Plus d’une semaine après la mort de Clément Méric, élève à Sciences Po, l’Institut est toujours sous le choc. Reportage.
Le grand hall est désert, les couloirs sont vides, la bibliothèque aussi : Sciences Po est en vacances. Pourtant, il y a une semaine, une série de rassemblements mobilisait la communauté étudiante du 27 rue Saint-Guillaume : la mort de Clément Méric, un jeune homme de 18 ans en première année dans l’établissement. Le principal suspect a été mis en examen. Il s’agirait d’un militant proche des JNR (Jeunesses nationalistes révolutionnaires). Un drame qui a profondément choqué la communauté de Sciences Po.
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Clémence, 19 ans, a intégré l’Institut d’Etudes Politiques parisien en même temps que Clément, l’année dernière. Quand elle a appris la nouvelle, l’étudiante venait de terminer un partiel à Paris IV :
“J’ai d’abord eu du mal à me dire que c’était possible. Ce qui vient après l’émotion, c’est le dégoût. Je suis écœurée qu’en 2013, des jeunes gens se fassent assassiner pour les idées, alors qu’ils se battent pour leurs rêves.”
“Loin d’être une tête brûlée”
“Ce qui a marqué les gens de Sciences Po, c’est cette phrase forte, qu’il aimait dire : ‘Je suis intolérant avec les intolérants' », raconte Clémence. Mais pas au point d’opter pour la violence. “C’était loin d’être une tête brûlée”, selon Claire. Clément était même “extrêmement calme, réservé, pas du genre à attaquer quelqu’un”, ajoute un professeur d’histoire de Sciences Po qui le connaissait très bien. Un autre camarade militant, Paul*, commente :
“Clément et moi n’avions pas exactement la même culture politique mais c’était facile de discuter. il était respectueux, contrairement d’ailleurs à ce que certains voudraient relayer, ce n’était pas quelqu’un de bagarreur. »
Au contraire, “c’était plutôt le genre de garçon a montrer son désaccord en manifestant”, explique Clémence. A deux reprises, Clément Méric s’était interposé face au comportement violent de certains étudiants lors de manifestations mouvementées à Sciences Po. Malgré ses différends, il avait à chaque fois fait en sorte de calmer le jeu. “A l’IEP, on nous apprend à confronter nos points de vues, débattre et à trouver des solutions consensuelles” nous dit Clémence. Mais, après ce qui s’est passé, elle avoue ne plus vraiment avoir envie de discuter avec “ces gens-là”- comme ces groupuscules d’extrême-droite dont est issu celui qui a frappé son camarade : “On a envie qu’ils soient punis, c’est humain !”
Rendre à sa mort une signification politique
Ses camarades militants rappellent que, même si les jours ont passé, il ne faut pas occulter la dimension politique de la mort de Clément :
« Je pense qu’il ne voudrait pas qu’on en fasse des caisses de pathos. Bien sûr il faut parler du drame humain mais il ne faut pas oublier la dimension politique et le fait qu’il est mort à cause de ses idées », explique Paul.
L’étudiant en deuxième année décrit aussi une “forte solidarité entre les syndicalistes », mais pas seulement :
« Le meurtre de Clément a une résonance pour n’importe quel militant de gauche, bien au-delà de l’extrême-gauche. Pour avoir discuté avec des gens qui ne le connaissaient pas, à Sciences Po ou dans les syndicats, sa mort invite à ne pas désarmer et à continuer le combat contre l’extrême-droite. »
A ce propos, Clémence est sans appel : “mon engagement politique sera d’autant plus fort maintenant”. Pour l’étudiante, le décès de Clément n’est malheureusement pas un cas isolé : “Il est mort parce qu’il avait été reconnu comme militant antifa”.
Non à la “récupération politicienne”
Pour autant, elle regrette de n’avoir pas pu prendre “un temps de deuil entre amis, pour Clément”. “On a très vite été plongés de force dans la signification politique de l’évènement”, explique-t-elle.
“On a aussi été très écœurés de l’ampleur de la récupération politicienne qui. a suivi. Certains politiques ont eu l’indécence incroyable de venir, en marge de notre recueillement rue Caumartin… Alors que les militants antifascistes sont méprisés par la classe politique en général, considérés comme des groupuscules violents, stéréotypés, réprimés aussi, on a vu les larmes de crocodiles de certains responsables politiques”
Peu après l’annonce de l’état de Clément Méric à la suite de l’altercation, droite et gauche se sont accusées entre elles, en marge des différentes réactions de la classe politique. Un emballement massif, alors que de nombreux militants attestent d’un climat politique et syndical plus tendu depuis quelques mois. « Je ne milite pas seulement à Sciences Po et j’ai pu m’apercevoir que le climat se tend, les discussions sont plus rudes, les avis plus tranchés”, ajoute Paul.
De son côté Clémence reconnaît que « ça fait un coup de se dire qu’on se bat pour des droits et qu’ils sont bafoués jusque dans nos sphères les plus proches. Je ne pensais pas qu’en France, en 2013, notre liberté d’expression pouvait nous mettre en danger”.
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