Alors que Xavier Darcos et Eric Besson ont annoncé ce weekend leur intention de lutter contre le travail illégal des sans-papiers, jusqu’à la fermeture des entreprises qui les emploient, Cécile Poletti de la Cimade fait le point sur le mouvement social qui dure depuis un mois.
Depuis un mois, les grèves de travailleurs sans-papiers se multiplient, sans vraiment trouver d’écho. Où en est le mouvement, auquel participent plusieurs associations et syndicats ?
Les médias ont eu l’impression que nous étions dans la continuation du mouvement de 2008, alors qu’on est sur un mouvement de beaucoup plus grande ampleur, avec des revendications différentes. Il y a quand même cinq mille grévistes répartis sur quarante sites. L’an dernier, nous demandions la régularisation des grévistes. Mais comme il n’y a jamais eu de texte clair, avec des critères clairs, sur la régularisation par le travail, on nageait dans l’arbitraire et le cas par cas. Quelques régularisations ont eu lieu en Ile-de-France, très peu ailleurs. Aujourd’hui, nous demandons un texte qui permette la régularisation des travailleurs sans papiers, grévistes ou non. Nous désirons des critères améliorés, simplifiés, cohérents sur l’ensemble du territoire national pour que tout le monde soit traité de la même manière. Et comme la question touche au travail, il fallait absolument lier le ministère concerné à cette discussion. Le ministère de l’immigration a des compétences sur tout ce qui concerne la régulation des flux migratoires, mais n’y connaît pas grand-chose en droit du travail.
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Les deux ministres viennent justement d’annoncer le renforcement des sanctions contre les entreprises qui emploient des sans-papiers. Est-ce une bonne manière de protéger ces travailleurs illégaux ?
Ces annonces donnent l’impression que les revendications des associations s’opposent aux employeurs. Mais c’est le gouvernement qu’on interpelle. La première chose serait de régulariser les personnes qui travaillent déjà, et ensuite de créer un système où les employeurs pourraient demander la régularisation avant qu’une personne commence à travailler dans l’entreprise.
La régularisation par le travail est prévue par une circulaire de 2008, qui vient d’être invalidée par le Conseil d’Etat. Une nouvelle version devrait paraître dans les jours à venir. Qu’est-ce qui va changer ?
L’ancienne circulaire donnait une liste de métiers ouverts extrêmement restrictive. Peu de travailleurs sans papiers rentraient dans ces critères. Après la négociation qui a duré un mois, Eric Besson a proposé un nouveau texte, qui présente de graves insuffisances. Il prévoit que la durée de présence requise en France soit de cinq ans, ce qui nous semble excessif. La possibilité de régularisation serait réservée aux seuls travailleurs déclarés, et l’exclusion des travailleurs algériens et tunisiens demeure, ce qui est très discriminatoire. Et le ministre se base toujours sur l’idée des « métiers en tension », sur laquelle il peut y avoir divergence. Pour juger si les métiers sont en tension, le ministère se base sur les statistiques de l’emploi. Ça n’a pas vraiment de sens : il se peut qu’un secteur ne soit pas en tension dans une région donnée tout simplement parce que des travailleurs sans-papiers y sont employés en grand nombre. C’est le serpent qui se mord la queue. Pour nous le nouveau texte est insatisfaisant et le mouvement de grève ne se terminera pas.
Eric Besson prévoit qu’avec cette nouvelle circulaire, environ mille salariés seront régularisés. Comment peut-il le prévoir ?
Il annonce des chiffres pour bien montrer qu’on ne régularise pas tout le monde. Evidemment les travailleurs sans papiers sont bien plus que mille ! Il faut arrêter d’être hypocrite : des pans entiers de l’économie ne fonctionneraient plus si les entreprises où travaillent des sans-papiers fermaient. C’est juste de l’affichage, et ça montre qu’on risque de retomber dans l’arbitraire le plus complet s’il faut choisir mille personnes. Ce sont des déclarations assez graves en termes d’égalité devant la loi.
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