Ce jeudi 14 novembre, le personnel médical est descendu dans la rue pour défendre l’hôpital public et demander plus de financement. Les blouses blanches ont défilé de Port-Royal à Matignon, aux côtés de pompiers et de Gilets jaunes. Une manifestation d’une ampleur inédite, apogée de huit mois de mobilisation.
“La santé n’est pas une marchandise !” Sur le boulevard du Montparnasse, dans le 14eme arrondissement de Paris, les manifestants en blouses blanches enchaînent les slogans. Ce 14 novembre, ils sont montés de toute la France pour faire pression sur le gouvernement, alors que le personnel hospitalier se mobilise depuis huit mois.
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Lancé il y a quelques mois par le collectif Inter-Hôpitaux, créé en octobre en écho au collectif Inter-Urgences, l’appel à manifester a trouvé un écho inédit dans le milieu médical. Les syndicats de la fonction publique hospitalière ont tous répondu présents, tout comme les étudiants et certains libéraux. En tout, c’est une quinzaine d’organisations qui sont représentées aujourd’hui, affirme Hugo Huon, du collectif Inter-Urgences. “Cette manifestation, c’est un coup d’envoi. C’est un premier geste militant de la part de tous les soignants, c’est la première grande manifestation pour l’hôpital”.
Aujourd'hui, le personnel médical se mobilise en masse pour sauver l'hôpital public. Certains viennent même de Savoie pour manifester. Le cortège partira de Port Royal à midi pour arriver à Matignon. #hopitalpublic #hopitaux pic.twitter.com/bkLKgA0Aqs
— Rémi Yang (@RemiYang) November 14, 2019
Un appel au secours
Au carrefour de Port Royal, Bastien Reister brandit un drapeau savoyard. Le bonhomme est venu déguisé d’une boîte sur la tête et d’une seringue plantée dans le crâne, et a fait la route avec plusieurs autres représentants de l’hôpital de Chambéry. “On est monté aujourd’hui à Paris, parce que ça fait des mois et des mois qu’on appelle au secours Madame Buzyn pour sauver notre hôpital, et on n’est pas entendu”, déplore l’infirmier.
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Florence, déléguée CGT, a fait le chemin de Clermont-Ferrand, où elle travaille en tant qu’aide soignante dans un service de réanimation et de soins intensifs. “Ça fait une quinzaine d’années que je travaille dans l’hôpital, et je vois mes conditions de travail et la prise en charge des patients se dégrader de plus en plus”, explique-t-elle pour justifier sa venue.
''Enfants malades, laissez nous les soigner !" scande le personnel de Necker pic.twitter.com/CobNEzo5g1
— Rémi Yang (@RemiYang) November 14, 2019
“C’est beau, ça me fait chaud au cœur de voir autant de monde. Il y a des gens de Paris est de province qui se sont déplacés”, félicite Lamia Kerdjana, anesthésiste-réanimatrice à l’hôpital Lariboisière de Paris, et présidente du mouvement Jeunes Médecins.
Des économies aux drames
Dans les rangs du personnel médical, c’est le manque de moyens alloués à l’hôpital et son mode de financement qui sont pointés du doigt. “La T2A [tarification à l’acte, ndlr] est en train de nous tuer, car c’est la course à l’acte pour être rémunéré. Plus on en fait plus on est payé. La santé n’a pas de prix”, soutient Florence, pour qui l’hôpital ne devrait pas obéir à une logique de rentabilité.
Olivier, infirmier psychiatre à l’EPS Barthélemy Durand d’Etampes (91), est ici pour dénoncer les coupes budgétaires faites dans les hôpitaux “aux dépens des patients”. “On nous demande 55 milliards d’euros d’économies sur le personnel, on a eu 4 200 fermetures de lits en 2018, ce qui représente six gros hôpitaux !”, alerte-t-il. “Dans mon service, on est passé de quatre infirmiers à deux ! C’est catastrophique pour la prise en charge des patients. Il y a trois semaines, il y en a un qui s’est suicidé”, regrette-t-il. Un drame qu’il impute au manque de disponibilité des équipes.
Médicaux, pompiers et gilets jaunes
L’Objectif national de dépenses de l’assurance maladie (Ondam) fixé dans le cadre du Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), a mis le feu aux poudres. Voté le 29 octobre dernier, celui-ci prévoit un Ondam à 2.1 % alors que les hospitaliers demandaient au minimum le double. Conséquence : ils vont devoir à nouveau se serrer la ceinture.
“Faire des économies sur des économies, ce n’est plus possible !”, martèle Florence. “On est de plus en plus pressé, les règles d’hygiène ont été revues à la baisse, les isolements aussi… tout ça pour faire des économies…”
Quelques photos de la mobilisation d'aujourd'hui#hopitalpublic #hopitaux pic.twitter.com/cCZ1WgyyaD
— Rémi Yang (@RemiYang) November 14, 2019
Au sein de la manifestation, toutes les professions hospitalières sont représentées. Pédiatres, pneumologues, généralistes, urgentistes, infirmiers, psychiatres… Un groupe de pompiers est également venu prêter main-forte aux blouses blanches. “Ils ont été là pour nous, alors on est là pour eux”, explique l’un d’eux, en faisant référence à la manif du 15 octobre où les soldats du feu ont été épaulés par les urgentistes. Jérôme Rodriguez, figure du mouvement des Gilets jaunes, et même le député Jean Lassalle ont été aperçus dans le cortège.
La fin de l’hôpital public ?
“Si on continue sur cette pente-là, c’est la fin de l’hôpital public”, alerte Bastien. Dans la manif’, les symboles autour de la mort sont omniprésents : grande faucheuse, cercueil en carton porté à bout de bras, champ lexical du décès sur les pancartes…
“L’hôpital public est clairement en train de mourir. Moi, je n’accepte pas ça car je pense que c’est une mission de service public, et travailler dans le privé n’est pas envisageable pour moi”, fait valoir Julia Devianne, interne en neurologie à la Pitié Salpétrière et membre du collectif Inter-Hôpitaux.
Si l'ampleur de la manifestation est inédite, c'est parce que tous les corps de métier sont mobilisés. Infirmiers, internes, externes, libéraux… meme des asso d'usagers sont présents pic.twitter.com/F3Qjt715Li
— Rémi Yang (@RemiYang) November 14, 2019
Derrière la bannière du collectif, le personnel de l’hôpital Necker Enfants Malades scande “enfants malades, laissez nous les soigner !”. Devant, une soignante promène une poussette dans laquelle se nichent un poupon et une pancarte “nous vous soignons, vous nous saignez”.
“On est dans l’attente d’un plan hôpital annoncé par Agnès Buzyn dans les prochains jours”, affirme Hugo Huon, le président du collectif Inter-Urgences, qui “espère que le gouvernement aura une réponse adaptée à la mobilisation”.
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