Arte ressort l’injustement méconnue Retour au château. Cette série sur l’Angleterre décadente et raffinée des années folles s’inscrit dans un copieux programme british, JO et jubilé obligent.
La minisérie est une spécialité de la télévision anglaise et Retour au château en est incontestablement un des chefs-d’œuvre. Réalisée en 1981, multirécompensée, dotée d’acteurs exceptionnels (Jeremy Irons, Anthony Andrews, Laurence Olivier, Claire Bloom, John Gielgud), Retour au château est l’adaptation du magnifique roman d’Evelyn Waugh Retour à Brideshead – sorte d’A la recherche du temps perdu de cet écrivain britannique plus connu pour ses oeuvres satiriques.
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A la fin de la Seconde Guerre mondiale, Charles Ryder (Jeremy Irons, au sommet de sa grâce), un capitaine anglais, se rappelle son amitié avec un camarade d’université, Sebastian Flyte. Dandy homosexuel issu d’une famille aristocratique et catholique, Sebastian allait, dans les années 20, bouleverser la vie de Charles en le faisant entrer dans son monde et dans sa famille. A l’époque, Charles, d’origine bourgeoise, est raisonnable, modeste et travailleur. Pétri de doutes, il n’a pas encore trouvé sa voie ni sa place dans le monde. Il est fasciné par la décadence, le statut social, l’esprit moderne de Sebastian, dont les frasques tapageuses l’amusent et le gênent à la fois. Chargé par la mère de Sebastian de le remettre dans le droit chemin, Charles ne cessera de courir derrière lui pour lui venir en aide et sera le spectateur de la déchéance de son ami, qui avait tout pour lui sauf le destin.
Chaque plan comme un tableau
Extrêmement fidèle au roman, des descriptions aux dialogues ou à la voix off du narrateur Charles, Retour au château se déploie en onze épisodes qui capturent à merveille l’essence languide du plus romantique des romans de Waugh. Le rythme est posé, les décors sont somptueux et reconstituent minutieusement l’époque. D’Oxford à Venise en passant par le Maroc, un paquebot de luxe ou l’imposant château de Brideshead, chaque plan est composé comme un tableau, et porte en lui cette ambiance surannée.
Même si Retour au château n’a rien de l’académisme de David Lean (La Route des Indes) ou de James Ivory (Chambre avec vue), et est beaucoup moins démonstratif, plus léger, il offre aussi une vision éthérée, presque idéalisée du passé. En se souvenant avec mélancolie de sa jeunesse, le capitaine Ryder éprouve de la nostalgie pour un monde qui était pourtant déjà en train de s’effriter, pour une époque qui était certes flamboyante mais aussi terriblement incertaine, voire dramatique.
Période de transition entre l’époque édouardienne – moins corsetée que les années victoriennes mais néanmoins toujours rigide – et le monde moderne, les années 20-30 étaient, comme le montre avec subtilité la série, des années de profondes remises en question sociales. L’aristocratie, qui se sait condamnée, se retranche dans son passé.
Ambiance décadente
La bourgeoisie, qui tient à préserver ses acquis, ne trouve plus en cette dernière un modèle. La jeunesse, empreinte de doutes et de combats internes et moraux comme les jeunes gens de Retour au château, cherche son chemin entre la volonté d’être moderne, de rejeter les traditions séculaires, et le respect de la foi catholique et de la tradition, ancrées en eux, malgré eux. L’ambiance de plus en plus sombre et décadente de la fin de la série montre avec pessimisme (et un peu trop de morale ?) les failles de ces deux voies.
Retour au château est diffusé dans le cadre de trois copieuses semaines britanniques sur Arte, célébrant à la fois les soixante ans de règne d’Elisabeth II et les Jeux olympiques… On y verra donc aussi d’autres productions made in UK comme The Queen de Stephen Frears ou une soirée Thema sur Miss Marple, une série documentaire sur les goûts des Anglais, une autre, London Calling, sur l’histoire de la pop britannique à travers des angles peu traités (le rôle des écoles d’art, les managers…), ou encore trois documentaires sur les rivalités franco-britanniques depuis le XVIIIe siècle.
Anne-Claire Norot
Retour au château Série de Mickael Lindsay-Hogg et Charles Sturidge, scénario de John Mortimer, d’après Evelyn Waugh. Du lundi 11 au vendredi 15 juin à 14 h 35 et le lundi 18 juin à 14 h 55 Britishness du 9 au 30 juin
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