Pour Enquête exclusive, deux reporters ont pu se glisser incognito dans un groupe de visiteurs, pour un voyage pas comme les autres au cœur d’une dictature.
Partir dans la patrie des Kim quand on est journaliste, ça se mérite. Les agences qui proposent le voyage se comptent sur les doigts d’une main. Celle que nous avons choisie nous a mis en garde, une, deux, trois fois, et nous a contraints à signer un document qui nous engage à ne pas être des reporters. Nous avons donc dû mentir.
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Nous nous sommes inventé un métier, une vie et une amitié fraternelle pour duper l’agence et nos futurs guides. Pour nous, ça passe. Après vérification du tour operator et des autorités nord-coréennes, on nous délivre le précieux sésame. Rendez-vous est pris en Chine afin de suivre un briefing sur le “National Day Mega Tour”, un circuit de douze jours beyond the wall…
Un Tupolev siglé Air Koryo nous attend
Pékin, son agitation et son smog permanent. Le siège de l’agence est difficile à débusquer, à croire que proposer des excursions en Corée du Nord a quelque chose d’un peu honteux… Le “briefing” consiste en un savant mélange de propos menaçants, de mises en garde et d’invitations au voyage qu’on pourrait résumer par : “Suivez les guides, ne faites rien d’idiot, n’allez pas dans les étages interdits de votre hôtel, ne parlez pas du “Grand Leader”, ne dites pas Corée du Nord mais Corée…”
Quand sont évoquées les affiches de propagande, le nom d’Otto Warmbier, le touriste américain arrêté et renvoyé mourant aux Etats-Unis, flotte dans l’atmosphère sans jamais être prononcé. On nous fait bien comprendre que le non-respect des règles peut s’avérer extrêmement dangereux.
Nous faisons aussi la connaissance des vingt autres “touristes” qui vont nous accompagner sur les routes de Corée. Très vite vient l’évidence : nous ne sommes pas les seuls journalistes sous couverture à bord, les services nord-coréens ne sont pas au top du filtrage.
Le lendemain matin, un Tupolev siglé Air Koryo nous attend sur la piste de l’aéroport de Pékin. L’appareil est vieux mais a l’air de tenir la route. Dès la salle d’embarquement, nous ressentons cette sensation d’être surveillés, sentiment qui ne nous quittera jamais. Nous commençons à chuchoter. Les regards sont fuyants.
Un catalogue des missiles nord-coréens à consulter en plein ciel
La moitié des passagers porte un pin’s rouge à l’effigie des grands leaders – nous le comprendrons plus tard, c’est à ce détail qu’on reconnaît les Nord-Coréens. Le vol dure 1 h 30 et, malgré les chants communistes et les défilés militaires affichés sur les écrans, les hôtesses nous apportent des hamburgers bien américains et bien dégoulinants.
Dans la poche du siège, pas de consignes de sécurité ou de duty free, mais un catalogue des missiles nord-coréens. Ils sont tous là, les très gros comme les plus petits, et tous s’envolent dans un ciel menaçant. Parmi les passagers, beaucoup d’hommes d’affaires, notamment chinois, mais aussi l’équipe nationale de football du Liban, venue se mesurer à la Corée du Nord pour les éliminatoires de la Coupe du monde.
Dans cette réalité divergente, tout ce que l’on voit est sujet à caution
A notre arrivée, nous glissons progressivement dans l’upside down, un monde parallèle dans lequel la surveillance et la propagande sont omniprésentes. Dans cette réalité divergente, tout ce que l’on voit est sujet à caution.
L’aéroport international de Pyongyang, que nous trouvons bondé à notre arrivée, est en réalité vide 90 % du temps. Pour donner l’illusion d’un pays ouvert et attractif, les arrivées et les retours sont regroupés sur des plages horaires définies. La propagande est un miroir déformant qu’il faut passer au filtre du bon sens.
Le livre le plus recherché à la douane : la Bible
Les douaniers nous attendent. Ici, le problème, ce n’est pas la drogue, mais plutôt les téléphones portables et les publications étrangères : journaux, magazines, livres… Le régime craint les idées subversives, les pamphlets ou autres films de contre-propagande qui peuvent transiter par clé USB. Mais le livre qu’il recherche par-dessus tout, c’est la Bible. Et pour cause : les évangélistes sud-coréens sont la principale force de lutte anticommuniste.
