Les jeux vidéo, c’est comme la drogue, l’addiction (jamais prouvée médicalement) en moins : de fabuleux voyages à travers les portes de la perception. En la matière, certains jeux, souvent de créateurs indépendants (et souvent gratuits), vont plus loin que les autres. En voilà sept récents, sept trips vidéoludiques renversants.
Panoramical
Sur PC et Mac (Finji, 9,99 €)
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Panoramical est à la fois plus et moins qu’un jeu. Conçu par l’Argentin Fernando Ramallo avec le musicien américain David Kanaga (déjà impliqué dans le brillant Proteus) et la participation de quelques pointures de la galaxie du jeu vidéo expérimental, c’est à la fois un appel à la dérive et à la création, une invitation à explorer un univers abstrait (ou viscéralement concret, question de point de vue) et un outil de composition et d’expression musicale et visuelle dont une version « pro » existe d’ailleurs pour les DJs et VJs (ainsi qu’une « manette » spéciale, qui fait très envie). A l’écran, on fait surgir orages et tourbillons, on remodèle le « sol », on étire les tiges qui baignent dans une eau incertaine. Suivant une logique de boucles et de variations, la bande son se fait tour à tour apaisante et dissonante. Est-ce vraiment un jeu ? Si oui, c’est l’un des plus beaux qu’on ait croisés cette année.
#21: The World
Sur PC et Mac (lsddev, gratuit)
En matière de trips vidéoludiques, l’un des grands pionniers s’appelle Osamu Sato, auteur en 1998 du stupéfiant LSD : Dream Simulator pour la première PlayStation qui proposait un voyage dans les rêves d’un de ses collègues qui les consignait dans un journal depuis 10 ans. #21: The World en reprend le principe dans l’espoir de « déranger, calmer et choquer les joueurs » (selon son auteur répondant au pseudonyme de lsddev). Lâché dans une chambre à coucher, on commence par inspecter l’ordinateur, la bibliothèque ou les masques étranges accrochés au mur… et nous voilà soudain propulsés dans des univers aux allures de collage surréaliste. On y croise des statues grecques, des grenouilles valsant autour de la starlette virtuelle Hatsune Miku sous un ciel multicolore, des lunes aux visages de vieillards… Pour l’auteur du jeu, la mission est accomplie.
Meditative Anxiety
Sur PC et Mac (Ansh Patel, prix libre)
Entre le bon et le mauvais trip, ça se joue souvent à peu de choses et Meditative Anxiety ne cesse de basculer de l’un à l’autre alors que l’on tente d’influer sur ce que l’on voit et entend. Des lignes verticales, des vagues, des taches. Des percussions douces, des craquements ou des larsens stridents. L’œuvre minimaliste et radicale du jeune New-Yorkais Ansh Patel (qui l’a conçue en un week-end seulement, en reprenant un algorithme musical du génial Stephen Lavelle aka Increpare) n’est pas des plus reposantes. On ne l’en apprécie que davantage.
Mount Pleasant Drive
Sur PC et Mac (Niall Moody, prix libre)
Cette fois, pas de doute : c’est un bad trip. En tout cas, Mount Pleasant Drive ne met pas spécialement à l’aise avec ses photos de Glasgow, la ville de Niall Moody, qui se superposent, se déforment et se brouillent devant nos yeux sur une bande son crissante. Il y a des panneaux indicateurs brouillés, un mouton dans le ciel… Et puis, peu à peu, tout cela nous berce, nous possède alors même que la part réelle d’interaction demeure incertaine. Pas si déplaisant, donc, finalement.
A Stranger Comes Calling
Sur PC et Mac (Oh, a Rock ! Studios, 1,46 $ ou plus)
Les mauvais trips, le « héros » d’A Stranger Comes Calling du barbu californien Paul Franzen, connaît. Sa grande angoisse à lui, c’est d’aller ouvrir la porte quand quelqu’un (un inconnu, forcément dangereux) vient sonner. Ce jeu d’aventure (de micro-aventure névrotico-domestique, disons) en full motion video nous fait partager sa terrible anxiété qu’un compteur indique à l’écran et que le but est de faire décroître (en regardant longuement ses lapins ou sa tortue de compagnie, par exemple). Le résultat est à la fois drôle, piquant et somptueusement intelligent – si si, vraiment.
Reverie
Sur PC et Mac (Metkis, prix libre)
Quelqu’un vous raconte qu’il a rencontré des extra-terrestres lors de vacances avec ses parents, qu’il s’étonne de ne pas voir son ami imaginaire à côté de lui quand il se regarde dans le miroir ou qu’il est victime d’une attaque au fusil à pompe au cours d’un vide-grenier. Ça surprend un peu, mais, tout cela, ce sont des fragments de rêves que Reverie, conçu cet été par l’Américain James Hostetler pour un concours de jeux indés, vous invite à découvrir en naviguant à travers un réseau de points de couleur lumineux. Le fond sonore mêle musique et chuchotements. L’ensemble, qui ne ressemble à rien de connu, est fascinant.
Mystery Tapes
Sur PC et Mac (Strangethink, prix libre)
Créateur très indépendant de jeux étranges et de mondes virtuels, le Britannique Strangethink est l’un des game designers les plus passionnants de la sphère indé. Après avoir disparu quelques mois (et retiré du Net ses créations passées, snif), il vient de réapparaître avec l’envoûtante installation interactive Mystery Tapes, peut-être son jeu le plus abouti à ce jour. Devant nos yeux : une pile de (640) cassettes vidéo aux titres générés aléatoirement et néanmoins fort évocateurs (« Work Cushion », « Nose Theory », « Festive Sniff »…) et trois téléviseurs avec magnétoscope intégré dans lesquels on n’hésitera pas à insérer celles de notre choix. Alors, le ciel, le décor, le monde autour de nous change. C’est beau. C’est perturbant. C’est très beau. Soudain, on aperçoit une sphère lumineuse. On s’approche. Une silhouette apparaît, quelqu’un nous parle. On ne comprend rien, ou alors tout. On est bien. Et vous ?
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