Sorte d’ »Un gars, une fille » x 4, le programme court de M6, « Scènes de ménages », bat des records d’audience. Il donne surtout envie de prononcer des voeux de célibat.
1. Plus belle la vie de couple
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Nous sommes en 2012 et alors que certains se croient encore drôles plaçant le mot “bref” à chaque début de phrase – “Bref, j’ai mangé une pomme, loool” (ce genre) –, doucement, sans paillettes ni montage hypercut, un autre programme court fait son trou. Sur M6, Scènes de ménages bat ses propres records d’audience et va jusqu’à réunir plus de téléspectateurs que le JT de France 2 (à trois reprises cette saison). Pire, la série aurait réalisé l’exploit de passer devant le très bien installé soap de Marseille, Plus belle la vie. Sorte d’Un gars, une fille x 4 (pour les nuls en maths ça fait “Quatre gars, quatre filles” en tout), Scènes de ménages donne à voir l’intimité de quatre couples dans de courtes scènes du style “Je t’ai déjà dit que j’aimais ton parfum ? Alors pourquoi tu t’obstines à en racheter ?” Uhuh.
http://dailymotion.com/video/xblknl
2. Chouchous et loulous
Alors que sept ans après l’arrêt d’Un gars, une fille, beaucoup sont encore pris de convulsions en entendant les mots “chouchou” et “loulou” ; alors que certains commençaient à peine à accepter, pourquoi pas ?, de vivre à deux sans se réveiller la nuit après un cauchemar impliquant Jean Dujardin et Alexandra Lamy surjouant le couple de l’enfer (à grands renforts de petits noms niais et mesquineries banales qui se finissent dans un ricanement débile), Scènes de ménages vient anéantir tout le chemin parcouru. Comme Chouchou et Loulou, ils ont des surnoms, sont sympas au fond et se veulent “superficiels mais touchants”. Seule innovation : le couple de personnes âgées donne à voir la droite ligne qui va de la niaiserie à l’aigreur – chaque couple incarnant une étape supposée de la vie : de l’installation commune à la retraite en passant par le premier enfant et le départ du petit dernier. Haine éternelle sans divorce.
3. Jouissance perverse
“Lorsque deux sujets se disputent selon un échange réglé de répliques et en vue d’avoir le ‘dernier mot’, ces deux sujets sont déjà mariés : la scène est pour eux l’exercice d’un droit, la pratique d’un langage dont ils sont copropriétaires ; chacun son tour, dit la scène, ce qui veut dire : jamais toi sans moi, et réciproquement (…) Les partenaires savent que l’affrontement auquel ils se livrent et qui ne les séparera pas est aussi inconséquent qu’une jouissance perverse (la scène serait une manière de se donner plaisir sans le risque de faire des enfants)”, écrivait Barthes dans Fragments d’un discours amoureux.
Ainsi, ici, le spectateur se fait-il voyeur d’une jouissance perverse au mieux (au pire, d’une simple simulation surjouée pour tromper l’ennui). Toujours selon le même dispositif, il entre dans l’intimité des couples et les fixe (comme la caméra qui ne bouge pas d’un poil) pour assister à de très courts ébats. A ce propos, la série revendique des auteurs issus de la pub, sous entendu “ils savent raconter des histoires en trente secondes”. Pour une jouissance (perverse ou pas), voilà qui est tout de même un peu bref.
Diane Lisarelli
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