Dans son documentaire “Rohingya, la mécanique du crime” diffusé sur Arte, ce mardi 22 octobre, le journaliste Gwenlaouen Le Gouil révèle les rouages du crime de masse perpétré contre les Rohingyas, la minorité musulmane en Birmanie.
Des meurtres de masse, des bébés jetés au feu, et des femmes violées. Nous sommes en 2017, et les Rohingyas – cette minorité musulmane en Birmanie – assistent, impuissants, à la destruction d’une part de leur ethnie. Dans un documentaire – qui sera diffusé lors d’une soirée consacrée aux Rohingyas sur Arte, ce mardi 22 octobre – Gwenlaouen Le Gouil dévoile les rouages bien huilés du massacre en Birmanie des Rohingyas, minorité musulmane dans un pays à 90 % bouddhiste. Quel rôle a joué le gouvernement et l’armée dans “ce nettoyage ethnique” ? C’est notamment à cette question que tente de répondre le grand reporter qui avait déjà enquêté sur les Rohingyas en 2015 et 2017.
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Pendant 62 minutes, ce documentaire glaçant réalisé en Birmanie, décrypte chaque étape d’un massacre prémédité. Grâce aux témoignages poignants de survivants et à l’éclairage de diplomates, de responsables humanitaires et d’universitaires, Gwenlaouen Le Gouil dresse le tableau de ce qu’il qualifie de “processus génocidaire”.
Un crime prémédité ?
En 2012, la première étape du massacre est lancée. Près de 120 000 Rohingyas sont chassés de leur village et conduits de force vers des camps, où ils y sont parqués. A l’été 2017, des soldats détruisent près de 500 villages, dans la région d’Arakan. Les habitations sont incendiées, des hommes sont tués en masse, des bébés sont jetés au feu et des femmes sont violées. A l’époque, ils sont près de 700 000 Rohingyas contraints de fuir vers le Bangladesh, comme le montrent d’impressionnantes images du cortège vu du ciel.
Gwenlaouen Le Gouil met aussi en lumière l’héritage colonial sur lequel ont surfé les autorités. Après la Seconde Guerre mondiale, et avant l’indépendance du pays en 1948, la minorité musulmane a choisi son camp : celui des colonisateurs, les Anglais. Depuis, d’après le réalisateur, un climat hostile planerait sur cette communauté.
Le monde opératoire du crime de masse de cette minorité fait froid dans le dos. “Ce nettoyage ethnique” – comme le nomme le réalisateur – a été commandité depuis les bureaux des généraux. Arrivés au pouvoir en 2011, ces autorités militaires tentent, à ce moment-là, “d’entamer une transition vers la démocratie, après 50 ans de dictature”.
Une “propagande anti-rohingyas” est également instaurée, ciblant notamment les plus jeunes. Dans un extrait vidéo tiré d’un documentaire réalisé en 2015, le prédicateur Ashin Wirathu tente de convaincre enfants et adultes bouddhistes en leur expliquant que l’islam est une religion dangereuse. “Les musulmans se marient et font des enfants avec des femmes bouddhistes pour devenir la majorité dominante en Birmanie”, leur assène-t-il. Sorte de « phase de stigmatisation » d’une propagande bien huilée d’un génocide, comme l’explique le journaliste.
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Pour comprendre comment l’instrumentalisation de cette haine a conduit à exclure près de 700 000 Rohingyas du territoire birman, Gwenlaouen Le Gouil est allé à la rencontre de victimes, réfugiées au Bangladesh ou dans des camps en Birmanie. Dans des entretiens bouleversants, on découvre, avec violence, comment les militaires ont incité les villageois à se saisir d’armes pour les massacrer ou comment les Rohingyas ont été privés d’accès aux soins et à l’éducation.
Que fait la communauté internationale ?
“La communauté internationale multiplie les prises de position pour dénoncer les crimes contre les Rohingyas mais côté justice il n’y a toujours rien”, commente le journaliste dans le documentaire.
Le réalisateur souligne le travail d’une femme : la rapporteuse spéciale des Droits de l’Homme pour la Birmanie, Yanghee Lee. Depuis 2014, cette diplomate coréenne est chargée de rendre compte de la situation alarmante du pays, quitte à se mettre à dos la dirigeante birmane, Aung San Suu Kyi, Nobel de la paix contestée à cause de son inaction face aux violences faites aux Rohingyas. Yanghee Lee rapporte que cette dernière l’aurait menacée de lui retirer son autorisation d’entrée en Birmanie si elle continuait d’alerter sur la situation.
Lors d’un discours devant le palais des Nations Unies de Genève, en mars 2019, la rapporteuse de l’ONU somme les autres pays d’agir et de cesser tout mutisme. D’après ses dires, les terres de la région d’Arakan seraient riches en ressources, notamment en uranium et nickel, et “pour les exploiter, il ne faut pas qu’il y ait des gens qui vivent là-bas”, explique-t-elle.
Au-delà de la déshumanisation des habitants, de la violence physique, des familles déchirées, le gouvernement a tenté – par sa politique – de réduire les Rohingyas au rang de citoyens de seconde zone, conclut le réalisateur.
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Rohingya, la mécanique du crime, de Gwenlaouen Le Gouil, sur Arte, le mardi 22 octobre, à 22h15. Et disponible jusqu’au 20 novembre sur Arte.tv
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