de traîner sa peine avec style, de devenir détective privé. La neurasthénie semble sa meilleure alliée ; ou plutôt, une manière d’envisager le monde comme succession d’obstacles ne cessant de réapparaître une fois franchis – une définition possible du récit sériel contemporain, cette délicieuse répétition névrotique du même.
Dans un monde grimé en simili roman noir, Jonathan rame, cela va sans dire, presque autant que son meilleur ami Ray (Zach Galifianakis, le barbu génial de Very Bad Trip) et à peine plus que George, le directeur d’un journal où il pige (Ted Danson, le méchant de Damages). Ces trois figures de la crise du mâle arpentent un New York évidemment marqué par le souvenir de Woody A., mais pas seulement. Bored to Death parvient à faire entrer dans la comédie made in Big Apple un esprit dépressif particulier, que l’on pourrait définir comme une relecture folk et transie du buddy-movie (le film d’amitié entre mecs). Après diffusion des trois premiers épisodes, cela peut être tout autant attribué à l’écriture laconique d’Ames qu’au jeu particulièrement convaincant de Jason Schwartzman.
Dix ans après Rushmore de Wes Anderson, le garçon retrouve un premier rôle à sa mesure et cela nous fait plaisir. Sa force ? Alors que son personnage est sans cesse dépassé par la réalité qui l’entoure, Schwartzman parvient à le faire retomber discrètement sur ses pieds, à restaurer sa fierté sans trop en faire. Un exemple parmi d’autres ? Quand George lui demande de le frapper, Jonathan répond spontanément, comme s’il expliquait qu’il n’aime pas spécialement le fromage sur ses pâtes : “La colère, ce n’est pas mon truc. Je passe direct à la case dépression.” (“I’m not good with anger. I go straight to depression”). Quant à savoir si les aventures de ce Droopy intello nous passionneront longtemps, c’est une autre histoire. Commençons par rire un peu, pour ne pas mourir d’ennui.
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