En France, de plus en plus d’enfants étrangers sont enfermés dans des centres de rétention. Le mois dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Etat pour détention « inhumaine » et « dégradante » de réfugiés mineurs.
Entre les murs des Centre de rétention administratif (CRA) et des Zones d’attentes (ZA), dans ces « prisons pour étrangers » conçues pour accueillir les enfants parfois nés sur le territoire français avec leurs parents sans papiers ou en attente de régularisation, le nombre d’ enfermements de mineurs a doublé en cinq ans. Pour atteindre 874 cette année.
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Une dérive récemment épinglée par la Cour européenne des droits de l’homme. Le 19 janvier, la CEDH a ainsi condamné la France pour « traitements considérés comme inhumains et dégradants » infligés à deux enfants de 3 ans et 5 mois d’un couple de sans-papiers kazakhs placés en rétention. La Cour de Strasbourg a estimé que:
« Les conditions de vie des enfants des requérants, une fillette de trois ans et un bébé (…), ne pouvaient qu’entraîner une situation d’angoisse et de graves répercussions psychiques. »
Fils barbelés, hauts murs, policiers: les 27 CRA de France se ressemblent tous et on y est accueilli selon le même rituel. « Organisées la plupart du temps au domicile et très tôt le matin, les interpellations des familles, qui surprennent enfants comme parents dans leur sommeil, sont une véritable épreuve. Afin de réussir leur prise, les agents de police emploient parfois des moyens disproportionnés et des méthodes brutales » a expliqué Brigitte Espuche, de l’ANAFE, lors d’une réunion publique organisée par l’Observatoire de l’enfermement des Etrangers (OEE) et RESF (Réseau éducation sans frontières), le 6 février.
Isolées dans leur cellule de 10m2, les familles attendent que les juges décident de leur sort, parfois jusqu’à 45 jours:
« On ajoute juste un lit simple pour l’enfant et des jeux sont fixés au sol. Pas de pédiatre ni d’assistante sociale. Et surtout aucun moyen de continuer sa scolarité. »
Marie Rose Moro, psychiatre et psychanalyste, dénonce les répercutions de ces détentions sur les enfants:
« Ils perdent quelque chose de fondamental pour se développer qui est la confiance dans les adultes et dans le fait que les adultes sont capables de les protéger. »
Humainement et juridiquement contestable, cette pratique passe outre les principes et avis des conventions et cours de justice internationales:
« Dans la convention des droits internationaux de l’enfant, il est stipulé que l’intérêt supérieur des enfants doit primer et la privation de liberté d’un mineur doit être la plus brève possible », précise RESF.
Toujours selon RESF, la communauté rom représente la moitié de ces enfermements de familles ainsi que des expulsions express, minutieusement préparées pour les demandeurs d’asile déboutés.
Autre lieu d’enfermement des enfants étrangers, les Zones d’Attente (ZA), des sas situés dans les aéroports ou aux frontières terrestres ou maritimes, pour récupérer les mineurs avant qu’ils ne foulent le sol français. Ce qui est également juridiquement contestable:
« En France, la loi veut qu’aucun mineur ne soit expulsé du territoire. Or, la zone d’attente n’est pas considérée comme portion du territoire français. Un mineur en zone d’attente n’a donc pas encore foulé le sol français, il peut ainsi être refoulé à tout moment », précise Brigitte Espuche.
Une situation en contradiction flagrante avec le principe de protection des mineurs contre l’éloignement, qui témoigne d’une incohérence contre le législateur. Pour Brigitte Espuche « Au vu de la situation de danger à laquelle sont exposés les enfants isolés, en aucun cas ils ne devraient faire l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire. »
Aujourd’hui, la France est l’un des derniers pays européens à utiliser ce système de gestion des étrangers. « Même l’Autriche, pourtant pas un modèle en matière de droits des étrangers, n’enferme pas les familles mais les assigne à résidence dans des foyers », conclut RESF.
France Ortelli
Article mis à jour le 02/03/12 à 16h30: Ajout de précisions dans les citations de Madame Brigitte Espuche.
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