Les méga-églises de Séoul drainent des fonds depuis le monde entier pour financer leurs actions et aider à l’exfiltration de dissidents nord-coréens. Ici, la Bible, c’est le diable. Nous sommes séparés. L’un de nous est retenu pour un magazine Histoire & Civilisations. Le douanier feuillette les pages du dossier qui traite de l’Egypte antique et porte une attention toute particulière aux images. Toutânkhamon et Ramsès II passent finalement le contrôle de sécurité.
Le second d’entre nous a droit à une fouille en règle et des questions appuyées sur son matériel vidéo et sa profession… Quelques sueurs froides plus tard, nous récupérons nos valises, dont les cadenas ont été forcés et le contenu retourné, pour aller humer pour la première fois l’air du Nord.
Sur le parvis de l’aéroport, nous rencontrons nos guides : quatre accompagnateurs, deux chauffeurs et même un caméraman qui va nous filmer durant tout le séjour. Les accompagnateurs sont répartis dans les deux bus. Ici, tout fonctionne par deux, l’idée étant que l’un surveille l’autre et vice versa.
Au Yanggakdo Hotel, surnommé Alactraz par les Nord-Coréens
Il sera impossible de sortir des amabilités de façade et nous ne toucherons que très rarement à la réalité des opinions de ceux qui nous chaperonnent. Munis de nos passeports français et de nos caméras, nous nous sentons protégés, prêts à jouer avec le feu, mais pour eux, au moindre dérapage…
Après un premier tour dans la capitale, nous sommes conduits au Yanggakdo Hotel, que les Nord-Coréens surnomment avec malice “Alcatraz”. Il est situé sur une île, reliée à la rive par un seul pont, afin de rendre toute expédition non autorisée impossible… Les chambres, les ascenseurs, les couloirs sont truffés de micros et les caméras sont partout.
La paranoïa nous guette. C’est dans cet hôtel que l’Américain Otto Warmbier a résidé avant d’être arrêté pour le soi-disant vol d’une affiche de propagande au cinquième étage, un lieu strictement interdit : cette chambre de Barbe-Bleue n’est accessible que par l’escalier, et personne ne sait réellement ce qu’elle renferme…
Au milieu du décorum soviétique, nous trouvons sur place une piscine intérieure, un centre de spa, des tables de ping-pong, un karaoké, un restaurant tournant avec vue panoramique et… un casino. Mais pour éviter que des Nord-Coréens se salissent les mains et se pervertissent l’esprit à coups de profits faciles, la gestion du casino a été confiée à des résidents chinois, d’où son nom de “Chinese Casino”.
Pendant la nuit, la Corée du Nord a fait exploser une bombe nucléaire
La nuit est calme. Si, pendant la journée, Pyongyang pourrait ressembler à n’importe quelle capitale avec ses gratte-ciel, ses larges avenues et ses transports publics, dans l’obscurité le contraste est saisissant. Alors que l’île où nous nous trouvons se situe en plein centre-ville, aucun bruit ni aucune lumière ne nous parviennent.
Depuis les fenêtres de l’hôtel, nous ne distinguons que les portraits éclairés des leaders, qui semblent nous observer. Au loin peut-être, d’autres lumières, des flashs, comme une célébration silencieuse. A minuit, un chant étrange, spectral, s’élève de la capitale du Nord et nous tire du lit. Au cœur de la nuit, Big Brother signale sa présence jusque dans les rêves des Nord-Coréens.
Le pays a réussi son sixième essai
Au petit matin, dans le hall de l’hôtel, nos guides viennent nous trouver. Sur un ton très solennel, ils nous conseillent d’appeler nos familles pour les rassurer… Pendant la nuit, la Corée du Nord a fait exploser une bombe équivalente à seize fois la puissance de celle d’Hiroshima. Le pays a réussi son sixième essai nucléaire et le monde semble au bord du gouffre.
