Jouissant d’une bonne santé financière, Rue89 en profite pour sortir un mensuel en kiosque. L’affirmation d’une stratégie multimédia et la conquête d’un nouveau lectorat.
La petite galaxie des pure players de l’info, ces journaux qui n’existent que sur le web, vient de perdre un peu de sa pureté : depuis le 16 juin, Rue89 se décline aussi en kiosque, une fois par mois, sur une centaine de pages pour 3,90 €.
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Contrairement à Bakchich qui s’était lancé dans l’aventure imprimée en septembre pour essayer de redresser des finances au plus bas (jusqu’ici sans succès, puisque le titre, après un redressement judiciaire, suit un plan de continuation), Rue89 ne joue pas son avenir chez le marchand de journaux. C’est au contraire fort d’une santé florissante que l’entreprise Rue89 se diversifie. La marque, qui vit pour moitié de la pub et pour moitié de prestations de service web et de la formation, “sera à l’équilibre dès l’année prochaine, avec ou sans le mensuel”, affirme son président, Pierre Haski.
[attachment id=298]Si le site “reste le navire amiral de l’aventure”, le mensuel, un moyen format, reprendra principalement des articles du site “remaniés pour être adaptés à ce contrat de lecture différent”, raconte Pierre Haski. C’est-à-dire réécrits, notamment pour pallier l’absence de liens hypertextes ou transcrire le contenu d’interviews vidéo. Mais il proposera aussi des contenus originaux, comme un portfolio ou des infographies.
“Beaucoup de nos lecteurs ne viennent que deux fois par mois sur le site et ratent donc 90% des contenus. La version papier leur donne une deuxième vie et permettra de toucher un nouveau public”, explique Haski.
Et sans doute aussi d’attirer quelques annonceurs. Les riverains de Rue89 (la communauté des lecteurs) ne seront pas exclus de cette transposition. Très présents sur le site, ils le seront un peu sur le mensuel, à travers une sélection des commentaires et la présence de certains blogueurs. Objectif de ventes minimum : 20 000 exemplaires, pour un tirage de 80 000.
“Le titre ne prend pas un gros risque économique”, analyse Danielle Attias, spécialiste de l’économie de la presse en ligne. “Avec ce mensuel, Rue89 étale son savoir-faire, devient un vrai concurrent des médias traditionnels et un acteur véritablement multimédia, sans avoir à débourser tellement d’argent”, explique-t-elle.
Cette stratégie de diversification des supports et des revenus dessine un nouveau modèle pour la presse et rend encore un peu plus poreuse la frontière entre journal en ligne et journal papier. A l’image d’autres pure players, comme Mediapart, qui fait aussi entrer aujourd’hui l’imprimé dans son équation éditoriale et économique. D’abord avec un trimestriel dont les précédents numéros ont connu un certain succès en kiosque (près de 15 000 exemplaires pour le premier). Ensuite avec des livres, comme N’oubliez pas ! Faits & gestes de la présidence Sarkozy, parmi les meilleures ventes d’essais en librairie.
La librairie apparaît justement comme une planche de salut possible pour l’information – comme le laisse espérer le succès de la revue XXI –, alors que la distribution en kiosque connaît une crise sans précédent (pas résolue par les Etats généraux de la presse) et que Presstalis, qui assure 80% de la distribution des journaux en France, en faillite, vient d’échapper au dépôt de bilan.
Quoi qu’il en soit, il y a une phrase du président du New York Times, Arthur Sulzberger, que Pierre Haski aime bien répéter :
“Nous sommes agnostiques en terme de supports, l’important c’est ce que l’on a à dire.”
Ne reste plus qu’à trouver un modèle viable pour se faire entendre.
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