Depuis début novembre, les anciens locaux du Social Club accueillent l’expérience inédite de Salò, un espace protéiforme qui promet de faire tomber la barrière entre club et galerie grâce à un concept simple : inviter chaque semaine un artiste underground à repenser le lieu, son décor et son contenu.
À deux pas des grands boulevards parisiens, le 142, rue Montmartre est une adresse familière pour tous les oiseaux de nuit de la capitale. Car c’est ici, depuis 2008, que défilait tout un pan de la jeunesse parisienne, celle des labels Ed Banger, Bromance ou ClekClekBoom, qui redécouvrait le clubbing à une époque ou la Concrete n’existait pas encore.
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Pourtant, en descendant une à une les marches de l’ancien Social Club, force est de constater que le lieu a fait table rase du passé et qu’il n’est pas question d’ériger ici un énième temple de la nostalgie. Loin des nuits fluo des débuts du Social Club, le 142, rue Montmartre vibre dorénavant sur des tonalités plus sombres, comme le rappelle son nom en référence au classique sulfureux de Pier Paolo Pasolini : Salò. “Ce film est probablement l’un des films les plus libres de Pasolini. Et pour tous les artistes avec qui nous comptons travailler, c’est une référence d’un avant et d’un après dans leur création. Ce nom était donc assez logique pour nous”, affirme d’ailleurs l’équipe de direction du lieu.
Les 120 nuits de Salò
“Salò est un club artistique dédié à la sous-culture et à la contre-culture. L’idée est donc d’amener une réflexion différente. Artistiquement, la première personne à laquelle on a pensé était par exemple Gaspar Noé. On a donc beaucoup parlé avec lui quand on a construit le projet. Nous avions aussi en tête un club new-yorkais qui s’appelait l’Area et qui a vécu quatre ans dans les années 80. Son concept était de changer entièrement de décor et d’atmosphère toutes les six semaines. Nous avions, nous aussi, envie d’être dans cette énergie de décor et de mise en scène”, explique Coralie Gauthier, directrice artistique du club.
Le pari est donc pris d’inviter 40 artistes le temps de 120 nuits. Le jeudi, vendredi et samedi soir, l’un d’entre eux a donc carte blanche pour repenser le contenu du club, mais aussi l’intégralité de sa scénographie et de son atmosphère. Un travail d’aménagement colossal pour l’équipe du Salò, comme le précise Arnaud Frisch, propriétaire du lieu mais aussi du Wanderlust, de Nuits Fauves ou du Silencio : “On est à 5 ou 6 rendez-vous par artiste. On a aussi un travail de contenu à faire puisque nous avons 20 écrans sur place de manière permanente et que ce que proposent les artistes dans leur carte blanche change d’un jour à l’autre. Nous avons aussi décidé d’ouvrir le club dès 21 heures afin d’avoir un public assez large qui puisse venir autant pour l’expo que pour faire la fête à 2 heures du matin. »
Mafé et perruques de Lady Gaga
Par son principe de transformation hebdomadaire, Salò est donc par essence un lieu à l’identité changeante, à cheval entre club et galerie. Lors d’un week-end de pré-ouverture fin octobre, le réalisateur Abel Ferrara a par exemple décidé de faire descendre la rue dans le club en conviant des groupes syriens, des gens du cirque, des adeptes du voguing ou des sapeurs. “Il voulait que ce soit un souk. Et du coup, il y avait même un stand de mafé et de poulet yassa !” se souvient Coralie Gauthier. Un joyeux bordel à mille lieues de l’atmosphère crue et minimaliste qu’a installée une semaine plus tard le photographe français Antoine d’Agata avec son travail questionnant le sexe, l’errance et la prostitution.
Exigeante et référencée, la programmation du Salò ne cesse d’ailleurs de s’agrémenter de noms qui promettent d’en faire un lieu rapidement incontournable dans les nuits de la capitale. Pour la toute fin décembre, c’est par exemple l’artiste coiffeur Charlie Le Mindu (connu notamment pour son travail avec Lady Gaga) qui s’installera au Salò, avant de laisser sa place à Larry Clark du 12 au 14 janvier puis à Christophe Honoré du 9 au 11 février. Une programmation qui devrait d’ailleurs s’étoffer très vite de nouveaux invités venus du cinéma, de la musique, de la mode ou autres. “Le point commun des artistes qui passeront ici est surtout d’être plus libres que les autres dans leurs moyens d’expression, dans leurs manières de tenter, d’essayer des formes”, explique Coralie Gauthier. Une chose est sûre : à l’image des artistes qu’il invite, le Salò aura en tout cas réussi à être un club plus libre que les autres.
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