Le remake de Resident Evil 2 connaît un succès considérable. Le retour en grande forme d’un jeu qui renoue
avec l’esprit originel de la franchise et mise tout sur l’angoisse du joueur. Histoire d’un mythe vidéoludique.
Il se passe quelque chose d’assez inhabituel dans le monde vidéoludique traditionnellement shooté à la nouveauté. L’un des grands succès (et des meilleurs jeux) de ce début d’année, écoulé à plus de trois millions d’exemplaires dès la semaine de sa sortie, est une vieillerie de 1998. Ou presque, car, si Resident Evil 2 signe son retour au sommet du box-office, ce n’est pas sous la forme stylistiquement indémodable mais techniquement datée de sa version parue à la fin du siècle dernier, mais sous celle d’un luxueux remake.
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Il n’empêche : l’engouement pour cette histoire lâchant le joueur dans les rues (et le poste de police) d’une ville américaine, Raccoon City, infestée par les zombies, dans la peau successivement du flic débutant Leon Kennedy et de la jeune Claire Redfield, a bien quelque chose d’inédit.
La stratégie commerciale du “bon vieux temps”
Mais Resident Evil 2 n’est pas un cas isolé, se récrieront les plus attentifs. Ces dernières années, on a certes vu les remakes de Crash Bandicoot et de Spyro, autres icônes des années PlayStation 1, se vendre comme des petits pains alors que l’éditeur japonais Square Enix n’en finit pas de peaufiner celui de Final Fantasy VII. L’affaire est entendue : après avoir longtemps oscillé entre l’amnésie sélective et les compilations de “classiques” inégalement soignées, l’industrie du jeu vidéo a compris, à l’instar des maisons de disques ou des éditeurs de DVD, tout le bénéfice qu’elle pouvait tirer de ses succès passés. A fortiori quand, l’âge moyen des gamers ne cessant d’augmenter pour dépasser allègrement la trentaine, parier sur l’attrait des jeux du “bon vieux temps” devient une stratégie commerciale très raisonnable.
Resident Evil 2 est accueilli comme un nouveau blockbuster, et non comme un visiteur venu du passé
Sauf que si Resident Evil 2 (re)passionne aujourd’hui le public des amateurs de sueurs froides et d’ambiances pesantes, de grognements inquiétants dans des couloirs obscurs et de plantes vertes (qui servent ici à se soigner quand on approche les morts vivants d’un peu trop près), le phénomène semble ne pas devoir grand-chose à la nostalgie. Dans l’ensemble, c’est en effet plutôt comme un nouveau blockbuster qu’est accueilli Resident Evil 2, et non comme un visiteur venu du passé. A la limite, il aurait presque pu s’appeler “Resident Evil 8” : si retrouvailles il y a, c’est moins avec le jeu de 1998 qu’avec la saga Resident Evil elle-même, dont le destin est sans pareil.
De l’épouvante plutôt que de l’action
Son premier épisode, paru en 1996, qui était très influencé par le français (et lovecraftien) Alone in the Dark (et, plus secrètement, par Sweet Home, adaptation parue en 1989 chez le même éditeur, Capcom, d’un film d’épouvante de Kiyoshi Kurosawa), a marqué un tournant dans la folle histoire des jeux qui font peur. Bien que ses héros soient des membres des forces spéciales ultra équipés, l’œuvre du japonais Shinji Mikami misait sur l’atmosphère, l’angoisse, la lenteur et le sentiment de vulnérabilité que la visite de son manoir grouillant de zombies provoquait chez le joueur, plutôt que sur l’action (si ce n’est dans quelques moments clés).
Les munitions sont rares, tout comme les soins disponibles et les possibilités de sauvegarder sa partie. A condition de faire abstraction des kitschissimes séquences d’introduction et de conclusion en prises de vues réelles, Resident Evil 1 (1996) reste la meilleure adaptation (officieuse) des films cultes de George A. Romero (La Nuit des morts vivants, Le Jour des morts vivants, Zombie).
90 millions de jeux vendus
Depuis, l’histoire de la saga s’apparente à une success story heurtée (près de 90 millions de jeux vendus, quand même), avec tâtonnements, changements de style et bifurcations régulières. Resident Evil est même devenu une franchise cinématographique (que l’on qualifiera de manière pudique de pas complètement enthousiasmante) dont les six films interprétés par Milla Jovovich ont gagné leur indépendance. Comme s’ils se déroulaient dans un univers parallèle, récit et personnages n’y ont plus qu’un rapport assez lointain avec ceux des jeux.
La saga Resident Evil a, en 2017, pris en compte certaines tendance du cinéma d’horreur
C’est cependant d’abord sur les consoles que Resident Evil n’a cessé de se chercher pour se réinventer. 2005 fut une année importante pour le jeu : celle qui a vu le passage à une action, dynamique et inventive, avec Resident Evil 4, un épisode où la peur de l’invisible cédait la place à celle d’être submergé par une menace aux contours moins flous. 2017 aussi, avec la sortie de Resident Evil 7, l’épisode du retour à un tempo modéré – on n’a pas dit au calme – et de la prise en compte de certaines tendances du cinéma d’horreur de la décennie écoulée comme le torture porn (Saw) ou le found footage (Paranormal Activity, [REC]).
Une certaine idée de la peur et du hors-champ
Fruit d’un développement lui-même chaotique – une première version du jeu, que l’on dit aux deux tiers achevée, fut “jetée” pour tout recommencer – mais plus varié, moins monocorde que l’épisode inaugural, Resident Evil 2 appartient, lui, clairement, à la première époque de la saga, celle de la tension constante et de la fragilité. D’une certaine idée de la peur, en somme, reposant d’abord sur le hors-champ, sur ce qu’on ne peut pas (encore) voir et que l’on redoute d’autant plus. S’il “remplace” de fait le Resident Evil 2 de 1998 – car qui, ayant le choix entre l’ancien et le moderne, le choisirait ? –, ce terrifiant remake rend, au fond, justice à ses idées, à son ténébreux esprit. La lourde chenille que ce dernier pilotait est devenue un superbe papillon zombie.
You have one shot at survival, and the clock is ticking… will you make it?
The Resident Evil 2 « 1-Shot » Demo is out now for PlayStation 4, Xbox One, and Steam!
PS4: https://t.co/4FozDaRYb0
XB1: https://t.co/y0wZXGFyXk
Steam: https://t.co/RsfhPrgzVD pic.twitter.com/jgLSAXdBZC— Resident Evil (@RE_Games) 11 janvier 2019
Resident Evil 2 (Capcom), sur PS4, Xbox One et PC, environ 60 €
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