Depuis plus d’un an, la plate-forme de vente d’instruments de musique est présente en France. Volontiers old school, elle met en rapport des musiciens de tous les horizons
C’est un site qui porte bien son nom. Depuis son lancement en 2013, Reverb.com n’a cessé de faire écho, de la France à l’Angleterre en passant par l’Allemagne et l’Australie. Mais tout a commencé à Chicago. C’est sur l’aire de jeu de Cheap Trick et des Smashing Pumpkins que le serial-entrepreneur David Kalt a l’idée d’une vie : créer le eBay de la musique.
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S’être fait la main au sein du store spécialisé Chicago Music Exchange lui a fait comprendre que l’achat d’instruments sur le web a parfois tout du parcours du combattant. D’où l’envie de fonder une plate-forme super sécurisée où les initiés – c’est-à-dire les musiciens – vendraient directement leur matos, s’assurant une expérience d’utilisateur satisfaisante tout en privilégiant les bonnes occasions.
On y croise les Dandy Warhols, Mike Campbell ou Graham Nash
Avec, à l’arrivée, la possibilité de négocier les prix et l’avantage d’être en contact avec des gratteux qui n’en sont pas à leur première Fender. Résultat ? Cinq ans après la déferlante des premiers clics, Reverb.com cumule cinquante millions de pages vues par mois pour dix millions de visiteurs uniques, sans oublier les fidèles “suiveurs” abonnés aux réseaux sociaux et à la newsletter. Il est courant de voir des artistes s’incruster dans les studios de la boîte afin d’enregistrer une démo ou faire une interview. S’y sont croisés les Dandy Warhols, Mike Campbell ou encore Graham Nash.
“Le but, c’est que cela soit aussi simple d’acheter une pédale wah-wah au Japon qu’à Guingamp”, s’amuse Manuel Leray, responsable marketing de Reverb en Europe. Le ton rieur, notre interlocuteur, la trentaine, est un ex-métalleux reconverti dans le jazz et la nouvelle scène hip-hop, qui écoute aussi bien les Snarky Puppy et The Roots que Lomepal. Le Frenchie surveille l’exportation de la marque depuis la métropole nantaise.
Les “Artist Shops”, ou quand les vedettes se font vendeurs
Depuis son initiation en 2016, le “Territory Manager” est parti affronter le plus gros concurrent sur le marché, Le Bon Coin. Sans trop angoisser car il le sait, Reverb.com a un truc en plus : “Des prix différents que sur des magasins online comme Thomann, mais surtout une communauté internationale, composée de publics divers qui s’étendent des fans de Gojira aux auditeurs de rock vintage.”
Cette adhésion fusionnelle à la fanbase prend toute son envergure avec les “Artist Shops”, où les vedettes se font vendeurs. Joe Bonamassa, Green Day, St. Vincent, Noel Gallagher et Ray LaMontagne – pour ne citer qu’eux – sont venus sur Reverb pour vendre leur attirail. L’argent qu’ils génèrent est remis à des associations caritatives.
Cet éventail de fétiches collector confère au site des allures de Hard Rock Cafe, outrepassant le secteur de la vente pour toucher celui de la création. “Le dernier artiste à avoir collaboré avec nous est Moby. Mais récemment, Yann Tiersen m’a contacté pour avoir des infos : il achète sur Reverb !”, assure Manuel Leray. Belle manière de côtoyer des idoles pour ce jeune bassiste enthousiaste qui pourrait vous narrer, des étoiles plein les yeux, le concert de Blur à Hyde Park en 2009, “un souvenir monstrueux”.
Des accros du Disquaire Day et des fans d’Excalibur
Se rendre sur le site Reverb, c’est s’immerger dans l’antre des collectionneurs, de ceux qui font cramer leur chéquier au Disquaire Day. Les 35-45 ans constituent l’audience moyenne de la plate-forme. Leur budget leur permet plus facilement d’acquérir une Gibson. “La patte du site, c’est le old school, on n’est pas vraiment imprégnés des codes millennials”, note Manuel.
Cette nostalgie traverse un contenu éditorial plutôt pointu qui différencie cette marketplace (to be) d’un bête et méchant vide-grenier haut de gamme. Au fil des pages (30 % de contenu original) se ressassent les sonorités des westerns-spaghettis, les enregistrements studio de David Bowie et les sessions de Dave Grohl. Culture états-unienne oblige, on s’intéresse même au prix réel d’Excalibur, la mythique guitare du film Wayne’s World.
Les instruments ne sont pas simplement proposés par des boutiques spécialisées ou des particuliers mais font l’objet de récits détaillés, nous baladant des batteries qui ont fait la carrière de Keith Moon aux premières guitares des Beatles.
Au fil de conseils et tutoriels conjuguant synthés et cymbales, les rédacteurs s’efforcent d’aiguillonner l’acheteur jusqu’à ce que celui-ci finisse par poser ses doigts sur les cordes. “On ne souhaite pas devenir un média à part entière, de toute façon les marques ne nous paient jamais pour faire des articles”, affirme Manuel Leray en rappelant sa volonté “de travailler avec des artistes, promouvoir la pratique musicale et inspirer les passionnés”.
Il y a encore plein d’histoires à raconter.
Aujourd’hui, Reverb.com a beau posséder un bureau à Amsterdam et des équipes jusqu’au Japon, le site tente avant tout de se franciser un peu plus. Si la branche nationale part à la rencontre des Limiñanas et de Forever Pavot tout en s’invitant au Hellfest, sa notoriété au pays de Miossec reste encore à prouver.
“Il faudrait s’attacher aux groupes locaux et pivoter vers les studios français, s’intéresser à des scènes comme celle de Stereolux à Nantes, par exemple. Quelqu’un comme Matthieu Chedid conviendrait totalement à notre philosophie”, raconte notre interlocuteur. Bref, comme le chante Orelsan, il y a encore plein d’histoires à raconter.
Drôle de hasard, Manuel rêverait d’ailleurs de confronter l’imaginaire rock-star de Reverb… aux sons de Skread, le producteur fantomatique du rappeur, dont il a écouté le dernier album “des centaines de fois !”. On le devine, l’intensité sonore de la réverbération n’est pas prête de s’éteindre dans l’air.
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