Interrogé par les Inrocks.com, le député UMP Etienne Pinte ajoute sa voix aux critiques de Raffarin, Villepin, Dati, Boutin, Juppé… qui, tous, condamnent la surenchère sécuritaire de Nicolas Sarkozy.
La surenchère sécuritaire devait permettre, dans l’esprit du premier cercle sarkozyste, de tourner la page de l’affaire Bettencourt-Woerth. La mayonnaise a si bien pris que le thème, désormais installé dans le débat, empoisonne la rentrée de la majorité.
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Annonce symbolique, Amine-Benalia-Brouch, le militant visé en 2009, lors du campus d’été de l’UMP, par une insulte raciste de Brice Hortefeux, a décidé de quitter l’UMP:
« J’en ai ras le bol de cette politique menée par le gouvernement, a expliqué le jeune homme à l’AFP. Les Roms, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. J’abandonne l’UMP, j’abandonne Nicolas Sarkozy. »
Du côté de ses aînés, on en est pas encore là. Quoique. Joint par les Inrocks, le député UMP des Yvelines Etienne Pinte reconnaît « avoir envisagé de démissionner » du parti:
« L’idée m’a effleuré l’esprit. Mais nous ne sommes pas là pour déserter. J’ai toujours exprimé quand il le fallait mon désaccord. Ça peut aider et donner du courage à ceux qui n’osent pas le dire mais qui n’en pensent pas moins. Actuellement, beaucoup de mes collègues s’inquiètent de cette logomachie sécuritaire. »
Et d’ajouter, très remonté:
« Je suis très hostile à ces déclarations qui ont fleuri ces dernières semaines. Ce n’est pas de cette manière, que l’on règlera le problème de la sécurité dans notre pays! On ne peut pas avoir à la bouche sécurité, sécurité, sécurité et dans le même temps ne pas mettre à disposition des ministères de l’Intérieur et de la Justice les moyens nécessaires pour lutter contre la délinquance.
Et ce ne sont pas les propositions de mon collègue Eric Ciotti de supprimer les allocations des parents et mettre les parents en prison qui vont créer un sentiment de sécurité. Cette logomachie sécuritaire avec une recherche de boucs-émissaires ne sert qu’à cacher nos propres échecs en matière d’intégration. »
Le député UMP conclut: « Je suis heureux qu’enfin de grandes voix s’élèvent. J’étais bien seul il y a quelques semaines. »
Raffarin vice président de l’UMP balance contre sa famille
Depuis quelques jours, Dominique de Villepin, Rachida Dati, Jean-Pierre Raffarin, Christine Boutin, Alain Juppé, ont en effet exprimé avec véhémence leur désapprobation. Ce mardi, l’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin n’y est pas allé de main morte. Interrogé sur le thème de la sécurité sur RMC, il a balancé :
« L’UMP est hémiplégique. Il y a une dérive droitière. Certaines propositions sont absurdes. […] C’est l’UMP qui aujourd’hui sur ces sujets pose problème. »
Violent quand on sait que l’ex-Premier ministre est aussi le premier vice-président de l’UMP.
Villepin multiplie les coups de griffe
Le coup est d’autant plus dur qu’il n’est pas isolé. Au même moment, sur RTL, Dominique de Villepin a été lui-aussi tout aussi énergique :
« Cette politique n’est pas la politique de la droite et ce n’est pas l’intérêt de notre pays. Est-ce que les gaullistes se retrouvent dans cette politique, est-ce que les démocrates-chrétiens se retrouvent dans cette politique, est-ce que les catholiques sociaux, les catholiques de gauche se retrouvent dans cette politique? »
Et d’ajouter sur le même ton :
« Je rencontre un certain nombre de ministres qui sont malheureux et mal à l’aise avec la politique qui est menée, dans l’ombre malheureusement » car ils ne peuvent pas « le dire ouvertement ». « Les électeurs de l’UMP vous pensez vraiment qu’ils se retrouvent dans la politique qui est menée?«
La veille, Villepin avait publié sans le Monde une tribune tout aussi violente intitulée: « Une tache de honte sur notre drapeau ». « Il aura suffi d’un discours à Grenoble et d’un été, un seul été, pour que tout bascule, de la lutte contre l’insécurité à l’indignité nationale », écrit le président de République solidaire.
Plus loin, Villepin évoque « le visage méconnaissable de la patrie des droits de l’homme » et juge « que la surenchère sécuritaire n’a d’autre but que la provocation et la division pour assurer la conservation du pouvoir au service d’intérêts personnels ».
Rachida Dati se lâche dans le Monde
Même jour, même quotidien, nouvelle tribune « Il faut retrouver notre unité dans les valeurs de la République ». L’ex-garde des Sceaux et maire du VIIe arrondissement de Paris, Rachida Dati, autrefois bon petit soldat sarkozyste, s’inquiète du « débat sur la sécurité qui agite actuellement notre pays ».
Visant les propos de Frédéric Lefebvre tenus début août, Rachida Dati regrette « que certains aient pu se laisser aller à un amalgame entre immigration et délinquance » et de conclure :
« Cessons donc d’opposer les Français les uns aux autres au profit d’un meilleur vivre ensemble! »
Christine Boutin : « le désamour s’installe avec Sarkozy »
Ce mardi, dans Libération, c’est au tour de Christine Boutin, présidente du parti chrétien-démocrate de pousser sa gueulante:
« Les catholiques et tous les chrétiens s’interrogent sur la politique du gouvernement. En 2007, ils avaient été nombreux à donner leur voix à Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, du fait de ses discours sur la sécurité, le désamour s’installe. Depuis le discours de Grenoble, plus d’une centaine d’adhérents de mon mouvement, le Parti chrétien-démocrate, m’ont écrit pour me demander de cesser notre association avec l’UMP. C’est la première fois que cela arrive. »
Et de conclure: « Cela me conforte dans l’idée d’avoir un représentant à la présidentielle de 2012, pour que soit représenté un parti prenant en compte la dignité humaine. »
Alain Juppé, le premier à dégainer sur son blog
Il y a treize jours, le 11 août, Alain Juppé avait été le premier à donner le tempo. Sur son blog, l’ex-Premier ministre et aujourd’hui maire de Bordeaux ne mâchait pas ses mots:
« La priorité sécuritaire ne doit pas non plus conduire à des exagérations, peu compatibles avec nos valeurs fondamentales. L’argument selon lequel une mesure recueille la faveur des “sondés” est à manier avec modération. »
Joint par les Inrocks, Alain Juppé n’a pas souhaité s’exprimer davantage. Tout comme Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, restée très discrète dans ce débat. Celle qui se réclame l’héritière du gaullisme aurait sûrement pléthore de choses à dire. Faut-il y voir une coïncidence avec le fait que son nom revienne dans la short-list des prétendants à la succession de François Fillon, lors du remaniement annoncé pour le mois d’octobre?
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