Les citoyens européens qui vivent et travaillent au Royaume-Uni sont de plus en plus nombreux à demander la nationalité britannique. Une mesure de précaution pour ces immigrés qu’une éventuelle sortie de l’UE pourrait affecter.
Certains y viennent pour apprendre la langue ou expérimenter la vie dans un pays étranger. D’autres pour trouver un travail ou suivre leur conjoint. Et puis il y a ceux qui ont profité du programme Erasmus et qui ne sont jamais repartis. Parmi ses 64 millions d’habitants, le Royaume-Uni compte quelques 2,3 millions de ressortissants de l’Union Européenne. C’est le deuxième pays, après l’Allemagne, qui attire le plus de citoyens européens. Et aujourd’hui, ces ressortissants commencent à s’inquiéter d’une éventuelle sortie de l’Union européenne.
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En 2010, le Premier ministre avait promis de diminuer le solde migratoire net: c’est un échec, il a atteint un niveau record en août ( +329 000 personnes) . Un chiffre qui n’aidera pas l’occupant du 10 Downing Street à convaincre les électeurs de ne pas choisir la voie du « Brexit », c’est à dire la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, lors du référendum promis sur la question, d’ici 2017. L’élection de Jeremy Corbyn, à la tête du parti travailliste ne lui facilite pas non plus la tâche: le nouveau leader de la gauche n’exclut pas de faire campagne en faveur d’une sortie. Les immigrés européens n’auront pas leur mot à dire: le vote sera réservé aux Britanniques.
« C’est très cher, plus de 1000 pounds »
Selon une enquête du Guardian, »des milliers » de citoyens européens, « alarmés » par la situation, demandent la nationalité britannique. Les chiffres du Migration Observatory indiquent que les demandes de naturalisation sont en hausse depuis quelques années, malgré une baisse en 2014 due à un changement de procédure. « On s’attend à une nouvelle augmentation » précise la directrice de l’organisme, Madeleine Sumption.
« C’est quelque chose que j’avais en tête depuis un moment, j’en parlais sans faire les démarches, explique Nathalie, 44 ans, qui vient d’entamer le processus de naturalisation. J’entends de plus en plus de discours anti-européens et je veux continuer à vivre ici sans avoir besoin d’un visa ».
Mieux vaut s’y prendre maintenant car la nationalité britannique ne s’obtient pas en un claquement de doigts. « C’est très cher, plus de 1000 pounds« , continue la Française installée au Royaume-Uni depuis 19 ans. « C’est très long, ça prend neuf mois, surtout pour une famille, c’est encore plus compliqué« , ajoute Sonia*, une Franco-italienne qui passe le pas avec son mari italien et ses deux enfants français. Les prétendants à la nationalité britannique doivent avoir vécu au moins 5 ans dans le pays. Ils sont soumis à un test d’anglais oral et à un QCM, basé sur le livre Life in the United Kingdom.
« Ça vaut le coup », renchérit Maria*, une italo-brésilienne de 37 ans qui n’a pourtant pas l’intention de rester ad vitam aeternam en Albion :
« C’est un droit que je n’ai pas envie de perdre, explique cette responsable commerciale. Je suis arrivée fin 2009 car je ne trouvais pas d’emploi en Italie. Si le Royaume-Uni quitte l’UE, les européens n’auront pas la priorité sur le marché du travail, c’est ce que je crains« .
Stephanie Zihms, originaire de Brême, a débarqué à Glasgow en 2005 dans le cadre de ses études et n’a jamais quitté le sol britannique. Elle a désormais un poste à l’université de Strathclyde à Édimbourg et son contrat se termine en 2018.
« Que va-t-il se passer s’ils mettent en place un système de points pour le travail ? Comment vont-ils distribuer les aides sociales ? Si je perds mon emploi, prendront-ils en compte le fait que j’ai vécu et travaillé ici pendant 10 ans ?, se demande-t-elle. On parle beaucoup des conséquences du Brexit sur l’économie, mais jamais de l’impact sur le plan personnel ».
162 000 ressortissants de l’UE ont traversé la Manche
Auront-ils le même statut que les ressortissants norvégiens qui bénéficient de la libre circulation de l’Espace économique européen ? Ou auront-ils, comme les indiens, besoin d’un permis de travail et d’un visa ? « Tout dépendra de la relation que le pays entretiendra avec l’UE », peut seulement dire Madeleine Sumption. « Si nous perdons la libre circulation, ceux qui veulent venir travailler verront une grosse différence« .
Or, entre mars 2014 et 2015, 162 000 ressortissants de l’UE ont traversé la Manche pour des raisons professionnelles selon l’Office for National Statistics. 39% n’avaient pas de travail et espéraient sans doute trouver un petit boulot dans ce pays où le taux de chômage a de quoi faire pâlir ses voisins (5,4% en février 2015, contre 10,5% en France).
« Je vois très peu de futur pour mes enfants en France », explique Sonia. « Je pense que c’est un service à leur rendre et peut-être à me rendre. On a beau être des européens privilégiés, on reste des immigrés« .
* les prénoms ont été modifiés
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