Nous éprouvons tous les deux une impression étrange. Nous vivons peut-être un moment d’Histoire, mais pour nous, le programme de la journée, c’est visite du zoo de Pyongyang, autotamponneuses et musée du Timbre… Nous sommes dans une bulle et nos guides locaux veillent à ce que nous n’en sortions pas.
L’adoration de tout un peuple pour les “pères” de la nation
A Pyongyang, nous sommes baladés d’un point à un autre. Un jour, nous nous prosternons devant des statues des “Grands Leaders”, le lendemain, nous déposons des fleurs devant leur portrait. Une drôle de machine se met en place.
Nos surveillants sont sympathiques, nous racontent des blagues, nous posent des questions, semblent s’intéresser à nous. Autour de nous, le groupe de touristes perd la distance critique. Alors que nous discutons de Kim Jong-un, l’un de nous reprend : “Il ne faut pas dire Kim Jong-un mais Maréchal Kim Jong-un.” La propagande intensive fait ses premières victimes.
Si, en Corée du Nord, la religion est théoriquement interdite, elle a été remplacée par l’adoration de tout un peuple pour les “pères” de la nation. La manifestation la plus spectaculaire de ce culte est le Palais du Soleil, mausolée où reposent les corps des anciens dictateurs nord-coréens. Cette visite, nous n’avons pu la filmer.
Les caméras et autres téléphones portables sont interdits dans le saint des saints et nous devons nous conformer à une étiquette stricte. Pour nous, c’est chemise et cravate obligatoires. C’est donc habillés comme des Témoins de Jéhovah que nous pénétrons dans un des lieux les plus sacrés du pays. Le mausolée est immense.
Prosternations devant les corps embaumés des Kim
Avant de pouvoir apercevoir les corps embaumés du père et du grand-père de Kim Jong-un, il faut traverser des galeries immenses sur des tapis roulants. Au ralenti, nous avons tout le loisir de contempler les dizaines de portraits alignés à intervalles réguliers ainsi que les soldats en armes veillant sur le tombeau.
Sur le chemin, nous croisons les Nord-Coréens. Certains ont les yeux rougis… Un garde nous arrête à quelques mètres de la chambre funéraire. Face à notre groupe de touristes, dont certains (les Anglais) arborent des chemises d’un goût un peu douteux, une cinquantaine de locaux nous observent.
Dans leur regard, un mélange de curiosité et d’animosité. Dans ce bref moment d’attente, deux mondes se dévisagent. Deux mondes qui ne se comprennent pas et qui ne se parlent pas. Entre eux, une barrière invisible qui inhibe toute entrée en contact : ce mur, c’est celui de la dictature.
Nous passons dans un sas de décontamination, avec air pulvérisé et rouleaux nettoyants au sol. Purifiés des pieds à la tête, au pas et par lignes de cinq, nous entrons dans une salle obscure avec un cercueil en son centre, celui de Kim Il-sung. Nous nous prosternons de chaque côté du sarcophage, c’est le protocole.
Rizières et des champs de maïs à perte de vue
Nous reproduisons ce rituel dans une deuxième salle où gît cette fois le corps de Kim Jong-il. Les visages des deux dictateurs respirent la sérénité. Le repos éternel des Kim n’est tourmenté que par les pleurs des Nord-Coréens venus rendre hommage à leurs anciens chefs.
Certains sont secoués de tremblements incontrôlables et manquent de s’effondrer. Nous observons la scène en silence. Chacun de nous intériorise ce qu’il voit en ayant la sensation de vivre une expérience unique de conditionnement émotionnel.
Nous quittons la capitale Pyongyang pour la campagne. La route a des faux airs de film postapocalyptique, avec son asphalte déglingué et ses immenses routes désertes. Mais point de Mad Max à l’horizon, seulement des rizières et des champs de maïs à perte de vue.
Parfois, nous croisons des travailleurs qui, le dos courbé, s’affairent à couper l’herbe aux ciseaux ou à peindre à la main des petits cailloux qui bordent la chaussée. Nous devinons, à peine dissimulés par des palissades, des camps de travail, reconnaissables grâce à ces dizaines d’ouvriers et à ces soldats qui surveillent le doigt sur la gâchette.
