Selon le quotidien régional “L’Ardennais”, une collégienne musulmane de 15 ans, Sarah K., aurait été exclue à deux reprises de son collège à Charleville-Mézières au motif qu’elle portait une jupe trop longue. Depuis, des internautes lui apportent leur soutien sur Twitter sous le hashtag #JePorteMaJupeCommeJeVeux.
La photo publiée par L’Ardennais montre une jeune fille souriante, portant un voile et une jupe longue, tous deux noirs, assortis d’une veste rose poudrée. C’est Sarah K., 15 ans, scolarisée au collège Léo Lagrange de Charleville-Mézières (Ardennes). Selon le quotidien régional, l’adolescente se serait vu exclure à deux reprises de son établissement. Non pas, comme on pourrait le croire, pour le port du voile, qu’elle enlève « tous les matins avant d’entrer au collège » assure-t-elle, mais en raison de sa jupe, jugée « trop longue » par la principale du collège Maryse Dubois.
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Dans un courrier adressé le 24 avril aux parents de la jeune fille, que s’est procuré le quotidien, la principale de l’établissement se réfère à la loi sur la laïcité à l’école et affirme que le « caractère religieux [de la jupe] est manifeste », et demande donc de « faire rectifier la tenue vestimentaire de la jeune fille [s’ils] souhaite[nt] qu’elle poursuive sa scolarité au collège ».
Que dit la loi ?
La loi sur la laïcité votée en 2004 dispose que “dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit”. Dans quelle mesure une jupe longue constitue-t-elle un signe ostensiblement religieux? Interrogé par Buzzfeed France, Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité auprès du Premier ministre Manuel Valls, n’est pas convaincu:
“Ce que dit la loi de 2004 c’est que les signes et tenues qui sont portés pour revendiquer une appartenance religieuse sont interdits. On pense évidemment au voile, à la kippa, à une grande croix, à un turban sikh ou une tenue de moine bouddhiste. Une jupe noire ne contrevient donc pas à la loi à priori.”
Sarah K. ne comprend pas non plus la décision de sa principale. Elle raconte à L’Ardennais avoir acheté sa jupe « chez Kiabi, pour deux euros« , et ne rien lui trouver « de particulier »:
« Elle est toute simple, elle n’a rien d’ostentatoire. Il n’y aucun signe religieux du tout. »
Le collège n’a pas répondu à nos appels. Le rectorat de Reims dément, lui, toute exclusion de la collégienne dans un communiqué diffusé ce mardi 28 avril au soir:
“Au collège Léo Lagrange, si des élèves ont été invités à changer d’attitude et de tenue, aucun n’a été exclu. Un courrier a été rédigé à destination d’une des familles, qui est avant tout une invitation au dialogue et encourage la famille à venir rencontrer l’équipe éducative au retour des congés de printemps.”
L’Académie assure privilégier « le dialogue de tous les instants avec les élèves et leur famille », même si elle admet que « dans ce travail quotidien avec un public adolescent, il est parfois difficile de distinguer simplement ce qui relève du port ostentatoire de signes religieux de la provocation ou de la tentation d’éprouver les limites des règles communes ».
#JePorteMaJupeCommeJeVeux
En attendant, l’incompréhension gagne Twitter. Mardi 28 avril en fin d’après-midi, le hashtag #JePorteMaJupeCommeJeVeux se classait en numéro un des « Tendances » du réseau social. Parmi les tweets postés:
Vous estimerez, en l’argumentant, le degré d’ostentation de ces jupes. Vous avez 2h. #JePorteMaJupeCommeJeVeuxpic.twitter.com/2spl6ALny3
— Sihame Assbague (@s_assbague) 28 Avril
#JePorteMaJupeCommeJeVeux Bah alors H&M vous vendez des signes religieux maintenant? Mdrr ça devient du n’imp quoi 😂 pic.twitter.com/AU87GraJeC — サクラ (@MumyOfDragon) 28 Avril 2015
#jeportemajupecommejeveux A quand l’interdiction des dessins animés dysneys pour port de jupes longues? pic.twitter.com/DQe0yl49ks
— avocat de la street (@avocat2lastreet) 28 Avril 2015
Selon la principale du collège Léo-lagrange, Marine Le Pen s’est converti a l’islam #JePorteMaJupeCommeJeVeuxpic.twitter.com/UYrKXiqo4X
— Mar1TCP (@Mar1TCP) 28 Avril 2015
A l entree de tous les lieux publics? #JePorteMaJupeCommeJeVeuxpic.twitter.com/9IUNSUO03U
— Vanneur (@Vanneur) 28 Avril 2015
De nombreux précédents
D’après le Collectif contre l’Islamophobie en France (CCIF), le cas de Sarah K. serait loin d’être isolé. Un rapport publié en mars 2014 relate plusieurs incidents similaires impliquant des lycéennes dans divers établissements scolaires français.
Au début du mois, le Midi Libre racontait que le collège Les Garrigues à Montpellier avait invité vingt jeunes ados musulmanes à se changer après qu’elles se soient présentées en robes longues. L’académie de Montpellier expliquait alors; « Il n’est évidemment pas interdit de porter une jupe. Le problème, c’est que c’était un vêtement dont les jeunes filles disaient elle-mêmes qu’il s’agissait d’un signe religieux« .
En 2012 déjà, Le Parisien rapportait le cas d’une jeune lycéenne d’Edmond-Rostand à Saint-Ouen-l’Aumône, qui se serait vu prier d’aller se changer après être venue en cours vêtue d’une longue jupe noire. Si la proviseure avait alors démenti l’exclusion au motif d’une tenue vestimentaire jugée ostensiblement religieuse, l’inspection académique avait concédé des « remarques » adressées à l’élève:
« Certes, elle enlève son voile avant d’entrer dans l’établissement, mais cela fait partie de l’éducation de faire des remarques aux élèves dont la tenue est provocante, comme pour une jeune fille qui vient à l’école le ventre à l’air. Ici, c’est plutôt une tenue qui rappellerait une croyance. Cela fait aussi partie du rôle de l’Education nationale de rappeler un certain nombre de principes comme la décence, le respect des personnes, qui nécessitent une tenue correcte. C’est vraiment dans un but éducatif. »
Un an plus tard, Sirine, 15 ans elle aussi, avait été exclue de son collège à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne) pour s’être présentée à plusieurs reprises vêtue d’une longue jupe, une partie des cheveux masqués par un bandeau de 10 centimètres. L’affaire avait alors fait grand bruit, ses parents se pourvoyant en justice, et le sociologue Marwan Mohammed lui adressant une lettre de soutien dans les colonnes de Libération. La jeune fille avait finalement pu intégrer un autre établissement scolaire afin de finir sa scolarité et d’obtenir son brevet des collèges.
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