Finaliste de la présidentielle de 2007, la présidente de Poitou-Charentes, bien que distancée dans la course à la primaire socialiste, garde le feu sacré.
« On a besoin d’elle ! Surtout qu’elle occupe le terrain. » Derrière ce cri du coeur, ni fan ni militant de Désirs d’avenir, seulement un cadre de la direction du Parti socialiste qui, face au silence de Martine Aubry, de Dominique Strauss-Kahn et à l’omniprésence de François Hollande, savoure le retour de Ségolène Royal. Après deux mois et demi d’abstinence médiatique, la candidate à la primaire du PS a fait son come-back : I-Télé, BFM, RTL, université participative sur la fiscalité, TF1, France 2, France Inter. Le tout en quelques jours ! De quoi rappeler le rythme de la campagne présidentielle de 2007.
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Pas question pour autant pour la présidente de Poitou-Charentes de rejouer le match.
« La campagne politique de 2012 ne ressemblera pas à celle de 2007, commente-t-elle sur BFM, ne regardons pas le passé. »
« Tout simplement parce que les attentes des Français ne sont pas les mêmes », explique son porte-parole Guillaume Garot aux Inrocks. Simplement aussi parce que la candidate Royal ne fait plus figure de favorite dans la course à la primaire du PS, aujourd’hui en quatrième position dans les enquêtes d’opinion. Ces sondages qu’elle acceptait volontiers quand ils la plaçaient en tête face à DSK et Laurent Fabius en 2006, ou aux dernières régionales, mais qu’elle dénonce aujourd’hui comme « manipulés » et « tout à fait contestables ».
« Le peuple ne s’est pas encore emparé des primaires, commente l’entourage de Ségolène Royal, les sondages n’ont pour l’instant aucune valeur. Il n’y a qu’à regarder le décalage entre les sondages et la capacité qu’elle a à remplir la salle, comme la Bellevilloise à Paris la semaine dernière avec 600 personnes pour l’écouter sur la fiscalité. » Reléguée derrière DSK, François Hollande et Martine Aubry, Ségolène Royal ne devance plus qu’Arnaud Montebourg et Manuel Valls.
« Les ressorts sont cassés, analyse un de ses anciens soutiens. Ce qui faisait sa force a disparu. Plus Nicolas Sarkozy dévisse, plus elle s’enfonce car elle existe en décalque de lui. »
Rien de plus rageant pour Royal car cela accréditerait l’idée qu’elle incarne une candidature périmée. Non, se défend-elle, elle n’est pas « un accident de l’histoire ». Cette histoire qui aurait voulu qu’en 2007 les Français aient souhaité des candidats de rupture et qui aspireraient aujourd’hui à plus de sobriété. « Je n’ai pas surgi de nulle part, j’ai surgi à partir d’idées qui n’étaient pas habituellement dans la bouche des socialistes », tempête-t-elle.
Alors, à la façon d’un Jean-Luc Mélenchon, elle se lance dans une violente diatribe contre « ce système médiatique qui dévore et qui jette aussi vite qu’il encense », contre « l’élite autoproclamée médiatico-politique » qui « veut à l’avance dire qui est bien, qui ne l’est pas ». Sûre d’elle-même, elle prévient qu’il y aura « des surprises ». Et elle interpelle :
« Je dis aux Français : ne vous laissez pas voler votre vote. Regardez bien ce que les uns et les autres ont fait dans leur vie, écoutez bien les paroles qu’ils ont prononcées, les actes qu’ils ont accomplis. »
Une manière de caser son bilan dans les interviews, de lancer comme un slogan le besoin de « la politique par la preuve », de dénoncer, mi-moralisatrice, mi-démagogique, « les effets d’annonces » et « les promesses dont ne veulent plus les Français ». Face à ce constat, elle veut parler du fond, dit-elle, du programme du PS qu’elle tient à la main et de ses « propositions complémentaires », fiches stabilotées devant elle pendant ses interventions médiatiques.
Blocage du prix de l’énergie et de l’essence, encadrement du prix de cinquante produits de base d’alimentation et d’entretien, contrôle des marges tout au long de la filière agro-alimentaire, états généraux de la révolution fiscale, inscription dans la Constitution de l’égalité des prélèvements sur le travail et sur le capital ainsi que de la garantie des ressources de la Sécurité sociale…
Dans cette primaire du PS dont on ne connaît pas encore tous les acteurs, Ségolène Royal a décidé de jouer la carte du concret, du pragmatique, du quotidien : « Je veux être celle qui apporte des solutions aux problèmes que se posent les Français », martèle-t-elle, convaincue que ce qui a changé depuis 2007, c’est l’augmentation de la précarité. On lui parle statistiques sur la hausse du pouvoir d’achat, elle répond sur RTL par la vie chère pour des Français qui « n’arrivent ni à s’acheter du shampooing, ni de la lessive ».
Un exemple qu’elle a repris après une discussion avec une dame dans l’Allier, le 12 mars dernier.
« C’est sa force, indique Jean-Louis Bianco, des idées claires que les gens comprennent. »
« Elle a une capacité à intégrer le discours des personnes qu’elle rencontre et à les retraduire non pas de façon simpliste mais didactique », précise Dominique Bertinotti, qui fait partie du petit cercle d’élus qui se réunit autour de Ségolène Royal pour les conseils politiques.
Ce mardi 19 avril à la Rotonde, célèbre brasserie parisienne, ils sont quatre autour de la table. Outre les deux femmes, Jean-Louis Bianco et Guillaume Garot. Si les proches de Ségolène Royal insistent sur la composition variable de ces réunions, au PS on insiste sur la faiblesse des soutiens et le départ des troupes vers les camps de Hollande et de DSK.
« Nous sommes une sorte de TPE, répond Dominique Bertinotti, avec une grande capacité de réactivité. »
Avec un maillage de 9 200 adhérents, une association, Désirs d’avenir, aux antennes installées sur l’ensemble du territoire et organisant régulièrement des universités participatives, voilà la petite boutique Royal en capacité de rameuter hors des circuits traditionnels du PS, « mais sans qui la victoire de la gauche ne sera pas possible », insiste Guillaume Garot.
Une manière de glisser que quel que soit le résultat de la primaire, Ségolène Royal sera déterminante dans le dispositif. Pour ses soutiens, « elle sera candidate ». Pour les autres, elle sera une force d’appoint.
« Elle arrive à amener à la politique des gens qu’aucun autre socialiste n’arrive à toucher, reconnaît le strauss-kahnien Jean-Marie Le Guen. Elle a de fait une place particulière. Royal, c’est un flanker au rugby, elle va au carton ».
Que d’amabilités… Les soutiens de DSK ménageraient-ils l’avenir en cas de retour du patron du FMI ? « Si Hollande se maintient, les voix de Royal seront importantes pour DSK ou pour Aubry », confie un cadre du PS. Même Laurent Fabius, pourtant peu réputé pour sa proximité avec la candidate à la primaire, y est allé de son petit mot : « Ségolène ne doit pas être enterrée aussi vite », a-t-il confié au Parisien. « Je n’abandonne jamais », sourit l’intéressée. L’opération reconquête est lancée. Elle devrait même y être aidée…
Marion Mourgue
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