A la frontière des deux Corée
Où que nous allions, l’armée est présente et tient de nombreux checkpoints qui freinent notre progression. Depuis les vitres crasseuses de notre bus, nous contemplons un pays sur le pied de guerre : des canons anti-aériens dissimulés dans la brousse, des maisons rendues invisibles aux bombardements grâce à des plantes grimpantes, et une nation en armes qui défile au pas cadencé.
Sur le bord des autoroutes, nous voyons d’immenses blocs de béton, dont certains sont sculptés avec soin. Ces ornements n’ont pourtant aucun but artistique. En cas d’invasion, ces ensembles seront dynamités pour bloquer le passage aux chars ennemis venus du Sud.
Nous arrivons à la zone démilitarisée (DMZ), qui marque la ligne de démarcation entre les deux frères ennemis coréens… Jamais une frontière n’a aussi mal porté son nom. Des deux côtés se massent des centaines de milliers de soldats, prêts à se battre à la première occasion. Ici, l’air sent la poudre et les uniformes kaki ne nous lâchent pas du regard.
Avant de franchir les murs monumentaux de la DMZ, nous sommes conviés – une fois n’est pas coutume – à la boutique de souvenirs. Pour un touriste qui visite la Corée du Nord, le Graal, c’est de ramener une affiche de propagande ornée du sceau officiel.
Une de nos guides lâche : “Yankee go home !”
Sur place, nous trouvons un très large choix d’images montrant des Américains se faisant martyriser de toutes les manières possibles par des soldats nord-coréens ou leurs missiles. Plusieurs milliers de dollars sont échangés à ce moment-là… Une bonne affaire pour Kim Jong-un.
Galvanisés par la rhétorique guerrière de Kim Jong-un
Après que chacun a fait son petit business à coups de liasses de dollars, nous grimpons sur les remparts. Face à nous, la Corée du Sud et… quelques soldats américains qui déambulent tranquillement. L’un d’entre eux s’arrête quelques secondes pour nous toiser dans une attitude nonchalante. Une de nos guides lâche : “Yankee go home !”
Plus tard, une autre nous soutiendra que le peuple de Corée du Nord ne craint pas l’affrontement avec le Dirty South et son shérif, Donald Trump. Galvanisés par la rhétorique guerrière de Kim Jong-un et les récentes réussites des programmes balistiques et nucléaires, les Coréens du Nord sont convaincus de sortir vainqueurs de la guerre qui s’annonce.
Entre deux miradors, nos téléphones vibrent. Après une semaine d’intense isolement, nous captons le réseau mobile sud-coréen. Une brise se lève, nous sentons que notre monde est là, tout proche. Le Sud nous envoie de la K-pop, depuis des haut-parleurs. De l’autre côté de la frontière, on ne recule devant rien pour emmerder Kim…
Dégustation de les palourdes goût station-service
Ce soir-là, pour nous remettre de nos émotions de la journée, nous sommes invités à partager une tradition nordiste : le “Petrol Clam BBQ”. Vous avez dit pétrole ?… Notre chauffeur s’affaire, tuyau à la bouche, pour prélever du gazole frais directement dans le réservoir du bus. Dans une obscurité intense, éclairé par les seuls phares de notre carrosse, le conducteur verse directement le gazole sur les coquillages et allume le brasier.
Pendant cette cérémonie un peu étrange, nous buvons du soju, un alcool de riz très prisé des Coréens. Enivrés par cette belle soirée, nous dégustons ensuite les palourdes goût station-service. Avec le sourire forcé d’un invité visitant une dictature, nous mangeons du poison.
Les visites se succèdent. Le voyage tombe dans une certaine torpeur. D’une ferme sans fermier, on nous conduit dans une usine sans ouvriers, puis nous atterrissons dans une porcherie à l’hygiène irréprochable. A chaque repas, on nous sert près d’une dizaine de plats différents. Dans un pays fragile sur le plan de la sécurité alimentaire, cela a quelque chose d’obscène. Le message est clair : tout en Corée du Nord respire l’opulence et le bonheur.
