Le collectif Sauvons les riches déclare le bling-bling hors la loi. Ces nouveaux militants se sont invités chez le jeune Sarko. Ambiance.
Jean Sarkozy est un grand malade. A 23 ans, il est le plus jeune conseiller général (UMP) de France, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) dans l’ancien fief de son papa. Ce n’est pas l’amour que le jeune homme a reçu en héritage mais la République et le carnet d’adresse des riches amis de Nico. Le pauvre. « Sauvons les riches », un collectif de jeunes militants altruistes l’a pris en pitié et s’est donné comme mission d’émanciper ce symbole de la France des héritiers pour qu’il renonce à sa « vie clinquante, vulgaire et tellement triste ».
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Mercredi 22 avril, XVI arrondissement de Paris. « Le Dauphin de la place Dauphine » est l’invité d’honneur du déjeuné du Rotary-Club, club select où le gratin se réunit pour organiser ses œuvres de charité. Une dizaine de membres du collectif déguisée en jeunes UMP, suivis de nombreux journalistes, entrent sans problème dans le pavillon pour remettre au fils sarko « un diplôme de fils à papa mention Balkani » et un « kit de survie pour retour sur terre » composé, entre autres, des exemplaires de Sois stage et tais-toi (2006, La Découverte) et Des nouveaux militants (2008, Les Petits matins), un ticket de métro, de resto U, des pâtes, du shampoing aux œufs premier prix, un formulaire d’aide au logement de la CAF.
L’entrée du groupe au son de « Dallas ton univers impitoyable » saisie la centaine de convives –en majorité des hommes de plus de 60 ans- et les fourchettes s’immobilisent autour du saumon en sauce. Jean Sarkozy, qui trône au dessus de l’assemblée, est rapidement entouré pour les militants et les journalistes. « Minable, minable !!! », crie sa mère pendant que le groupe scande « Libérez Jean Sarkozy ! ». Des « dehors ! », « cassez-vous ! », « voyous !» fusent de la salle. « Attention avec vos photos, j’ai déjà gagné deux procès pour atteinte au droit à l’image », menace une huile. Un autre lance des miettes et tente d’en insérer dans la bouche d’une journaliste. Après avoir accepté son diplôme en souriant, Jean Sarkozy lance : « Bien joué ! Parce que j’ai fait un peu de théâtre, je vous ai senti impressionné mais quand on laisse un peu trop monter la voix c’est qu’on n’est pas très sur de soi ». Puis ajoute : « Mais je vois que tous vos amis là, je sais pas si vous avez pris les étiquettes de France Inter ou Dimanche + mais sinon j’ai l’impression qu’ils n’ont pas grand-chose à faire, parait-il que c’est les vacances… ». Interpellé sur les inégalités sociales, il répond : « Il faut savoir que si certains sont riches, c’est parce qu’ils ont beaucoup travaillé »… Au bout d’une quinzaine de minutes, le petit groupe est poussé dehors assez brutalement. « Est-ce que quelqu’un qui va bien va manger avec 140 vieux ? », lance ironiquement Manuel Domergue avant d’ajouter : « Aujourd’hui en France pour réussir, il faut être le fils de quelqu’un, c’est triste et antidémocratique ».
Ces militants sont des professionnels des nouvelles formes de militantisme. Ce sont les fondateurs de Jeudi noir, qui dénoncent le mal-logement chez les jeunes, et de Générations Précaires, qui attire l’attention sur la condition des stagiaires. Leur dernier né, « Sauvons les Riches », est une nouvelle machine d’interpellation médiatique. « On en avait marre de fournir des mal-logés, des stagiaires, marre du regard misérabiliste sur les précaires. On a voulu changer les projecteurs de direction et montrer qu’une vie ne se réduit pas au porte monnaie », rapporte Manuel Domergue. Avant le fils Sarko, ils avaient jeté leur dévolu sur un autre grand malade : le publicitaire Jacques Séguéla. Cette figure emblématique des années frics des années 80 s’est très bien adaptée au style bling bling et néobeauf du Président. Ce conseiller et entremetteur de Sarkozy – il lui présenta Carla Bruni -, est l’auteur de cette phrase mythique (13 février, France 2) : « A 50 ans, si on n’a pas une Rolex, on a raté sa vie ». Et ce, au moment où une crise économique – dûe en grande partie à une répartition inégalitaire des richesses, poussant les pauvres à s’endetter et les riches à en vouloir toujours plus -, privent d’emploi des milliers de personnes.
Derrière le grand guignol, le message politique du collectif désigne un coupable à la maladie de notre civilisation : l’accumulation de richesse qui détruit la planète. « Le mode de vie imposé par les riches crée une compétition de consommation délétère qui met en danger les relations sociales et celle de l’homme avec la nature. Il faut sortir du côté consensuel du développement durable qui a un côté culpabilisateur pour les smicards et pointer du doigt les gros pollueurs : les riches », explique Manuel Domergue. C’est aussi toute la politique fiscale de Nicolas Sarkozy qui est pointé du doigt. Alors que depuis dix ans, elle est favorable aux plus aisés, sa loi TEPA largement aggravé la situation. Elle a vidé de sa substance l’ISF et réduit les droits de succession des plus riches, rétablissant ainsi un capitalisme héréditaire. Soit l’inverse de la valeur travail et du mérite que Sarkozy prône auprès des classes populaires pendant que ses riches amis sont exonérés. Ainsi, selon Guillaume Duval (alternatives-economiques.fr, 17 mars) : « [Le bouclier fiscal] a permis aux 3 506 contribuables les plus aisés de toucher un chèque de l’Etat de 116 193 euros en moyenne chacun, soit le tiers des impôts qu’ils ont versés. Alors que le revenu médian des ménages français était de 25 136 euros en 2005 ».
Texte : Anne Laffeter
Photos : Renaud Monfourny
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