Proxénétisme, abus sexuels, drogue, corruption… Depuis fin février, des scandales d’une ampleur sans précédent entachent le succès foudroyant des idoles de la K-pop. Au moins quatre chanteurs se sont retirés après avoir été accusés par la police d’avoir partagé des sextapes filmées de manière illicite. Pour beaucoup de citoyens sud-coréens cela donne un coup de projecteur nécessaire sur les violences sexuelles à l’aune de l’émergence du mouvement #MeToo en Corée du Sud.
Les dessous scabreux du show-biz sud-coréen ont fini par faire vaciller la couronne de Seungri, ex-chanteur du groupe BIGBANG, dont les cinq membres, surnommés « les rois de la K-pop », ont écoulé plus de 140 millions de disques à travers le monde. Alors que deux d’entre eux avaient déjà égratigné leur image de gendre idéal à cause d’un flagrant délit de fumette – une infraction passible de cinq ans de prison en Corée du Sud – des centaines de milliers de fans tombent des nues en découvrant les accusations autrement plus embarrassantes visant le benjamin du groupe. L’homme de 28 ans est notamment suspecté de proxénétisme et d’avoir détourné des fonds du Burning Sun, une fastueuse boîte de nuit située dans le quartier huppé de Gangnam dont il a été le directeur des relations publiques. Il aurait également fait partie d’un salon de discussion en ligne où d’autres stars de la K-pop partageaient des vidéos de leurs ébats sexuels filmées sans le consentement de leurs partenaires. Certaines victimes auraient été droguées.
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Pour une majorité de Sud-Coréens, les scandales sexuels qui éclaboussent les idoles sont choquants, décevants mais pas totalement surprenants explique Mimyo, critique musical et rédacteur en chef du site spécialisé dans la K-pop idology.kr. « On se dit qu’autour de la K-pop la société est si pourrie que même les idoles commettent ce genre de méfaits, lâche-t-il, fataliste, c’est une société très misogyne où les femmes sont parfois traitées comme une marchandise. Ces vidéos sont partagées de la même manière dans les universités par exemple. Ici, on a tendance à relativiser et à dire ‘boys will be boys’ et cela banalise ces crimes ».
Les fans montent au créneau
Si l’ampleur du scandale et sa médiatisation sont exceptionnelles, il ne faut pas remonter bien loin pour exhumer des affaires similaires dont les protagonistes n’ont d’ailleurs pas été particulièrement inquiétés. En 2004, le comédien Noh Hong-chul, principalement réputé à l’étranger pour sa « danse de l’ascenseur » dans le clip vidéo de « Gangnam Style » de Psy, racontait d’un ton badin dans un texte autobiographique avoir élaboré différents stratagèmes afin de parvenir à coucher avec une fille. « Pour rendre une femme [inconsciente], vous pouvez lui faire consommer de l’alcool, des somnifères ou un aphrodisiaque pour cochon. Le dernier était trop difficile à obtenir, alors j’ai abandonné. Ils ne vendaient pas de somnifères en grande quantité, alors j’ai abandonné ça aussi », plaisante-t-il tranquillement à propos de sa tentative de viol.
Mimyo espère que la portée médiatique inédite du récent scandale accompagnera un profond changement des mentalités, même s’il craint que l’enquête en cours ne prenne une mauvaise tournure. « J’ai l’impression que les médias et la police se concentrent principalement sur la drogue et je n’aime pas ça. La prostitution, le partage de vidéos ou les viols commis sont beaucoup plus préoccupants. Il faut qu’ils soient jugés pour leurs crimes sexuels. En 2009, un chanteur a été accusé de viol sur mineur et il a réussi à passer entre les mailles du filet. Notre pays est trop complaisant à l’égard de ce type de délits », déplore-t-il.
« Je suis gênée d’être une citoyenne coréenne »
L’opinion publique, et notamment les fans de K-pop, sont cependant moins indulgents que par le passé, et n’hésitent pas à monter au créneau. Sur les réseaux sociaux, les pétitions se multiplient pour demander justice et appeler les stars concernées à quitter l’industrie du spectacle. Lee Han-gi est secrétaire générale de Digital Sexual Crime Out (DSO), une organisation qui s’occupe de lutter contre les crimes sexuels filmés, en particulier le « revenge porn » ou les caméras espionnes. « Lorsque le scandale du groupe de discussion comprenant des idoles a éclaté, nous avons d’abord pensé que cela mettrait enfin en lumière la gravité de ces comportements. On ne s’attendait pas à ce que ces célébrités agissent de la sorte. C’est vraiment triste mais peut-être que cette médiatisation pourra éviter qu’il y ait d’autres victimes », espère-t-elle.
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Cette semaine, la cour centrale du district de Séoul a rejeté le mandat d’arrêt à l’encontre de Seungri, estimant qu’il y a « matière à discuter » à propos des allégations de détournement de fonds et qu’il y a peu de chances que ce dernier ne détruise les preuves. Une pétition a déjà été lancée sur Internet pour demander le renvoi du juge derrière cette décision. Sur le forum de Naver, le premier portail Internet du pays, des milliers d’internautes expriment leur mécontentement, comme cette internaute qui écrit : « La Corée du Sud est risible, même si les crimes sont graves et que la population a de grandes attentes sur cette affaire, le mandat d’arrêt a été rejeté… Je suis gênée d’être une citoyenne coréenne ». Lee Han-gi du Digital Sexual Crime Out suit le procès avec attention car il pourrait donner lieu, selon elle, a un véritable basculement. « Il faut une condamnation sévère qui fasse jurisprudence et que les victimes osent davantage dénoncer ses actes. En France, vous avez eu le mouvement ‘balance ton porc’ et c’était assez surprenant pour nous en Corée car cela vise directement les assaillants. Nous attendons la même chose ici ».
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