Après les espoirs suscités lors de son arrivée au pouvoir au Maroc en 1999, le règne de Mohammed VI a suivi une dérive autoritaire, marquée par la corruption et la censure. Un documentaire incisif.
Depuis son accession au trône, en 1999, à l’âge de 35 ans, le roi Mohammed VI fait souffler le chaud et le froid sur le Maroc. Après le règne autoritaire de son père Hassan II, le jeune roi avait au début des années 2000 promis à son peuple une somme de réformes sociales et politiques concernant par exemple le code de la famille, avec l’octroi de nouveaux droits aux femmes.
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Cultivant une image de roi modernisateur, soucieux d’inscrire le Maroc dans la voie du progrès économique, il se fait même baptiser “roi des pauvres” au vu de l’empathie qu’il affiche avec les nombreux citoyens sans ressources. Mais, comme l’analyse Jean-Louis Pérez dans une solide enquête, cette espérance s’est vite évaporée dans un retour aux sources paternelles.
Le roi s’est transformé en une sorte de super chef d’entreprise
Interrogeant plusieurs spécialistes de la vie politique et économique marocaine, dont des journalistes poussés à l’exil par le pouvoir, Pérez dresse un diagnostic implacable des dérives affairistes du régime de Mohammed VI. Entouré d’une nouvelle génération de conseillers, le roi s’est transformé en une sorte de super chef d’entreprise, par le biais de sa “holding royale” qui investit dans tous les secteurs de l’économie : les sujets de Sa Majesté sont devenus “ses clients”. Même l’armée, pilier du régime depuis qu’Hassan II lui a accordé une vraie autonomie, exerce un rôle économique opaque. Au Maroc, la corruption est “institutionnalisée”, remarque un observateur.
Au-delà de cet affairisme ostensiblement affiché par le pouvoir, la question de la liberté d’expression reste l’autre angle mort du règne de Mohammed VI. A l’appel d’air du début des années 2000 et à l’apparition d’une presse indépendante a succédé un verrouillage sans ménagement des circuits de diffusion d’une opinion critique.
Mohammed VI dans la lignée de son père, Hassan II
La récente affaire scabreuse autour d’un accord financier passé en échange de la non-publication d’une enquête à charge contre le roi, écrite par Eric Laurent et Catherine Graciet (qui avoue ici, pas fière, avoir eu envie de toucher un million d’euros contre son silence), a rappelé combien le régime marocain contrôle de près les paroles critiques.
Si un tel arrangement n’aurait jamais été accepté par un écrivain comme Gilles Perrault, auteur en 1990 d’une enquête retentissante sur Hassan II, Notre ami le roi, il ne peut pour autant occulter la triste vérité du régime de Mohammed VI qui, après avoir fait miroiter le contraire, est resté accroché aux rites et aux dogmes autoritaires de son père.
Roi du Maroc, le règne secret documentaire de Jean-Louis Pérez. Jeudi 26, 23 h 25, France 3
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