Dans le journal municipal de Béziers du mois d’août, une double-page se réjouit de la victoire judiciaire de la mairie sur la Ligue des droits de l’homme. Elle est illustrée par l’image d’un homme administrant une fessée à une femme. Plusieurs observateurs s’insurgent contre ce choix éditorial.
Mis à jour le 7 août à 14h : la secrétaire d’Etat aux droits des femmes, Pascale Boistard, accuse Robert Ménard de « banaliser les violences faite aux femmes » dans le Journal de Béziers.
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« Fessée judiciaire : visiblement, la LDH y prend goût ! ». Le titre s’étend en lettres jaunes sur une double-page du numéro d’août du journal municipal de Béziers. Il s’agit d’un article se félicitant de la victoire judiciaire du maire (Rassemblement Bleu Marine) de la ville, Robert Ménard, sur la Ligue des droits de l’homme, qui s’opposait à l’installation d’une crèche de la nativité dans le hall de l’hôtel de ville. Au titre revanchard et lourdement provocateur, il faut ajouter l’image, également forte : un homme administre une fessée à une femme avec sa chaussure. Elle est tirée du film Girl Shy (traduit en Français par « Ça t’la coupe »), avec Harold Lloyd, sorti en 1924.
« On rit très fort de voir un homme donner une fessée à une femme »
Cette double-page fielleuse n’a pas échappé à quelques observateurs soucieux de l’image des femmes dans les médias. Comme le secrétaire national du Parti de Gauche Alexis Corbière, originaire de Béziers. Il a relayé ces pages sur Twitter, soulignant l’humour misogyne qu’elles véhiculent :
A Beziers, dans le journal municipal de Menard on rit très fort de voir un homme donner une fessée à une femme pic.twitter.com/GwBw1BKt4g
— Corbiere Alexis (@alexiscorbiere) 6 Août 2015
A Béziers quand Ménard l’emporte contre la LDH, il fantasme et se dessine donnant la fessée à une femme en bikini pic.twitter.com/uIdZxOY6l2
— Corbiere Alexis (@alexiscorbiere) 6 Août 2015
« Banalisation honteuse des violences conjugales »
Dans la foulée, le collectif féministe « Les Effronté-e-s » a publié un communiqué s’indignant du fait que l’édile répande ses « fantasmes misogynes sur la place publique ». Le collectif n’apprécie guère la « métaphore d’une fessée infligée par un mari à sa conjointe » :
« Soulignons qu’il ne s’agit pas ici d’un jeu érotique en couple, mais bien d’une fessée punitive, puisque la métaphore veut illustrer l’humiliation de la LDH et non un quelconque plaisir que prendrait l’association en complicité avec son fesseur, ici l’homme violent qui représente… la Mairie ! »
Le choix éditorial du journal relève donc selon les « Effronté-e-s » d’une « banalisation honteuse des violences conjugales qui, en France, frappent une femme sur dix […] ».
Contactée par Les Inrocks, la co-fondatrice des « Effronté-e-s » Fatima Benomar explique que l’iconographie « sexiste » de ces deux pages et « d’autant plus choquante qu’il s’agit d’une mairie de France, censée assumer les valeurs de la République – Liberté, Egalité, Fraternité –, et qui est obligée d’aller chercher une vieille photo de la première moitié du XXe siècle pour illustrer cette scène ».
Les « méthodes d’homme des cavernes » de l’image
Celle-ci date en effet de 1924. Elle est issue de la comédie Girl Shy, un film muet dans lequel un célibataire timide écrit un livre de conseils aux gens timides comme lui pour trouver l’amour. Le chapitre 16, dont est tirée l’image, est intitulé : « Dans le cas d’une garçonne, j’utilise mes méthodes d’homme des cavernes ». C’est donc en la brusquant violemment qu’il conquiert la jeune fille délurée (voir à partir de 12 minutes 37 sur cette vidéo) :
Les « méthodes de l’homme des cavernes » semblent donc remises au goût du jour.
« Un journal transformé en fanzine d’extrême droite »
Contacté par Les Inrocks, le secrétaire national du PG Alexis Corbière voit cette double-page comme « une provocation parmi d’autres, dans un journal transformé en fanzine d’extrême droite, où Robert Ménard insulte tout le monde en affirmant qu’on ne peut soi-disant rien dire en France ». Au mois de mai, le journal de Béziers avait également fait polémique car il présentait l’actrice et chanteuse Louane Emera comme une “Lolita de souche”.
Dans la communication de la ville, l’affiche avec un pistolet, vantant l’armement des policiers municipaux avait également été remarquée. « Je fais un lien entre ce revolver et cette fessée, affirme Alexis Corbière. Ce sont des symboles violents, qui ne correspondent ni à ma conception de Béziers, ni à ma conception de la France ».
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