Samedi 17 novembre, le mouvement des “gilets-jaunes” s’est organisé partout en France pour protester, notamment, contre la hausse du prix du carburant. Selon le Ministère de l’intérieur, à la mi-journée, il y avait plus de 2000 rassemblements en France pour une mobilisation de plus de 240 000 personnes. Plusieurs personnes ont été blessées et une femme est décédée, percutée par une automobiliste. A Paris, nous avons suivi les manifestants qui ont investi l’avenue des Champs-Elysées, direction l’Elysée.
Au Grand Palais, à Paris, se tient en ce moment une rétrospective consacrée au peintre espagnol Miró. Et, si l’on enlève l’accent sur le “o”, son nom correspond à ce que les centaines de “gilets jaunes” présents le 17 novembre devant ce musée reprochent à Emmanuel Macron : celui d’être – consciemment – aveugle à leurs problèmes voire, pire, de les aggraver. Aux cris de “Macron démission” ou encore “Macron, y en a marre ! Les taxes y en a marre !”, des manifestants de plus en plus nombreux ont descendu les Champs-Elysées – non sans mal rapport aux blocages et dispersions à base de lacrymo opérées par les CRS – pour tenter d’accéder à l’Elysée, située rue du Faubourg Saint-Honoré, à une centaine de mètres de là.
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Ce mouvement se revendiquant “apolitique”, non structuré par des partis ou des syndicats – malgré le soutien du Rassemblement national ou encore des Républicains, la gauche, elle, étant plutôt divisée sur le sujet cf. ce papier de 20 minutes – est parti ces dernières semaines des réseaux sociaux.
Le « bololo »
Sur une pétition signée par plus de 800 000 personnes ou encore sur de nombreux groupes Facebook, des milliers de personnes se sont organisées pour protester, notamment, contre la hausse du prix du carburant prévue dans le budget 2019 du gouvernement – l’allocution d’Edouard Philippe, annonçant 500 millions d’euros supplémentaires d’aide pour accompagner les Français les plus modestes dans la transition écologique n’a guère convaincu. A la mi-journée, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner évoquait l’organisation de plus de 2 000 rassemblements partout en France, pour plus de 240 000 personnes mobilisées. Plusieurs ont été blessées – une quarantaine selon la place Beauvau – tandis qu’une manifestante est décédée en Savoie ce matin, percutée par une automobiliste.
A Paris, sur les Champs-Elysées, la mobilisation a peu a peu grossi, des “gilets jaunes” arrivant de toute part sur la célèbre avenue, qui finira partiellement bloquée – les CRS, présents en nombre, ont semblé par moment débordés par ce “bololo”, que craignait le Premier ministre Edouard Philippe. Résolus à atteindre l’Elysée – en vain – plusieurs petits groupes partaient dans tous les sens, tentant de passer par le jardin des Champs-Elysées, restant nassés devant le Grand Palais, rebroussant chemin, faisant vrombir leurs motos devant les forces de l’ordre, remontant l’avenue, descendant vers la Concorde.
« L’hypocrisie » du gouvernement
Parmi eux, Franck, technicien de 42 ans, rencontré non loin de l’Arc de triomphe, venu par “solidarité” avec le mouvement : “J’ai une voiture de fonction, je ne suis donc pas concerné par cette hausse du prix des carburants. Mais les politiques devraient se mettre à la place de ceux qui n’ont que peu de moyens.” Et cet homme qui ne vote plus depuis longtemps de pointer ce qu’il considère être “l’hypocrisie” de nos dirigeants, qui justifient notamment l’augmentation des taxes par la nécessité de financer la transition écologique (voir à ce propos ce papier du JDD, qui explique comment, en fait, cette hausse ne va que marginalement financer cette transition).
“Evidemment qu’il faut faire la transition écologique, et d’ailleurs les gens sont prêts à faire des efforts. Mais c’est totalement hypocrite : pourquoi ne pas plutôt baisser le prix des transports en commun par exemple ? C’est pour cela que les gens en ont marre. En fait, il y a deux mondes qui se créent : les gens très riches, et les gens très pauvres.” Ce discours sur “l’injustice” que représenterait cette hausse pour les personnes précaires ou issues de la classe moyenne se retrouve sur le panneau d’une manifestante, qui évoque tous les moyens que le gouvernement aurait pour financer la transition écologique – et, par ailleurs, “récupérer un pognon de dingue” : lutte contre l’évasion fiscale, retour de l’ISF (mesure qui a été supprimée par le gouvernement Macron)…
« Macron n’écoute pas le malaise ressenti par la population française »
Le sentiment d’être une “vache à lait” – et d’en avoir “ras le bol” – on le retrouve également chez Bérangère, venue de la Seine-Saint-Denis et accompagnée de son petit chien. “De façon générale, il y a trop de taxes. Je dois tous les jours me battre pour mes enfants. Et, maintenant que l’on peut connaître les salaires des sénateurs ou des députés sur internet, on ressent encore plus d’injustice.” De son côté, Murielle, comptable de 54 ans, met en avant le “mépris” du chef de l’Etat : “Le pouvoir d’achat, en ce moment, c’est n’importe quoi. Avec cette hausse des taxes, cela va faire boule de neige : tous les fournisseurs vont augmenter leurs prix, puisqu’ils auront plus de frais de carburant. Et, au-delà de ça, plus globalement, Macron n’écoute pas le malaise ressenti par la population française.”
Concernant la transition écologique, celle qui avait voté Mélenchon au premier tour de la présidentielle avant de s’abstenir au second, estime qu’elle est nécessaire, mais “qu’elle ne doit pas se faire dans la douleur : je ne pense pas que ça soit nous, avec nos petites voitures, qui polluent le plus, et qu’il y aurait bien d’autres leviers sur lesquels agir. Par ailleurs, je rappelle qu’il y a quelques années, on nous incitait tous à acheter des véhicules diesel, et, maintenant, on nous dit de les abandonner ?”. Qu’attend-elle de cette mobilisation, elle qui est présente depuis huit heures du matin ? “100 % des gagnants ont tenté leur chance il paraît ! Mais ce que je veux avant tout, c’était exprimer mon mécontentement. Je ne me fais aucune illusion sur la suite. Comme d’habitude, Macron va dire que l’on n’a rien compris.”
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