Présentation d’une école modèle
A Pyongsong, non loin de la capitale, nous nous arrêtons dans une école qui nous est présentée comme “normale”. De salle en salle, nous assistons à des cours d’anglais, d’informatique, des démonstrations de musique, de danse et des entraînements de foot ou de ping-pong… A l’évidence, ces enfants nous attendaient. Une certaine gêne s’installe dans le groupe.
Les fillettes affichent des sourires forcés et sont maquillées avec démesure. Derrière leur grimace de peinture, nous ressentons l’aliénation, le contrôle… Cette “école” n’a rien de “normale”. Au lieu de suivre un programme, ces petits singes savants sont entraînés pour recevoir des délégations d’étrangers. Tous répètent à l’envi les mêmes gestes, le même spectacle.
Dans ce Truman Show plus vrai que nature, un instant de vérité vient déchirer le voile du mensonge, quand l’une des gamines laisse tomber le cerceau avec lequel elle était censée nous impressionner. Le masque tombe… Son visage se ferme et son regard exprime une détresse si profonde qu’elle n’échappe à aucun des touristes présents. Impossible de connaître la sanction qui l’attend.
Alors que nous repartons, nous remarquons des affiches de propagande dessinées façon manga partout dans les couloirs. On peut y voir des missiles, des tanks et tout l’arsenal de l’armée des Kim surmontés de slogans guerriers. A deux pas de la sortie, une dernière affiche montre un Coréen lançant un cocktail Molotov sur un étendard américain en flammes.
Au musée des Atrocités de guerre américaines, à Sichon
Le régime a d’autres tours de passe-passe pour s’assurer que le flux de soldats, nourris à la haine, ne se tarisse pas. L’exemple le plus parlant est le musée des Atrocités de guerre américaines, situé dans la province de Sinchon.
Chaque centimètre carré de l’édifice nous jette au visage les monstruosités prétendument commises par les soldats américains pendant la guerre de Corée. Rien ne nous est épargné le long des couloirs : reproductions de cadavres calcinés, cris d’enfants, images de femmes violées, d’hommes torturés et de nourrissons convertis en ballon de football… La haine suinte de partout.
Nous sommes frappés par la manière dont sont représentés les Américains, monstres sadiques et lubriques, souriant de chacun de leurs crimes. Une propagande pure, sans nuance, qui s’impose aux plus jeunes esprits puisque le musée se visite dès la maternelle. A ce moment, nous ne pouvons nous empêcher de porter la contradiction.
Ces massacres ont-ils véritablement eu lieu ? Y a-t-il des preuves ? La communauté internationale a-t-elle reconnu ces atrocités ? Nos questions agacent une de nos guides : “Vous pensez que je vous raconte des bullshits, c’est ça ?” Le temps s’arrête, nous sommes en Corée du Nord et nous venons de frôler la ligne rouge.
Jour de grande fête nationale
Nous subirons, après cet événement, différents interrogatoires séparés de la part de nos guides, qui viendront l’un après l’autre nous demander quelles sont nos motivations et pourquoi nous filmons en permanence. Nous tenons le coup. Accrochés à nos mensonges, nous traversons l’orage… Nous pourrons rentrer chez nous.
La veille du départ, c’est la grande fête nationale. Tout le pays s’est plié en quatre pour nettoyer les rues. La ville est impeccable, la société en ordre de marche. Sous nos yeux, nous voyons des danseurs et des danseuses qui sourient, et à chaque fois les mêmes questions : sont-ils heureux ? savent-ils ce qu’il y a dehors ? sont-ils réellement convaincus que leur pays est un paradis terrestre ? Nous n’aurons pas la réponse.
Nous quittons le pays en train et contemplons une dernière fois, à mesure que nous approchons de la Chine, les paysages verdoyants du Nord, où s’écoule la vie des habitants. Une dernière interrogation vient alors nous troubler.
Au sortir de ces douze jours de safari photo par-delà les villes et les campagnes, la question se pose de savoir qui était la véritable attraction touristique ? Les Nord-Coréens ? Ou les touristes venus les observer, qui par leur dégaine et leur attitude ont dû sembler bien exotiques aux yeux autochtones ?
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