Digne cousin de Benoît Poelvoorde, voici François Damiens. Virtuose de la caméra cachée sur Canal+, le blagueur Belge fait une percée au cinéma dans La Famille Wolberg (photo).
Vous avez peut-être déjà vu François Damiens au cinéma dans Dikkenek, Taxi 4, Incognito, mais plus sûrement sur Canal+, dans ses caméras cachées sous le nom de François L’Embrouille, en tenue de gardien de musée ou en chauffeur de taxi, en train de martyriser un pauvre bougre. C’est très drôle, très dur aussi, ça tape fort et souvent juste.
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Le cas Damiens intrigue : génie, imposteur né, cinglé ? Il déboule dans la gare de Bruxelles-Midi, au bas de la voie numéro 7, avec des baskets, un jean étroit, une parka de ski un peu amochée, des cheveux fous et un sourire mitigé. “Il y a un mec qui m’a arrêté, je croyais que c’était Les Inrocks, alors j’ai commencé à lui parler mais c’était une sorte de dingue.” Il n’aime pas trop le monde alors il nous emmène dans un bar loungy qui jouxte la gare. “C’est marrant, on vous critique avec vos trucs un peu branchés à Paris ; mais à Bruxelles on vous emmène dans le même genre de lieux. Comme quoi, les Belges ne sont pas mieux…”
Un Schweppes en main, il commence à se raconter avec un grand naturel : “J’ai toujours vécu dans le même village, Lasne, à vingt kilomètres au sud de Bruxelles. J’ai suivi des études de sciences économiques puis de commerce, mais j’ai toujours voulu jouer la comédie. Petit, je faisais des caméras cachées non filmées, des blagues au téléphone. J’adorais ça. J’avais une blague récurrente : je me faisais passer pour le patron d’un magasin de chaussures, Le Godillot, et je disais aux gens qu’ils pouvaient venir chercher des santiags qu’ils n’avaient jamais commandées. Je faisais ça tout seul, sans aucun public, juste pour voir jusqu’où je pouvais aller.”
Après ses études, Damiens devient stagiaire à Strip-Tease, le fantastique programme de documentaire belge. Il y fait quelques reportages gratis, tout en bossant dans un théâtre. “Je me souviens d’un sujet sur un couple, lui était maquereau, elle prostituée. Ils faisaient des shows sexy au salon de l’érotisme, chez les gens ou dans des mariages, mais le but c’était de montrer qu’ils avaient une vie tout à fait normale à côté. Alors on les filmait à la communion de leur fille, chez le coiffeur…”
Avec Strip-Tease, Damiens peaufine son goût pour l’exploration des univers particuliers. “Je fais ça même dans mes caméras cachées. Ça n’est pas pour énerver les gens mais pour explorer des sociotypes et jouer avec les limites. Pour y parvenir, il faut pénétrer soi-même le milieu. On peut faire ça dans Strip-Tease comme dans une caméra cachée, même si l’un joue sur le réel et l’autre sur la fiction.” “J’aime me placer entre les deux, continue-t-il en tripotant son petit Schweppes avec sa grande main. J’apprécie d’avoir un petit ascendant sur les gens mais je n’aime pas le pouvoir évident. C’est pour ça que je ne suis pas forcément flic ou douanier, je préfère portier à l’entrée d’une boîte, ou taximan, ou tenancier de pressing. Je préfère quand il n’y a pas vraiment de statut, quand le personnage doit créer une sorte d’histoire autour de lui pour asseoir son autorité.”
François Damiens est un peu timide et ses caméras cachées servent à “transcender cette timidité”. Il n’avait pas prévu son succès dans ce domaine précis et farfelu de la télévision. “J’ai fini par travailler dans une émission de caméra cachée. J’en ai fait une, puis deux, puis trois. A la fin, je les faisais presque toutes. J’ai eu ma propre émission, puis Canal+ est venu me chercher.”
En Belgique, François Damiens est une star. Lors des quelques heures passées en sa compagnie, plusieurs personnes attraperont leur téléphone portable pour toper une photo avec lui. La majeure partie du temps, il vit à Lasne. Il ne supporte pas le côté showbiz car il a l’impression de n’avoir rien à dire. Son truc c’est plutôt la voile, en Bretagne ou en Corse. Il reconnaît n’avoir jamais vu Le Parrain ni La Grande Vadrouille mais n’en tire pas une fierté particulière. “Rester devant un écran, ça me fatigue un peu. Je préfère prendre ma bagnole et faire des tours. Je vais voir si mes potes sont chez eux. S’ils n’y sont pas, je reviens chez moi. Sur les 140 000 bornes au compteur de ma voiture, j’ai dû en faire 60 000 pour rien.”
François Damiens est un peu le cousin de Benoît Poelvoorde. “Quand j’étais jeune, je manquais les cours pour voir C’est arrivé près de chez vous, je connais les répliques par cœur.” Les deux hommes se connaissent : la première rencontre a eu lieu à 5 heures du matin dans un bar de Bruxelles. “Je lui ai dit une connerie du genre : “J’aimerais bien être toi”. La honte.” Comme Poelvoorde, Damiens a aujourd’hui la cote au cinéma. On l’a vu tenir de petits rôles dans des comédies grand public. Mais il préfère les projets plus fragiles comme La Famille Wolberg d’Axelle Ropert, où il joue le rôle d’un père veule (également maire du village) atteint d’un cancer incurable. Damiens y est parfait, jouant de sa tronche de Piccoli de kermesse. Le cinéma, pour lui, c’est l’avenir. “Je peux encore faire quelques caméras cachées mais on commence à me reconnaître. J’ai encore pris une patate l’autre jour !”
La Famille Wolberg d’Axelle Ropert
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