Billets d’humeur sur RTL, docs sur le cinéma : l’ex-boss de Libération n’est pas resté inactif.
Serge July détient un record en France : celui de la longévité à la tête d’un quotidien. Trente-trois ans à Libération de 1973 à 2006 ; personne n’a fait plus long, pas plus Hubert Beuve-Méry que Jacques Fauvet au Monde. Même si ce ne fut pas une sinécure (lorsqu’on connaît l’histoire mouvementée du journal), l’ex-directeur de Libé mesure qu’il a “connu une sorte d’apogée de la presse écrite avec le dernier lancement réussi d’un quotidien généraliste en France”.
Interrogé par Philippe Gavi dans Faut-il croire les journalistes ?, aux côtés de deux autres personnalités de la presse, Jean-François Kahn et Edwy Plenel, Serge July sait que sa place d’éditorialiste et de réalisateur est plus confortable que la gestion d’une rédaction. A quelques pas de RTL, station où il passe tous ses après-midi pour préparer son billet d’humeur à 18 h 25, il affiche cette décontraction que l’on gagne à être délivré de l’urgence.
Libéré, en retrait, July aime encore jouer les observateurs en première ligne, comme si la phrase de Sartre dans Les Mots – “J’ai de la passion pour comprendre les hommes” – l’habitait au plus profond. Mais on ne se refait jamais totalement, et il garde prise sur l’actualité, la commente avec l’expérience d’un baroudeur éprouvé de la chose politique. Il lit journaux et sites, s’informe autant avec les uns qu’avec les autres. “L’internet n’est pas un bouleversement, c’est un tremblement de terre, une révolution pour tous les médias.”
N’ayant plus à trouver la formule magique qui sauvera les journaux, il s’y intéresse toujours de près, sans croire à leur avenir radieux, d’autant plus que la crise remonte selon lui à l’avant-internet et à l’insuffisante capitalisation de la presse française… “Face à la crise d’anorexie de la presse française, le net a joué comme un typhon soufflant sur un paysage en bois et en carton ; il a tout balayé.” Si tout le monde est à la recherche d’une nouvelle rentabilité, “personne n’a trouvé la martingale”. Pour lui, les médias n’ont d’autre choix que de se transformer, ce qui ne l’empêche pas de faire confiance “à cette loi de McLuhan, jamais démentie pour l’instant : aucun nouveau média n’a jamais tué les médias existants”, même s’il les a bouleversés.
Spectateur engagé, il élargit ses plaisirs à travers ses films sur le cinéma. La collection “Il était une fois…” – Jules et Jim, Les Parapluies de Cherbourg, Mon oncle, notamment, La Dolce Vita, cette semaine – codirigée avec Marie Genin analyse l’inscription d’un film dans son époque. Par des allers et retours entre la fabrication du film et le contexte politique, July poursuit ce qu’il faisait le mieux à Libé : croiser culture et politique. De l’actualité à l’histoire, de l’art au pouvoir, de l’écrit à l’oral, de la télé à la radio, du public au privé, du collectif à l’individuel, Serge July est resté un journaliste curieux de tout. Si la révolution n’est plus au bout du chemin, au moins a-t-il trouvé celui de sa liberté.
A voir : Il était une fois La Dolce Vita, de Serge July, Antoine de Gaudemar et Marie Genin jeudi 29 octobre sur France 5 à 21 h 35
A écouter : du lundi au vendredi, sur RTL à 18 h 25
A lire : Faut-il croire les journalistes ? de Serge July, Jean-François Kahn et Edwy Plenel (éditions Mordicus)